Fallot : mustard in the noise !

Fallot, la plus emblématique de nos moutarderies, a un faible pour les États-Unis. Marc Désarménien explique en quoi cet immense marché dans un pays qui est pourtant le premier producteur mondial dans son domaine, c’est… in the noise!

Par Dominique Bruillot
Pour Dijon-Beaune Mag #66
Photos : Michel Joly

Ce n’est pas parce que le monde entier pense qu’elle est « de Dijon », que la moutarde se fabrique essentiellement en Bourgogne. 90 000 tonnes environ chaque année en France, dont seulement 30 % à l’export, cinq à six fois plus du côté des États-Unis : y’a pas photo !

Par contre, au niveau de la réputation, l’affaire est plus piquante. Fallot « ne se prostitue pas pour conquérir le marché américain mais s’impose de lui-même par ses propres valeurs », dixit Marc Désarménien. Le boss et ingénieux développeur de la plus emblématique de nos moutarderies doit beaucoup à sa passion lointaine pour les « States » : « En 1989, j’ai mis les pieds en Amérique, ça me fascinait. J’ai même fait mon service militaire en coopération au Canada. »

Solidarité bourguignonne

Le marché américain est alors un « marché de prix », l’un des premiers à l’export. La french touch n’a pas encore provoqué l’excitation du consommateur outre-Atlantique. Face à cet immense terrain de jeu, l’entrepreneur y va donc step by step. Le prix d’un pot ne pèse pas lourd dans le chariot d’un Américain !

La valeur ajoutée, pour être admise, passe par la pédagogie. Solidarité bourguignonne aidant, Fallot a ainsi fait étape il y a deux ans à St.Helena (Californie) chez Boisset Family Estates (la branche américaine du groupe nuiton Boisset), pour y tenir un grand dîner à la moutarde, avec du crémant de Bourgogne. « La graine de moutarde développe les saveurs vineuses du chardonnay en bouche », témoigne Marc Désarménien qui, pour la circonstance, a proposé aux journalistes et invités présents, une moutarde éphémère au pinot de Napa Valley.

Mythique Grey Poupon

Progressivement, la stratégie fonctionne. Pour Fallot, le marché américain représente 10% de son chiffre d’affaires. Avec une politique exemplaire de réimplantation d’une graine d’origine bourguignonne (Marc Désarménien fait le pari de produire, d’ici deux ans, près de 100 % avec cette matière première régionale), la dimension exclusive du produit peut séduire un public en quête d’authenticité et de traçabilité. Cette visée du haut du panier de la ménagère yankee tombe à pic dans l’assiette d’un public en pleine mutation.

Participer aux salons Fancy Food Show de San Francisco et de New-York est ainsi une nécessité. « Ces petits SIAL sont incontournables pour nous développer sur un pays qui évolue favorablement vers des produits tracés et de qualité », se réjouit le PDG de Fallot. Une médaille d’or de « meilleure moutarde de Dijon » décernée à sa maison par un comité d’experts renforce d’ailleurs son enthousiasme.

La « Classic Dijon » a remporté la médaille d’or au World-Wide Mustard Competition, prestigieux concours américain évaluant la qualité des moutardes de Dijon du monde entier.
© Michel Joly

Dijon classic

À lire le dossier de presse spécialement édité pour le public américain, très élégant et détaillé sur la dimension historique de Fallot, on voit bien que « notre caractère authentique, notre côté gaulois bien assumé », font mouche. Dans un pays où la mythique marque Grey Poupon (maison renomée créée à Dijon) est abondamment produite et diffusée par le géant de l’agroalimentaire Kraft Heinz, sous l’intitulé « moutarde de Dijon », il convient assurément de détailler sa spécificité.

Au bout de l’explication, le consommateur américain apprécie de plus en plus l’authenticité de l’origine et les moutardes aromatisées. Il opte volontiers pour une « Dijon classic », une moutarde à l’ancienne ou au raifort (« horseradish »), voire au miel ou encore au balsamique. En France, sans que les différences soient plus marquées que cela, on aurait plutôt tendance en ce moment à préférer la noix du Périgord. Mais peu importe le goût des autres au final, le principal n’est-il pas que cette petite graine magique traverse avec grâce nos palais plutôt que de nous monter au nez ?