Cinéma: en attendant de déguster « Premiers crus »…

Sa sortie sur les écrans est programmée le 23 septembre: voici un avant-goût « officiel » du scénario de Premiers crus, ce film qui se déroule dans les vignes bourguignonnes. Pour la critique, on vous en dira plus semaine prochaine, à l’issue de l’avant-première.

premierscrus

L’indémodable Gérard Lanvin, l’excellent Jalil Lespert, les ravissantes mais énergiques Alice Taglioni et Laura Smet: un tel casting ne suppose pas la médiocrité. Premiers crus fera sa sortie officielle le 23 septembre et seule la presse aura le privilège de déguster en avant-première cette production bourguignonne du cinéaste Jérôme Le Maire.

Premiers crus évoque le déclin d’un vigneron côte-d’orien désabusé (Gérard Lanvin), dont la lassitude met en péril son domaine. Son fils Charlie (Jalil Lespert) est un œnologue craint et reconnu pour ses critiques. Sans grand enthousiasme, il quitte Paris et ses mondanités pour reprendre les bottes et le sécateur, sous le regard dubitatif de son taiseux de paternel.

L’intrigue est un prétexte pour évoquer la subtilité de la vigne en Bourgogne, le rôle que les femmes y exercent, la difficulté de la transmission et tant de choses qui mènent à la réalisation de nos meilleurs crus.

Sur le papier, l’affiche est prometteuse. En attendant de vous faire partager nos impressions à l’issue de la projection en avant-première (semaine prochaine) du film, voici l’interview officielle du réalisateur Jérome Le Maire, fournie par la production.

Propos recueillis par Stéphane Boudsocq & Stéphane Lerouge

Premiers crus est votre 2ème film après « Requiem pour une tueuse » en 2011. Qu’est-ce que vous a séduit dans cette histoire qui mêle terroir et famille ?
Précisons d’abord que je ne suis pas Bourguignon mais que j’ai passé pas mal de temps dans cette région il y a quelques années. Je me suis toujours demandé pourquoi aucun film n’avait jamais été fait sur cette partie de notre territoire, pourtant connue dans le monde entier pour ses vins. Rares sont ceux qui savent exactement à quoi ressemble la Bourgogne. En me baladant dans les vignes, dans ces décors incroyables, j’ai senti qu’il y avait de très belles histoires à y raconter.

C’est apparemment un sujet qui, comme le bon raisin, a pris le temps de mûrir dans votre esprit !
Je crois que les sujets de films s’imposent quand ils sont prêts: un matin vous vous réveillez et c’est celui-là que vous devez faire! La graine de cette histoire remonte aux années 2006, j’ai écrit le scénario en 2012 et le film sort en 2015, ce qui fait effectivement quelques années de maturation…

Il y a de multiples sujets qui traversent votre film, notamment ceux importants de la terre, de la famille et de la transmission. Ce sont des sujets qui résonnent particulièrement en vous?
En travaillant sur le script, en Bourgogne, je me suis vite rendu compte que le thème de la transmission y était essentiel. C’est une région habitée et cultivée depuis des siècles, ça remonte aux romains puis aux moines. Les vignerons sont plus souvent à la tête de petits domaines familiaux que de grandes exploitations. Savoir qui va reprendre le vignoble est un véritable enjeu pour le viticulteur bourguignon et l’idée de transmission s’est imposée.

Au passage, la manière dont vous filmez cette terre bourguignonne rend parfaitement hommage à ce qu’elle représente. Les images sont très belles, sans jamais tomber dans l’esthétisme…
Il fallait magnifier le vignoble. Si vous prenez la peine de quitter la nationale et d’emprunter les petits chemins qui traversent les vignes, vous trouverez des coins superbes et inconnus des guides touristiques. Mais c’est cela aussi la Bourgogne: un lieu un peu fermé où les propriétaires n’ont parfois qu’un demi hectare de vigne. Je voulais montrer la terre et la manière dont ils la cultivent: les pieds dans la boue, les 3 mains dans le raisin, le visage buriné par la météo… Il y avait donc l’idée d’un film un peu naturaliste, sans en faire trop en effet sur l’esthétisme!

Et comment trouve-t-on sur place les lieux indispensables pour tourner: les châteaux, les chais par exemple?
Nous nous sommes appuyés localement sur un journaliste de la Revue du Vin de France, lui-même très implanté dans la région. C’est un monde assez fermé où il faut montrer patte blanche mais une fois ce cap franchi, l’accueil est extrêmement chaleureux. Nous avons tourné sept semaines sur place et l’accueil a été formidable.

