Accord mets-vins : à bon vin, bon jambon !

Cette dégustation a eu pour cadre l’Âme de la terre, la maison d’hôtes du président des sommeliers de Bourgogne Philippe Meyroux. Fortement préparés au défi, de fins palais réunis par Bourgogne Magazine ont ainsi constaté à quel point le jambon du Morvan sait vieillir et s’adapter à de jolis mariages. Blanc ou rouge, il n’a pas de religion, le cochon.

Par Dominique Bruillot
Pour Bourgogne Magazine #53
Photos : Michel Joly

Mon Dieu que ce métier est difficile parfois ! Le jambon sec du Morvan a de nouvelles ambitions portées par une association qui lui est dédiée. Président de cette dernière, Arnaud Sabatier, des salaisons éponymes, a proposé de confronter le « bestiau » à des vins de toute la Bourgogne, de part et d’autre du Morvan, mais aussi à différents niveaux d’évolution pour lui : 9 mois ou 18 mois, voire 24 mois, selon son âge, le jambon sec aspire en effet à des mariages différents. Pour relever ce défi majeur pour la société, il faut une stratégie. Laquelle commence par se faire inviter par un grand expert en vins, dont la cave est bien fournie et la générosité sans faille.

Philippe Meyroux, président des Sommeliers de Bourgogne est cet expert. Il a aussi l’avantage de gérer avec son épouse l’Âme de la terre, une maison d’hôtes dont l’impeccable tenue a été unanimement saluée par les internautes de Trip Advisor. Une fois sur place, quelques fins gourmets triés sur le volet de la charcuterie, apportant qui un vin de la Loire, qui un vin de l’Yonne, qui un vin de la Côte-d’Or, se lancent dans une soirée-marathon que seuls des performers sérieusement entraînés peuvent affronter. Au bout du voyage gustatif, chacun attestera finalement que le jambon sec du Morvan est une sorte de mari idéal pour nos vins. Blanc ou rouge, chardonnay ou sauvignon, ou encore pinot noir, rien ne l’effraie, pourvu qu’il y ait de la fraîcheur et du caractère en face. Pour la bonne bouche, la vôtre cette fois-ci, voici les commentaires de ces sportifs de haut niveau. Cochon qui s’en dédit !

Philippe Meyroux

À tout seigneur, tout honneur, l’hôte de cette belle dégustation et président des Sommeliers de Bourgogne donne son avis sur deux accords : « Avec le jambon 18 mois, le chambolle-musigny 1er cru Les Gruenchers de chez Patrice Rion, peu connu mais très bien situé juste en dessous des Bonnes Mares, exprime son fruité, sa puissance et sa rondeur. L’élégance du vin enrobe très bien la structure moelleuse, charnue et aromatique de ce super jambon, sa longueur en accompagne merveilleusement la texture. Mon deuxième choix porte sur le jambon 24 mois et le sancerre vendanges entières 2012 de Vincent Pinard. Un vin coloré, profond, soutenu avec des arômes fumés, de fruit mûr et une structure riche et « réglissée » qui enrobe parfaitement un jambon à la texture ferme et intense. Le vin apporte la rondeur et l’épice à un jambon très marqué, il attenue son caractère salin. »

Arnaud Sabatier

La patron des salaisons qui portent son nom dirige aussi la maison Fernand Dussert à Arleuf (58) et préside à ce titre l’association Jambon du Morvan. Le voilà ravi du potentiel marital de son protégé. « Comme nous avons pu le constater, le jambon sec du Morvan permet des accords tant avec les vins blancs qu’avec les vins rouges. Pour ma part, j’ai autant apprécié le mariage du jambon sec 9 mois avec le vin blanc le pouilly-fumé (La Léontine, Serge Dagueneau) qu’avec le vin rouge irancy (Goisot). Dans les deux cas, l’accord permet au jambon et au vin de dégager de subtiles saveurs et de magnifier le tout. »

Alain Van Mello

Passion Froid est le spécialiste de la distribution pour la restauration de produits surgelés et frais. Son directeur régional en Bourgogne-Franche-Comté montre qu’il a aussi un vrai palais. « J’ai découvert qu’un vin blanc pouvait s’accorder extraordinairement bien avec le jambon 9 mois, à l’image du pouilly-fumé qui ramène en bouche une fraicheur bienfaisante. Sur le 18 mois, qui est pour moi la durée d’affinage optimale du jambon du Morvan, j’ai beaucoup apprécié le chorey-les-beaune (2015, domaine Germain). »

Philippe Manici

Le responsable commercial national de la maison Sabatier tient bon à sa réputation de fin gourmet. Démonstration à l’appui. « Judicieux, ce saint-bris-le-vineux qui dévoile ses arômes minéraux de silex et pierre à fusil. Il offre aux papilles toute la puissance d’un salage vigoureux et épicé. Avec le jambon sec du Morvan 18 mois d’affinage, mon coup de cœur reste l’irancy de la maison Goisot : il possède un bouquet très fruité de cassis, cerises et griottes se mariant parfaitement avec les arômes boisés du jambon. »

Frank Lardet

En passionné, le précédent directeur de Carrefour Quetigny n’hésite pas à parcourir le vignoble pour se frotter à la réalité du produit. D’où ce judicieux mariage : « Avec un jambon de 18 mois, un produit aux qualités très gustatives, j’ai choisi un rouge, le chorey-les-beaune de la belle maison Germain pour sa puissance, sa richesse et sa coloration. Il est encore trop méconnu, dommage ! »

Dany Poelaert

Collaborateur de Carrefour Quetigny, Dany Poelaert fait du blanc sa révélation. Avec un vin de grande classe comme le meursault de la maison Coche-Dury (2000), c’est un minimum ! « J’ai découvert qu’un vin blanc peut accompagner un jambon sec comme celui du Morvan. Pour finir en apothéose avec le meursault et le jambon sec 18 mois d’affinage qui ont fait fredonner nos papilles gustatives. »

Michel Joly

Photographe historique de Bourgogne Magazine, il est devenu en un peu plus de 20 ans un grand amateur de vins. D’où ce choix très motivé : « Pour ma part, j’ai choisi le marsannay Clémengeot 2014 de Sylvain Pataille car je trouve que son côté fruité, charnu et velouté enrobe parfaitement la structure et les arômes de ce jambon de 9 mois. Et surtout, ces deux-là ne pouvaient être que copains comme cochon. »

Dominique Bruillot

Il était difficile, pour l’auteur de ces lignes, de ne pas passer à table. Grosso modo, je partage l’avis de l’ensemble de nos fins gourmets concernant cette jolie faculté qu’a le jambon du Morvan à s’offrir aux arômes des blancs comme aux arômes des rouges, qu’ils soient de Bourgogne ou de la Loire bourguignonne. Avec une affection toute particulière pour le ciselé et minéral saint-bris de Goisot qui, dans sa généreuse richesse aromatique, entame un joli pas de danse avec le jambon sec 18 mois, le meilleur des partis pour lui.