Bourgogne-Côte-Chalonnaise, l’étoffe d’un village

Appellation régionale méconnue, le Bourgogne-Côte-Chalonnaise ne volerait pas son statut de « village », si on voulait bien lui décerner. C’est l’idée que défend, arguments à l’appui, notre spécialiste des sols Jacky Rigaux.

Sous la protection de son église Saint-Bénigne, Jambles est blotti contre la Côte chalonnaise.
© Jean-Luc Petit

Par Jacky Rigaux
Pour Bourgogne Magazine 59

Comme il existe en Côte de Nuits des côte-de-nuits-villages qui ont statut d’AOC « village », il pourrait en être de même pour l’appellation Côte-Chalonnaise qui, pour le moment, n’est qu’en appellation régionale. Ainsi l’a voulu le législateur. Mais en ces temps où grands crus et premiers crus bourguignons partent à 80 % à l’export pour des bourses bien garnies, qui n’hésitent pas à mettre 100 à 1 000 euros dans une bouteille, il est bon de rappeler que dans la hiérarchie bourguignonne à quatre niveaux, l’appellation régionale est une véritable AOC, issue de vrais terroirs. Ce trésor caché, majoritairement en dessous de 20 euros, parfois en dessous de 10, « annonce les charmes plus complexes qu’offriront, après vieillissement, leurs supérieurs hiérarchiques ». Ainsi s’exprime Aubert de Villaine, qui a la chance de tutoyer les sommets avec le domaine de la Romanée-Conti, et de produire quelques unes des plus belles bouteilles de Côte chalonnaise, fières de porter le nom de leur climat de naissance !

Vins de lieu

Au sein de ses cinq vignobles (Bouzeron, Rully, Mercurey, Givry et Montagny), qui se déclinent en climats classés en premiers crus et en appellations villages, se développe une aire d’appellation classée en Bourgogne-Côte-Chalonnaise, qui offre des vins remarquables, en blanc comme en rouge, avec un rapport qualité-prix exceptionnel. Cette appellation constitue plus qu’une esquisse des grands terroirs de la Côte chalonnaise, elle est une entrée de plain-pied dans les « vins de lieu ». En effet, nombre de vignerons ont fait le choix de la décliner par climats : ainsi trouves-t-on des bourgognes-côte-chalonnaise « La Digoine », « La Fortune », « L’Hermitage », « Les Clous », pour ne donner que quelques exemples. De surcroit, l’appellation Côte-Chalonnaise se déploie dans une nature d’une beauté émouvante, encore riche de biodiversité et de paysages respectés par l’homme.

Carte de l’appellation Bourgogne-Côte-Chalonnaise © Sylvain Pitiot

Le jeu des failles

De la vallée de la Dheune, où prend ses marques la Côte chalonnaise au nord, jusqu’aux monts du Mâconnais au sud, le sous-sol se caractérise par des strates de roches sédimentaires bien faillées, créées aux époques jurassiques et triasiques. Affleurent ainsi, par le jeu des failles et de l’érosion, des calcaires durs, des calcaires marneux, et parfois même des grés. Ces strates sont inclinées tantôt vers l’est, exposition au levant qui convient parfaitement au pinot, tantôt vers l’ouest, ce qui enchante le chardonnay.
Le grand cépage blanc qu’est le chardonnay se plaît à coloniser les substrats marneux du Lias et les marnes irisées du Trias. C’est par la forte présence de ces types de roches que le vignoble de Montagny, au sud de la Côte chalonnaise, s’est exclusivement consacré à la production de vins blancs. On n’y trouve donc l’appellation Côte-Chalonnaise qu’en cette couleur. Partout ailleurs, elle peut être bicolore. C’est le cas du vignoble de Bouzeron, qui glorifie l’aligoté doré pour son appellation village, et pinot et chardonnay pour sa dizaine de climats revendiqués en Bourgogne-Côte-Chalonnaise.
Le pinot noir trouve ses meilleures marques sur les sols bruns calcaires ou calciques des parties nord et médianes de la Côte chalonnaise, où les formations marneuses triasiques et liasiques, chères au chardonnay, laissent la place au jurassique moyen et supérieur qu’affectionne le pinot noir. Les vignobles font face, majoritairement, au levant, ce qui enchante cet exigeant et capricieux cépage.