Flavescence dorée: les enjeux de l’affaire Giboulot

© Clement Bonvalot
© Clement Bonvalot

Ce lundi, le viticulteur Emmanuel Giboulot, qui exploite 10 hectares entre Côte de Beaune et  Hautes-Côtes de Nuits, selon les principes de la biodynamie, est convoqué devant le tribunal correctionnel de Dijon. Il lui est reproché d’avoir refusé de se soumettre à un arrêté préfectoral imposant aux viticulteurs de traiter leurs parcelles au moyen d’un insecticide dans le cadre de la lutte contre la flavescence dorée.  Une pétition de soutien lancée par l’association IPSN a recueilli plus de 400000 signatures à ce jour, tandis qu’un pique-nique sera organisé aujourd’hui devant le tribunal. Le Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne, lui, refuse de faire d’Emmanuel Giboulot un « martyr ». On fait le point.

L’affaire. En 2011, un foyer de flavescence dorée, une grave maladie de la vigne propagée par un insecte, la cicadelle, est identifiée en Saône-et-Loire. Pointant le risque de contamination, le préfet de Région Pascal Mailhos prend le 7 juin 2013 un arrêté obligeant les viticulteurs de Côte-d’Or à utiliser dans leurs parcelles un insecticide. L’arrêté précise l’existence d’un produit compatible avec les exigences de l’agriculture biologique.

© D.R.
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Le viticulteur. Emmanuel Giboulot est viticulteur biologique, converti aux principes de la biodynamie depuis le milieu des années 1990. Son vignoble de 10 hectares produit des vins en Côte de Beaune et Hautes-Côtes de Nuits. Fidèle à ses principes, et ainsi qu’il l’explique dans une vidéo de nos confrères de France 3, il refuse de se plier à l’arrêté préfectoral pour plusieurs raisons. Il considère que la situation géographique du foyer de flavescence n’en fait pas une menace pour les vignes de Côte-d’Or ; de plus, l’insecticide autorisé en agriculture biologique, le Pyrévert, fabriqué à partir d’extraits de plante n’est selon lui pas neutre puisque ce produit tuerait sans discernement tous les insectes y compris les insectes auxiliaires (les anti-acariens par exemple) ou les pollinisateurs. Son efficacité est également contestable selon lui, puisqu’il entraîne une spirale de traitements qui dévasteront à terme l’équilibre de l’écosystème des vignes.

Les soutiens. Depuis la médiatisation de l’affaire, Emmanuel Giboulot a pu compter de nombreux soutiens. Le plus visible est la pétition lancée par l’association IPNS (Institut pour la protection de la santé naturelle), une association bruxelloise qui milite pour la reconnaissance d’une information alternative, notamment dans le domaine de la santé. Cette pétition revendique plus de 400000 signatures au moment où nous rédigions ces lignes.

La risposte. Devant l’ampleur du mouvement, des très nombreux articles de la presse nationale et des appels des vignerons, le BIVB (Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne) a organisé vendredi matin une conférence de presse afin de donner son point de vue sur ce qui est en train de prendre une dimension nationale. Claude Chevalier, président du BIVB, refuse qu’Emmanuel Giboulot devienne « un martyr » au sein d’une Bourgogne que les medias semble décrire emplie de pollueurs. Il reconnaît la nocivité des produits, mais selon lui la faute est à chercher du côté des fabricants, pas des utilisateurs. « Si les produits étaient sélectifs, on n’en serait pas là. Les viticulteurs ne veulent pas retourner en arrière, lorsque l’on faisait plus d’une dizaine de traitements par an ! Mais ils utilisent ce qu’on leur fournit ! »

Le risque de contamination par la flavescence dorée justifiait-il un traitement ? Claude Chevalier rappelle qu’en Saône-et-Loire, à cause du non-respect du traitement dans un périmètre « restreint » autour du foyer touché, ce sont 20 hectares qui ont dû être arrachés l’année suivante. Et seulement 0,2 arrachés après les trois traitements appliqués. Quant à dire que la Côte-d’Or est totalement indemne de flavescence dorée, c’est faux: le contrôle systématique a permis de découvrir au moins un pied atteint dans le vignoble qui fait la renommée de notre département.

Au sein du BIVB, on a pris conscience du problème puisqu’un groupe de travail a été constitué. A l’heure actuelle donc, selon Claude Chevalier, il semble difficile de se passer des traitements. « Il faut être réaliste, assène-t-il. Mais ne pas croire pour autant que les viticulteurs sont tous acharnés à mettre des produits ! Dans le cas précis de la flavescence dorée, on sait que la méthode la plus efficace, c’est le contrôle systématique des parcelles… ce n’est pas un produit, cela ! Cela fait cinq ans que le BIVB est engagé dans une démarche de développement durable et nous allons continuer en ce sens, car c’est le sens de la nature. »