Côte-d’Or : face au virus, tous les marchés ne sont pas à la même enseigne

Les marchés de Dijon, Is-sur-Tille, Saulieu et Nolay ont obtenu une dérogation pour une réouverture partielle. Ceux de Beaune, Montbard, Semur-en-Auxois, sont ou ont été victimes du Covid-19. Celui de Nuits-Saint-Georges plaide pour sa réouverture. Enquête sur le terrain… ou presque.

En période de Covid-19, les halles dijonnaises pourraient ressembler à ça. Une dérogation auprès de la Préfecture permet aux commerçants et à quelque 2500 Dijonnais de continuer à s’approvisionner. ©D.R.

Par Eric Perruchot

Chaque début de semaine depuis la fin mars, même rituel à la mairie de Nuits-Saint-Georges : Alain Cartron sollicite une dérogation préfectorale pour réouvrir le marché hebdomadaire, fermé pour cause de pandémie. Et chaque jeudi soir, même refus de la Préfecture. « Ça finit par être un jeu », souffle l’élu qui ne perd pas espoir. La ville serait suffisamment dotée de grandes surfaces et de magasins alimentaires pour pourvoir à l’approvisionnement des 5500 habitants. Ce que ne conteste aucun des édiles nuitons. Mais la persévérance d’Alain Cartron repose sur d’autres données, anticipant une sortie de crise en douceur.

Question vitale

« La sortie de crise se fera grâce aux petites entreprises que nous pouvons soutenir dès maintenant en réouvrant le marché, uniquement alimentaire et basé sur les producteurs locaux », analyse-t-il. D’une trentaine en temps normal, le nombre d’exposants serait réduit à moins de dix. « La réouverture ciblerait uniquement les commerçants qui n’ont pas de magasins de vente. Nous avons par ailleurs suffisamment d’espace, sous les halles et en dehors, pour les installer sans problème aux quatre coins. »

Les associations Les Amis de la Terre Côte-d’Or et Nature & Progrès Bourgogne soutiennent, de leur côté, la proposition du maire : « Pourquoi miser sur un seul circuit de distribution ? Si les producteurs locaux, laitiers, fromagers, charcutiers, volaillers ou primeurs, ne vendent plus, ils sont pénalisés et risquent de fermer », redoute Yves Curis, du groupe nuiton Les Amis de la Terre. Dans un courrier adressé, mardi 21 avril, au Préfet de Côte-d’Or (avec copie au maire de Nuits-Saint-Georges, au député de la 5e circonscription de Côte-d’Or Didier Paris et aux médias), les deux associations défendent la même conviction. « Il est vital que :
– les consommateurs restent approvisionnés en produits sains et locaux,
– les agriculteurs puissent écouler les denrées qu’ils produisent, question de survie pour eux !
– y compris pour les pépiniéristes, en pleine saison de vente de plants, mesure déjà validée par les préfets de Corrèze et du Lot. »

« La vente sur les marchés peut s’avérer moins risquée que la vente en supérettes ou en hypermarchés où les clients touchent les produits et denrées, utilisent des paniers ou caddies non désinfectés. »

Les autres arguments plaident en faveur des circuits cours propices à cette situation de confinement. « La vente sur les marchés peut, si les mesures adéquates sont prises, s’avérer moins risquée en terme de contacts et de dispersion du coronavirus que la vente en supérettes ou en hypermarchés où les clients touchent les produits et denrées, utilisent des paniers ou caddies non désinfectés », avancent les deux associations. « De nombreuses personnes âgées qui habitent le centre-ville ne peuvent se rendre à l’extérieur », renchérit Yves Curis.  

Sans toutefois remplacer l’apport du marché traditionnel, un système de distribution (sur commandes préalables) a été organisé avec quelques artisans dont le réseau La Ruche qui dit oui et donnent rendez-vous trois fois par semaine.

Attaché au vin de la Côte et à son art de vivre en général, le maire nuiton Alain Cartron ne désespère pas de pouvoir ouvrir le marché nuiton en respectant les règles d’usage. © Jean-Luc Petit

Villages « drive »

À 5 km, dans le village de Comblanchien, le maire Didier Tourbin n’a demandé aucune dérogation pour le petit marché estival qu’il aurait eu plaisir à inaugurer le 22 avril dernier. « Un marché d’une dizaine d’exposants locaux, tous les mercredis jusqu’à début août, entre 17h et 20h », déplore-t-il. Le maire, qui espère bien l’installer dès le 20 mai prochain, a rebondi. Pour la première fois, un système de « drive » a été testé avec succès cette semaine. Une liste détaillée de produits alimentaires (fromages, boucherie-charcuterie, fruits et légumes) a été constituée et distribuée dans les boites à lettres des 630 habitants. 