L’intrigue dégage presque une ambiance shakespearienne: les relations père- fils, la rivalité entre deux familles et l’histoire d’amour des enfants de chaque clan…
Je voulais qu’il y ait ce côté un peu tragique, porté d’ailleurs par des personnages féminins très forts. En Bourgogne, les femmes ont un rôle extrêmement important, comme Edith la mère du personnage d’Alice Taglioni. Ce sont de véritables patronnes qui se sont hissées au fil des années et à force de travail à la tête de prestigieux domaines. Quant au côté clanique, il est très présent en Bourgogne. Dans cette région les histoires de rivalités familiales ont une grande importance…

Avec pour François Maréchal, joué par Gérard Lanvin, une sorte de désillusion par rapport à son domaine…
François Maréchal était un bon vigneron dans le passé mais quand débute le film, il a depuis longtemps baissé les bras. En Bourgogne, comme dans d’autres vignobles, la révolution qualitative amorcée il y a plusieurs années a mis à l’écart ceux qui faisaient du mauvais vin, souvent sur les mêmes terroirs que ceux qui en font de l’excellent. Ce ne sont pas des gens qui communiquent beaucoup entre eux, chacun gardant son savoir-faire.

Le choix de Gérard Lanvin pour ce rôle de patriarche désabusé était une évidence?
Oui, j’ai écrit en pensant à lui. François Maréchal est un personnage fatigué, assez loin de ce qu’on lui propose généralement et de ce qu’il est dans la vie. Gérard est quelqu’un de solaire, chargé d’énergie. Moi, il me fallait l’inverse à l’écran. Maréchal a encore l’œil qui brille mais il n’a plus envie de se battre, juste de finir son bateau et de partir ailleurs. Je crois que c’est ce qui a intéressé Gérard: aller là où l’on n’a pas l’habitude de l’emmener. Il a beaucoup travaillé le rôle, en trouvant une posture, une démarche et un ton propre à l’énergie un peu basse du personnage.

Une des bonnes idées du casting, c’est de choisir Jalil Lespert pour jouer Charlie, son fils. Un très bon comédien assez rare à l’écran et qui plus est physiquement crédible en fils de Gérard Lanvin!
C’était le pari de Premiers Crus: trouver un duo d’acteurs père-fils qui fonctionne parfaitement. Jalil est un comédien avec une vraie dimension populaire et une palette de jeu extrêmement large. Comme Gérard, c’est quelqu’un d’intense et d’habité qui trouve toujours le ton juste pour ses personnages. Le film repose en grande partie sur la qualité de leurs interactions, sur l’intensité et la crédibilité du lien père-fils qu’ils m’ont aidé à construire.

Parlons aussi de vos comédiennes car les personnages féminins sont essentiels à l’histoire en commençant par Alice Taglioni qui interprète le personnage de Blanche. Vous avez réussi à la filmer dans toute sa beauté sans jamais que cela ne semble apprêté!
C’est vrai qu’on voit rarement Alice dans la boue avec des bottes et un treillis! Sérieusement, le parti prix était de ne quasiment pas la maquiller ou la coiffer. Elle devait incarner ce côté un peu aristocratique des propriétaires terriens, tout en restant naturelle. Alice a un physique très moderne, très américain, très plastique donc ce n’était pas compliqué, il fallait juste enlever la sophistication.

Laura Smet joue Marie, la sœur de Charlie, la fille de François Maréchal. Un second rôle mais très important pour l’intrigue…
Laura devait jouer une femme de poigne censée ramener son frère au sein du domaine familial tout en maintenant son père à flots. J’avais en tête un personnage beau, moderne là aussi, qui soit à la fois classe et attachant. Elle a été parfaite et son personnage existe à merveille.

Le ton du film lui aussi est très moderne, juste, concret…
J’ai écrit avec Remi Bezançon et Vanessa Portal, avec l’envie de trouver un ton simple et fluide en évitant d’être trop bavard, d’autant que les bourguignons sont plutôt des taiseux. J’ai ensuite allégé une partie du texte pendant le tournage, puis j’ai coupé encore au montage avec ma monteuse, pour vraiment rester sur la corde de ce qu’il fallait comprendre, de la chair de l’histoire.

Autre élément d’importance, la musique de Premiers Crus. Vous avez joué sur deux tableaux, deux inspirations…
La musique a été écrite par Jean-Claude Petit, un compositeur habitué aux films lyriques et naturalistes: Jean de Florette, Cyrano de Bergerac… Il a parfaitement compris les émotions de l’histoire et sa musique épouse parfaitement la mise en scène. Nous y avons ajouté à de rares endroits des influences plus modernes signées par Pascal Lafa, un jeune compositeur qui apporte une touche plus contemporaine.

Lire aussi l’entretien avec Gérard Lanvin