Découvrez le nouveau Central de Dijon

Pour ses 90 ans, le mythique établissement dijonnais s’est refait une santé moyennant 1 million d’euros. Tout premier « bébé » de la dynastie hôtelière Jacquier, Le Central a de solides arguments dans le fond comme dans la forme. Visite guidée avec Arnaud Lecherf, le directeur de l’hôtel-restaurant.

Par Alexis Cappellaro
Photos : Jonas Jacquel

Ce qui a changé ? Tout et rien. La rôtisserie de la place Grangier n’a plus le même visage, ce n’est rien de le dire.  « Elle en avait besoin », concède volontiers Arnaud Lecherf. Cette spectaculaire mutation de l’espace restauration, dans son intérieur et en façade, s’accompagne de jolies promesses et dit beaucoup de ce « marché extrêmement volatile, soumis aux caprices du temps qui passe ; on doit régulièrement apporter de la nouveauté et garder son âme ». C’était bien tout l’enjeu.
En un peu plus de deux mois, sous l’expertise du maître d’œuvre dijonnais Seturec et d’un suivi de travaux par Christian Gardot (A2MO.EXE),  le Central est devenu une « brasserie chic » qui s’assume. Sur la base d’une conception intérieure signée Frédéric Grosjean du Studio ADN (1), elle joue avec les codes vintage, s’ouvre aux Dijonnais à travers de larges baies vitrées, s’enlumine de façon homogène, s’équipe de banquettes moelleuses juste ce qu’il faut, devient « cocon » d’affaires avec une salle privatisable… L’élégance est maîtrisée, de notre point de vue.

Cuisine-atelier et bœuf morcelé

Surtout, la grande nouveauté est en cuisine. On l’a totalement remaniée pour faire place large à l’entrée : elle est maintenant ouverte aux yeux de chacun, dans un esprit d’atelier, « sans pour autant se donner en spectacle de façon superficielle, mais avec un souci de transparence, pour montrer que l’on travaille avec maîtrise et sérénité de bons produits, tout simplement ». Valorisée, la brigade du chef Ralf Mestre, est naturellement « excitée par ce renouveau », prête à relever le défi et assumer une petite centaine de couverts. Ainsi, près de l’impressionnant fourneau sur mesure (beau bébé de 4 mètres de long et d’une tonne !), une cave à maturation propulse au rang de stars l’entrecôte charolaise, le carré d’agneau et la côte de bœuf, qui attendent sagement de dorer sous le feu d’une poêle. Plus loin, un espace de travail des fruits de mers fait déjà travailler notre imaginaire…
Dans la salle, on a aussi pensé à tout. C’est qu’il y a des hôtes à satisfaire dès le petit-déjeuner ! Cela passe par un jus d’orange fraichement pressé ou un bon café pris dans ces impressionnants placards fonctionnels, sous le regard docile d’un bœuf morcelé au crayon.

Ch’ti baroudeur

Arnaud Lecherf a de quoi être satisfait. À 38 ans, ce Ch’ti baroudeur « fan des grands blancs de Bourgogne » a connu dans l’ordre, sous la bannière Accor : Lille, Saint-Étienne, Bordeaux et Toulouse avant de poser ses valises dans la cité des ducs. Il fut d’abord directeur-adjoint de l’hôtel Mercure Clémenceau avant de prendre ce poste à l’Ibis Styles Dijon Central, en septembre dernier. Le sympathique gaillard se souviendra toujours de ce « premier grand moment » du 31 juillet 2014, une entrevue « rapide mais efficace avec Alain Jacquier, après 14h de train aller-retour ». « Vous allez être un personnage ! », lui avait glissé l’intimidant homme d’affaires.
Le patriarche a fini par lui confier les rênes de l’établissement, « une très belle marque de confiance ». C’est qu’il y tient, à son Central. En 1928, sa grand-mère eut la bonne idée de garder quelques actions dans ce modeste hôtel. « À l’héritage, Alain Jacquier voulut racheter les parts de sa sœur. Sauf qu’aucune banque ne voulait le suivre. Il a dû faire appel à un notaire, chez qui il venait tous les mois à son office rembourser en espèces sonnantes et trébuchantes. » Arnaud Lecherf connait bien l’histoire de cet « État dans l’État ». Il sait que plus haut, à l’étage, le petit Patrick Jacquier passait dans les couloirs en vélo. « Les travaux ont d’ailleurs permis de retracer 90 ans d’histoire, nous avons découvert qu’il y avait en fait quatre plafonds successifs ! »

The place to be pour les Dijonnais

Le restaurant-grill, un concept totalement nouveau pour l’époque, a longtemps été « the place to be ». Le Nordiste confirme, il a très vite senti « un rapport intime des Dijonnais avec ce lieu. Beaucoup en gardent des souvenirs émus de repas d’anniversaire, de moments en famille, de rendez-vous professionnels marquants… » Dans ces conditions, la direction « aurait pu ne rien toucher et jouer sur ce mythe, après tout ! ». C’est mal connaître la famille Jacquier, pas du genre à s’asseoir sur ses certitudes.
Monsieur le directeur a trouvé ici un cadre épanouissant. « Le métier d’hôtelier-restaurateur est avant tout une question d’hommes et de femmes, et il arrive régulièrement qu’il perdre cette fibre ; parler chiffre d’affaires toute la journée n’a rien de drôle… » Nous voilà rassurés. Mais diriger une telle constellation hôtelière (2) ne se fait pas non plus avec des bons sentiments : « Nous ne sommes pas une association Loi 1901, mais ce plaisir d’accueillir, ce rôle d’ambassadeur territorial, reste notre motivation première. C’est l’essence même de notre profession. »

Mémoire du Central

À 24 euros la formule entrée-plat ou plat-dessert (entrée-plat-dessert à 29 euros), dans un cadre aussi chic et avec un personnel à la sympathie notoire, cela n’a rien d’exclusif. D’autant que de l’autre côté de l’hôtel, le bistrot chic, lui aussi bientôt transformé en l’espace de quelques semaines, restera accessible à partir de 16 euros. On se voit déjà installé sur l’agréable terrasse…
Puis, la rôtisserie a gardé les recettes qui marchent, du nappage sur la table aux impressionnants chariots de fromages et de dessert. Elle les a même fièrement assumées, en les estampillant sur sa carte « Mémoire du Central », du tartare de tourteau et ses pommes acidulées à la simple crêpe suzette flambée sous vos yeux. Ces petites madeleines de Proust nous font dire qu’ici, c’est certain, rien n’a vraiment changé.

Restaurant Le Central
3 Place Grangier à Dijon
03.80.30.44.00
Ouvert du lundi au samedi, de 12-14h et 19h-23h (minuit sur réservation)

 

(1) L’agence d’architecture intérieure parisienne, dont le dirigeant Frédéric Grosjean est Bourguignon, a également signé le nouveau bar du Grand Hôtel La Cloche.
(2) La famille Jacquier, avec en première ligne Alain et son fils Patrick – dont les enfants Caroline et Anthony ont épousé le même destin – est à la tête d’Hôtels Bourgogne Qualité, un réseau de 12 hôtels en Bourgogne, de l’économique au fameux cinq étoiles de la place Darcy.

Vous avez des photos souvenirs du Central Grill ? Envoyez-les à [email protected] et nous publierons les meilleures ! Si la rédaction trouve une perle parmi vos archives,
elle saura vous récompenser…