Catherine Racle (Bresson Céréales) : « La filière agricole doit être soutenue du producteur au transformateur final »

Nouvel épisode des diagnostics d’entreprises bourguignonnes avec Catherine Racle, dirigeante de la SAS Bresson, négociant en céréales à Saulon-la-Chapelle. L’entreprise familiale, née en 1920, se porte plutôt bien pour une centenaire… mais ne fêtera pas son anniversaire comme prévu.

Catherine Racle devant les silos de l’entreprise à Saulon-la-Chapelle, avec ses enfants Damien et Coraline. © Jean-Luc Petit

Origine, poids et taille de votre entreprise. 
Entreprise familiale centenaire cette année, née dans un moulin cistercien grâce à mon arrière-grand-père Camille Bresson. 34 personnes employées, 140 000 tonnes de collecte de céréales sur neuf sites en Côte-d’Or et deux en Haute Saône, 44 millions de chiffre d’affaires.

Comment allez-vous aujourd’hui ? Votre entreprise est-elle fiévreuse, juste confinée ou dans un état préoccupant ?
Activité quasi normale, salariés motivés… une chance au regard des difficultés rencontrées par de nombreux autres secteurs d’activité. Malgré tout, certains marchés sont à l’arrêt. Il est par exemple très difficile d’expédier des blés vers l’Italie, où tout est bloqué. Par ailleurs, suite à la chute de la consommation de bière, la demande en orge pour la fabrication du malt est très faible, avec des prix à la baisse.

Quand et comment avez-vous administré les premiers remèdes ?
Nous avons été réactifs dès les premières annonces afin de maintenir nos salariés en poste dans les meilleures conditions possible. Dès fin février, les gestes barrières ont été mis en place pour protéger notre personnel et nos clients.

Imaginez-vous des séquelles au-delà de la rémission ?
En tant que négociant de céréales (collecte, stockage et commercialisation), nous sommes partie intégrante de la filière agricole. Pour une guérison complète, elle doit être soutenue du producteur au transformateur final, et reconnue comme primordiale pour notre pays.

« Concernant la pénurie de farine, le problème n’est pas lié au blé. Toutes les matières premières agricoles sont disponibles pour couvrir largement les besoins. Il s’agit simplement d’un problème de sacherie. »

Il vous reste du grain à moudre, pas de ruptures de stock en perspective ?
Concernant la pénurie de farine dans la grande distribution, le problème n’est pas lié au blé. Toutes les matières premières agricoles sont disponibles pour couvrir largement les besoins. Il s’agit simplement d’un problème de sacherie car, comme pour le gel ou les masques, la fabrication et l’acheminement des sacs demande un peu de temps… Quant à notre stock restant de la récolte 2019, la dernière transformation ne sachant pas comment se positionner sur les besoins du consommateur, aucun nouveau contrat n’est signé pour les besoins d’ici cet été.

Avez-vous le sentiment que l’on soucie de votre santé, que les dispositifs mis en place sont à la hauteur du défi ? 
Il a bien fallu se débrouiller pour se protéger. Heureusement, la Fédération nationale du négoce agricole (FNA) a beaucoup communiqué sur les moyens de protections. Mais malheureusement, comme tout le monde, nous souffrons de la pénurie de gel et de masques.

Quelles sont les initiatives les plus originales qui vous ont fait tenir face à la pandémie ? 
Nous n’avons rien fait de très original, en fait, nous nous sommes contentés d’assurer la protection de tous afin d’œuvrer pour la sécurité et la continuité alimentaire. Ce qui est déjà beaucoup ! 

Les Établissements Bresson devaient fêter leur centenaire le 12 juin au Zénith de Dijon. Anniversaire reporté. La fête n’en sera que plus belle.

Qu’est-ce qui vous traumatise le plus dans cette crise sanitaire ?
Que le corps médical dans son ensemble, et toutes les personnes en première ligne, ne soient pas assez bien équipées pour leur propre protection.

Pensez-vous que la notion de proximité et de territoire sortira gagnante de cette pathologie mondiale ? 
Je l’espère. Après ce traumatisme, il faudra prioriser le consommer local et français, soutenir les entreprises de notre pays – je pense plus particulièrement aux secteurs de la restauration, du tourisme et des loisirs –, et plus largement réduire notre dépendance aux industries étrangères.

À titre personnel, que retirez-vous de cette situation hors norme ?
Cette pandémie mondiale a généré de beaux élans de solidarité un peu partout, dans les quartiers, dans les villages… Souhaitons que cela se poursuive après le retour à la normale.

Allez-vous faire une fête encore plus grosse que celle initialement prévue au Zénith de Dijon pour les 100 ans de Bresson ?
Peut-être à peine plus grosse, puisque ce sera pour nos 101 ans finalement ! Original, non ?


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