Cité des vins de Beaune, projet circuit court

La future Cité des vins et des climats de Bourgogne à Beaune était annoncée comme « un geste architectural fort ». Ce sera bien le cas. Le projet conduit par l’entreprise murisaltienne Rougeot et l’architecte Emmanuelle Andreani décoiffe autant qu’il séduit ou interpelle. De l’audace en circuit court, avec des acteurs locaux, on en rêvait !

© Siz’-ix Architectes – Perspectives INUI

Rappel des faits. Nous avons trois cités des vins pour le prix d’une (1) dans le projet porté globalement par l’interprofession des vins de Bourgogne. À Chablis, au nord du vignoble bourguignon, c’est le prolixe architecte morvandiau Correia, un habitué des colonnes de Bourgogne Magazine, qui propose de faire « le lien entre le passé, le présent et le futur ». Le cellier du Petit Pontigny, joyau du XIIe siècle, se prolongera dans les lignes futuristes de son projet. À Mâcon, sur le socle d’une Maison des vins quelque peu vieillissante, les architectes (RBC Architecture et ACL Associés) ont concocté une proposition qui « consiste à trancher avec l’existant et concevoir un bâtiment avec un signal fort, bien visible depuis l’avenue ». Autrement dit avec un totem panoramique de 17 mètres de hauteur, dont les formes courbes rendent hommage à celles du précieux fossile ammonite, dans un ensemble évoquant le pressoir.

Restait le cas de Beaune. Pas le moindre, car cette cité centrale est implantée dans la capitale naturelle des vins de Bourgogne et ses deux millions de visiteurs revendiqués. Pour ce dossier, les initiateurs ont vu grand. Autour de la cité va naitre tout un nouveau quartier au sein duquel l’acteur Christophe Lambert a investi dans un hôtel 5 étoiles, alors que le promoteur lyonnais AnaHome s’est positionné sur la construction d’une halle événementielle de 1 200 places, d’une structure œnotouristique et d’une partie restauration.

L’architecte Emmanuelle Andreani, Christophe Rougeot et son directeur général David Guio
ont su associer leurs créativité et savoir-faire respectifs pour réaliser un parcours immersif
dans l’univers des climats de Bourgogne.
© Michel Joly

Hospices du XXIe siècle

Au cœur de ce nouveau spot proche de l’entrée sud de l’autoroute, dans l’environnement immédiat du palais des congrès, le projet piloté par la Ville de Beaune, maître d’ouvrage, en lien étroit avec le BIVB, affiche clairement l’ambition d’une audace créative et durable, en osmose avec les universels Climats de Bourgogne. Au programme, une cité de 3 600 m2 de superficie, dont 1 100 dédiés à un parcours de visite et un lieu de vie pour profiter des ateliers et formations de l’École des vins, consommer et découvrir les accords mets et vins, s’approvisionner à la boutique, développer une plateforme numérique d’information touristique en direction du vignoble…

Mission accomplie par le groupe Rougeot SAS basé à Meursault. Face aux mastodontes de la construction que sont la filiale C3B du groupe Vinci et Léon Grosse, il a gagné la finale, sur les bases du projet qu’il a réalisé avec le concours de l’architecte Emmanuelle Andreani, fondatrice de l’agence lyonnaise Siz’-ix, à qui l’on doit la nouvelle église de Vaux-en-Velin et la prochaine ferme aux Escaliers à Aiserey voulue par la Communauté de communes de la Plaine dijonnaise. Une victoire du circuit court et de la créativité locale dans le cadre d’un concours qui avait mobilisé plus d’une cinquantaine de candidats.

« On a construit un projet à petit pas », rappelle David Guio, directeur général de l’entreprise familiale Rougeot (580 collaborateurs, plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires) présidée par Christophe Rougeot, qui revendique avant toute chose « une authenticité bourguignonne ». Les racines viticoles du groupe, incarnées par le premier tracteur de son père Hubert Rougeot à la fin des années 30, ont des vertus indéniables pour la défense du territoire. « Pour autant, on ne fait pas de boîtes à chaussures, prévient Emmanuelle Andreani. Nous avions pour mission de créer les hospices du XXIesiècle, d’offrir un véritable monument au monde du vin en imaginant un bâtiment paysage surmonté de 4 ouvrées de vignes. »

Cet édifice vivant plonge ses racines à 6,8 mètres en sous-sol, suffisamment profondément pour atteindre 21 mètres à son plus haut point, un belvédère imposé par le cahier des charges. Il évoque la vigne en vrille enlaçant les trois niveaux principaux, de 1 100 m2 chacun. « Nous ne partions pas gagnant, se souvient l’architecte, mais il a été confortable de travailler avec de vrais gens au quotidien, dans un climat de circuit court très en adéquation avec l’esprit du projet. »

© Siz’-ix Architectes – Perspectives INUI

Millésime 2021

Le visiteur, quant à lui, longera un mur de Comblanchien pour accéder à ce nouveau temple des climats. Au rez-de-chaussée il trouvera l’accueil, des espaces de découverte, une librairie et un café. Au 1er étage ce sera séminaire et vignoble pédagogique, puis École des vins et dégustation sensorielle au 2e niveau, bureaux au 3e, et bar panoramique au 4e, recouvert d’une terrasse encore plus panoramique de 200 m2 dotée d’un jardin solaire de 130 m² et d’une toiture végétalisée. De là, on pourra alors contempler 20 siècles de vignes et de climats.

La dimension durable du projet, incarnée par une « haute performance énergétique solaire », va elle aussi avec les préoccupations d’un monde viticole en mouvement. Mais avant de découvrir la proposition culturelle de la future Cité beaunoise des vins et des climats de Bourgogne, il va falloir la construire. Une affaire qui nous conduira jusqu’à l’été 2021. Vers un millésime prometteur, personne n’en doute.


(1) Sur un projet global de 16,6 millions d’euros pour les trois cités. Concernant la cité de Beaune, le Département de la Côte-d’Or s’est aligné sur l’investissement de la Région à hauteur de 2,5 millions (2 millions étaient initialement prévus). Chose inhabituelle, son président François Sauvadet s’était d’ailleurs rendu à la conférence de presse de l’interprofession, ce dimanche matin, pour annoncer la nouvelle, avant de glisser quelques mots sur l’appellation Bourgogne Côte d’Or, que le Département produira lui-même sur une parcelle achetée à Pommard, placée sous l’expertise opérationnelle de l’association des Papillons Blancs de Beaune.