Bourgogne, le vin qui remonte le temps

Le vin de bourgogne est-il capable de défier le temps, à la manière de Philéas Fog? Hier, chez Tante Marguerite à Paris, la Confrérie des chevaliers du Tastevin en a fait la démonstration. A l’issue d’un Tour du Monde effectué en 80 jours, 4 vins choisis pour l’expérience ont évolué dans le même sens: leur nez s’est rajeuni et leur bouche s’est ouverte.

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Par Dominique Bruillot

Après un tour du monde effectué en 80 jours, les 4 vins de Bourgogne expédiés par les Chevaliers du Tastevin  _ un saint-aubin en Vesvau 2010 tasteviné, un nuits-saint-georges 1er cru Les Saint-Georges 2007 des Hospices de nuits, un corton grand cru Renardes 2007 tasteviné et un crémant de bourgogne bru rosé tasteviné_ sont arrivés à bon port le 17 septembre dernier. 4 vins, 80 jours: la phonétique rebondit sur l’anniversaire de la plus incroyable des confréries, née il y a tout juste 80 ans, en pleine crise économique, déjà.

En 1934, quelques vignerons réunis dans une cave de Nuits-Saint-Georges, après avoir éclusé quelques uns de leurs flacons, avaient eu en effet la géniale idée de faire partager leurs stocks à des prescripteurs d’influence, des journalistes notamment. Lesquels ont naturellement sauté sur l’opportunité.

La suite est connue. Avec 12000 membres VIP dans le monde, cette « secte bienfaisante », bien installée dans son siège cistercien (le prestigieux château de Vougeot) qui reçoit les notables de la planète entière, sert avec une efficacité redoutable la cause de la Bourgogne. La drôlerie assemblée à l’utilité étant malgré tout une marque de fabrique des chevaliers de pourpre et d’or, il fallait bien donner à cet anniversaire l’éclat mérité.

Nuits-Saint-Georges avait déjà inspiré en son temps Jules Verne dont les héros trinquent sur la lune avec une bouteille du cru. A l’inverse, l’aventure vécue par Phileas Fog et son acolyte (français) Passepartout n’a pas manqué de poser les bases d’un défi à mi-chemin entre la démarche scientifique et le génie de la communication: entraîner 4 vins de Bourgogne dans un tour du monde en 80 jours. Puis voir. Puis boire.

40 caisses ont ainsi voyagé dans des conditions plus que confortables, grâce à la double complicité du troisième groupe mondial de transport maritime, le français CMA et du leader mondial de la logitsique des vins et spiritueux JF Hillebrand. « A bord d’un navire stable et long de 250 mètres, le CMA CGM Manet, dans un container maintenu à une température optimale de 15 degrés » précisent de concert Bertrand Simion et Philippe Bruneau, le directeur central marketing et le président français des deux groupes. Car l’objectif est bien là, pour le monde du transport: voir ce que ce périple passant par New-York, Panama, Papeete et Nouméa a fait des 420 bouteilles nomades.

Un constat définitif?

Quelques semaines après la fin du voyage, c’était hier le moment solennel du verdict. Rue de Bourgogne, dans l’établissement de Dominique Loiseau _il n’en fallait pas moins_, la vérité devait sortir du verre. Vincent Barbier et Louis-Marc Chevignard, Grand Maître et Grand Connétable de la confrérie des Chevaliers du Tastevin avaient « convoqué » la presse nationale et régionale pour participer à une dégustation comparée des 4 vins. A ma gauche ceux qui ont fait le tour de la cave du Clos de Vougeot, à ma droite ceux qui ont fait le tour de monde.

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Eric Goettlemann, le chef sommelier du groupe Loiseau a pris la direction des opérations avec un constat quasi linéaire à la clé: le nez se ferme, la bouche s’ouvre après 46000 kilomètres de périple. Cela vaut pour le saint-aubin voyageur, « dont les notes plus sévères et immédiates contrastent avec plus de mansuétude au moment de la dégustation. » Ce premier nez plus torréfié-grillé du « tour-de-mondiste » se retrouve dans le kirché et généreux nuits les saint-georges 2007.

Idem pour l’aloxe-corton, que l’on reconnaît d’un « abord plus délicat » lorsqu’il est resté sagement en cave alors que son alter-ego s’exprime « plus en largeur ». Mais c’est dans l’approche du crémant de Bourgogne rosé que les différences sont les plus marquées. Une bulle plus fine, un couleur plus affirmée distinguent le vin qui a voyagé de l’autre.

Pour autant, ces vins judicieusement accompagnés par la cuisine de Tante Marguerite ne livrent pas toute leur vérité. Des prélèvements laissent supposer que leur structure n’a pas changé à l’issue du voyage. Il sera curieux, désormais, de savoir si cette évolution (« toute en nuances », souligne malgré tout Eric Goettlemann) constatée à l’issue du tour du monde va bouleverser définitivement leur évolution ou, au contraire, disparaître au profit d’un retour aux normes.

Réponse dans quelques mois avec une nouvelle dégustation comparée? La balle est désormais dans le camp des Chevaliers du Tastevin. Nous, nous sommes prêts pour remettre le couvert.

 

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