Villars-Fontaine : quel emplâtré ce maire !

Avant-goût du festival Street art on the Roc : avec son bras droit Cécile Lepers-Jobard, le premier magistrat de Villars-Fontaine a joué les cobayes en abandonnant son corps aux artistes plasticiens Xuefeng Chen et Raphaël Petitprez. C’est ce qui s’appelle se faire emplâtrer dans les règles du street-art !

Par Dominique Bruillot
Pour Dijon-Beaune Mag #66
Photos : Christophe Remondière

Vill’art. Euh, comment dire… Le festival qui dérange ? Un repaire d’artistes qui ont pété les plombs ? La lubie d’un maire fantasque ? Dans les Hautes Côtes, les commentaires vont bon train, rapidement contrebalancés par une réalité dont nous assumons pleinement le constat : sans lui, sans la ténacité de Pierre Lignier, le paysage carrier aurait pu perdre beaucoup en lumières et en couleurs.

Fantaisie salutaire

Car après toutes ces années de festival, avec des idées aussi inédites qu’engageantes pour les habitants de la région (on se souvient de ces photos géantes des gens du village posées sur leur maison d’habitation, ou plus tard de ces artistes lâchés en liberté dans les vignes), on voit ce que Vill’Art peut réellement nous apporter : une fantaisie salutaire pour l’âme, un destin festif pour cette plaie dans la Côte qu’aurait pu devenir la carrière de Villars-Fontaine, si elle n’avait pas été reprise en main par une petite commune de 150 habitants. L’Unesco, très attachée à son plan carrier, devrait apprécier.

Fin août, le festival battra son plein. Sur les parois d’une incroyable pureté (passez la main dessus et vous verrez !), de nouveaux street-artistes complèteront en format géant et en direct, sous les yeux des spectateurs, la fresque du site. Quelques conférences sur le vin et autres tables joyeuses (voir pratique page 70) apporteront en complément de cette mutation, le sentiment profond qu’au Pays des sires de Vergy on a l’esprit de fête et que l’on sait partager. Le tout, en donnant un sens nouveau et durable, une dimension culturelle inattendue à l’environnement local.

Mieux qu’un hologramme

Mais avant que la carrière de Villars-Fontaine ne soit enfin reconnue aux yeux de tous comme la plus grande scène de Bourgogne-Franche-Comté (les sceptiques ont toujours un train de retard, mais ils se rattraperont comme souvent par la parole), on pourra applaudir les musiciens qui se produiront cette année entre deux silhouettes de plâtre. C’est bien là que jaillit le génie de l’événement, quand l’éphémère d’une exposition soutient le projet à long terme de considérer qu’une carrière de pierre n’est pas une cicatrice irrécupérable pour le paysage, mais bien le témoignage patrimonial de l’activité de l’homme et de son rapport à la nature, l’ouverture intellectuelle dont on a besoin pour voir plus loin, entendre mieux, déguster plus encore.

L’équipe ayant participé à la séance test d’emplâtrage, une chaude journée de juillet. Avec, de part et d’autre, Pierre Lignier et Cécile Lepers-Jobard, les deux piliers du festival.

Esprit adolescent

Aux pieds du spectacle, petit public figé dans un public enchanté, une foule d’au moins 150 silhouettes de plâtre réalisées au rythme de quatre par jour par plusieurs équipes de trois, va squatter l’avant-scène du festival. C’est ainsi que du haut de son âge vénérable, toujours porté par un esprit adolescent, le maire du village (78 printemps au compteur, quand même !), s’est proposé volontaire, dès juillet, pour tester le premier emplâtrage sous la conduite des artistes Xuefeng Chen et Raphaël Petitprez.

L’opération prend au moins deux heures et nécessite une grande patience. Ce qui confirme que, sous ses côtés bouillonnants, Pierre Lignier sait aussi tenir sa place, le temps de la réalisation de son clone. Mieux et plus fort qu’un hologramme pour meeting politique, Vill’Art invente un double qui a bien d’autres choses à apporter que la simple répétition des faits et gestes de son inspirateur : il nous permet désormais de dire que pour avancer dans la vie, il faut aussi savoir se faire emplâtrer.