Denis Liébé (Country Club de Norges) : « On n’était pas si mal avant » !

Denis Liébé dirige le Country Club de Norges et Trampoline Experience à Ahuy. Il était parmi les 120 chefs d’entreprise bourguignons qui ont échangé, jeudi  16 avril, avec le président national de la CPME François Asselin, à peine sorti d’un long entretien avec Bruno Le Maire. Le secteur des loisirs est dans une totale incertitude. Pour le Journal de la Résistance, il revient sur cet épisode témoin d’une économie en confinement.

Denis Liébé est le patron et co-propriétaire du Golf de Norges depuis 2000. © Jonas Jacquel

Propos recueillis par Dominique Bruillot

Tu étais ce matin parmi les chefs d’entreprise qui ont échangé en visioconférence avec François Asselin. Le monde des entreprises est-il pleinement en ordre de bataille face au Covid-19 ?
Le monde de l’entreprise n’a pas d’autre choix que celui de devoir s’adapter en permanence, Covid-19 ou pas. Par conséquent, chacun essaye de trouver des solutions afin de pouvoir sauver puis réouvrir son entreprise dans le respect des mesures d’hygiène, de santé et de sécurité pour ses salariés, ses clients et ses prestataires. La pénurie de masques et de gel est un problème qui sera je l’espère bientôt résolu. Il va falloir inventer une nouvelle forme de commerce, le « sans contact », au moins dans un premier temps.

Ton activité relève du secteur des loisirs. On a le sentiment que ce secteur est à la traine de la reconnaissance en matière de sinistre, qu’il faudra encore batailler dur…
Effectivement, ce n’est pas le secteur d’activité « sinistré » qui vient en premier dans l’esprit des gens quand on parle de commerces « non essentiels » obligatoirement fermés. Pourtant, la situation est pour nous, comme pour tous les autres commerces, très préoccupante. Pour les structures « indoor », on risque d’être fermés dans les mêmes conditions que les hôtels et les restaurants. Pour les structures extérieures, on espère pouvoir ouvrir plus rapidement, avec une contrainte supplémentaire dans le cas du golf, celle de continuer à entretenir notre parcours, comme si de rien n’était pendant toute la période de fermeture au public.

« J’ai peur que l’activité soit plus près des 50 que des 100%, et si les charges sont-elles à nouveau à 100, voire à 120 ou 150% suite aux reports, cela fera forcément de gros dégâts. C’est ce chantier qu’il faut désormais surveiller. »

Qu’est-ce qui plombe le plus l’ambiance actuellement ? La pandémie elle-même, l’administration ou les déclarations politiques ?
Comme on se souviendra toute notre vie du 11-Septembre, on se souviendra du 14 mars. En une minute, on apprenait que nos sociétés allaient être fermées dès le lendemain et pour 15 jours minimum. La soudaineté de l’annonce a fait place à l’incertitude de l’avenir. Puis sont apparues les premières mesures en faveur des salariés et des entreprises, et une administration pas prête, comme nous tous, à traiter ce dossier aussi nouveau qu’imposant. Mais je me demande si la surmédiatisation, notamment par les chaines info 24/24, est une bonne chose pour le moral des troupes. Devons-nous être informés de tout, y compris des polémiques entre médecins et chercheurs, des pronostics sur les futures annonces du gouvernement et autres ? Gare à l’indigestion.

Une organisation comme la CPME a-t-elle les moyens de faire bouger les lignes pour chacun d’entre nous ? Quel est le dossier le plus fort sur lequel elle doit travailler ?
Oui, je salue le travail de tous dans ce moment difficile. Bien sûr, celui de tout le personnel médical, tous ceux aussi qui travaillent pour maintenir le pays en état de marche. Il y a une vraie solidarité qui s’est installée et un retour aux valeurs essentielles. La CPME est force de propositions et de solutions, elle remplit à merveille ce rôle en ce moment. La mesure phare est bien entendu le chômage partiel, puis le report des charges (bientôt l’annulation pour certains), le PGE, même s’il y a forcément encore quelques trous dans la raquette. Mais, je crois que le plus dur reste à faire, avec la reprise. J’ai peur que l’activité soit plus près des 50 que des 100%, et si les charges sont-elles à nouveau à 100, voire à 120 ou 150% suite aux reports, cela fera forcément de gros dégâts. C’est ce chantier qu’il faut désormais surveiller.

On a évoqué jeudi la différence de traitement qui oppose les grandes entreprises aux petites, les emplois protégés aux autres, les banques et les assurances aux patrons. Cela est-il inévitable ou devons-nous parier sur de nouveaux équilibres ?
On n’a pas le choix, on va repartir avec plus de forces et d’envie encore. Il va y avoir un soutien collectif et la France est un grand pays, qui a toujours su se relever. On a beaucoup d’atouts et on tirera toutes les conséquences de ce moment difficile pour s’améliorer et bâtir un nouveau monde. Il y avait beaucoup de contestations et de mouvements de colère depuis deux ans, mais finalement on n’était pas si mal… Il faudra peut-être y penser pour l’avenir.