« Nous vous contacterons pour vous prévenir afin de venir réceptionner votre commande », explique le courrier municipal. Monsieur le maire se livrant lui-même à un porte-à-porte pour les personnes les plus isolées, avec toutes les protections requises. Et, pour les autres administrés, l’agence postale s’est transformée en salle de réception et de distribution des colis, à l’instar d’une Amap. Le village compte aussi sur sa boulangerie-pâtisserie, dotée d’un rayon d’appoint en épicerie. Évitant ainsi aux Comblanchiens de sortir de leur confinement jusqu’à Beaune et de garder en esprit ce « vrai moment de bonheur » que constitue son marché estival, rappelle le site communal. 

La commune voisine de Ladoix-Serrigny, qui n’a pas de marché hebdomadaire, accueille depuis le confinement quelques producteurs locaux sur la place de l’église. Le système mis en place est semblable à celui de Comblanchien. Suite à la fermeture du marché de Beaune, à 8 km, un producteur d’asperges et un boucher-charcutier se relaient deux fois par semaine sur la place de l’église. « Ils ne sont pas exposants, mais distribuent les colis commandés et préparés d’avance », tient à préciser la mairie attentive au bon déroulement des opérations.

Livraisons palliatives

Pour pallier la fermeture de leur marché, d’autres communes ont opté pour un relais de livraison associé aux producteurs et artisans locaux. C’est le cas de Montbard, en Haute Côte-d’Or, de taille similaire à Nuits-Saint-Georges. Un point unique de livraison a été déterminé face aux halles, chaque vendredi de la pandémie. « La commande est obligatoire, sans vente à l’étal », précise le site de la ville qui a répertorié une vingtaine de commerçants ou non-sédentaires. Autre exemple à Semur-en-Auxois : suite à l’arrêt du marché dominical, la cité médiévale procède par une vente à la ferme, directement chez le maraîcher. Avec toujours le même principe de passer commandes à l’avance.

La mairie de Beaune, quant à elle, ne sollicite pas de dérogation. Elle s’est résolue à suspendre ses deux marchés hebdomadaires, celui du mercredi, réservé aux produits alimentaires et aux arts de la table, et celui plus imposant du samedi matin. Le 21 mars, un dernier marché s’est tenu devant des stands quasiment déserts. Rien à voir avec les jours chatoyants où les chalands se répandent de l’avenue de la République à la place Carnot, au milieu des 160 exposants habituels. Les affichettes, rappelant devant chaque étal les consignes primordiales, n’ont pas suffi.

À Chagny, le célèbre marché dominical a partiellement réouvert le 4 avril dernier, comme dans de nombreuses communes de Saône-et-Loire ayant obtenu le sésame préfectoral.

En revanche, un service de portage de repas à domicile a été instauré en collaboration avec l’ADMR. Le dispositif concernerait une centaine de bénéficiaires. Un service d’aide aux courses, livrées à domicile, est également proposé, notamment avec les bénévoles de la Protection Civile et du Lions Club. D’autres volontaires maintient quotidiennement une veille téléphonique à l’attention des seniors. Au téléphone, bénévoles ou agents municipaux s’assurent que les aînés ne manquent de rien, vérifient s’ils reçoivent ou non la visite de proches et proposent une aide éventuelle à faire les courses.

À Chagny, à 20 minutes au sud de Beaune, le célèbre marché dominical a partiellement réouvert le 4 avril dernier, comme dans de nombreuses communes de Saône-et-Loire ayant obtenu le sésame préfectoral. Limité « à un membre par famille » et restreint à la rue de Beaune (face à la mairie), le marché chagnotin n’a pas le panache de sa réputation : en tout et pour tout, une quinzaine d’exposants et un trajet à sens unique avec marquage au sol.

Le marché de Chagny, rue de Beaune, période « avant-guerre ». © Eric Perruchot

Dijon : trois marchés, bientôt quatre ?

À Dijon, alors que le site de la Ville avertit que tous les « événements, manifestions, spectacles organisés par la Ville de Dijon ou par des structures conventionnées » sont annulés, le marché sous les Halles ainsi que le marché du quartier des Grésilles sont restés ouverts,  avec contraintes sanitaires et nombre limité d’exposants. Le centre-ville ne bénéficiant pas « dans un rayon acceptable, de suffisamment de magasins alimentaires au regard de la densité des habitants », justifie François Rebsamen dans un communiqué du 24 mars. Dans son allocation vidéo, diffusée le 21 avril, le maire de Dijon a confirmé la réouverture du petit marché du Port du canal. Il prévoit également une possible réouverture du marché de quartier à Fontaine d’Ouche. « Ce n’est pas encore acquis, mais je ferai tout mon possible, certainement pas pour demain, mais peut-être pour la semaine prochaine, en tâchant de convaincre les services de la Préfecture, auxquels il faut démontrer que nous serons organisés pour le respect des gestes barrières », a-t-il déclaré au 35e jour de confinement.