La double vie du patrimoine #1 : le brillat-savarin

Dijonbeaune.fr, en partenariat avec Bourgogne Magazine, Cœur de Comtois et France 3 Bourgogne-Franche-Comté vous parle d’un patrimoine à connaître sous deux facettes différentes. Aujourd’hui, il s’agit du brillat-savarin, qui désigne un fromage, comme chacun sait, mais aussi un personnage fondateur pour la gastronomie bourguignonne.

Qui êtes vous, Brillat-Savarin ?
Je suis Jean-Anthelme Brillat-Savarin. J’ai vu le jour à Belley, dans l’Ain, le 1er avril 1755. Si vous passez par là, rendez-vous Grande Rue pour trouver ma maison natale, où j’ai grandi dans une famille de magistrats. C’est à Dijon, aux environs de 1755, que j’ai fait à mon tour des études pour devenir avocat, en même temps que je me suis essayé à la chimie et à la médecine. Je me suis très tôt engagé en politique, comme maire de Belley puis surtout comme député. Je vécus quelques années en exil, en Suisse, à Londres, aux États-Unis, à Rotterdam, avant de revenir exercer en France en 1799. Je me suis très tôt intéressé à la gastronomie, écrivant chroniques et critiques. D’ailleurs, mon ouvrage Physiologie du goût est aujourd’hui encore considéré comme une référence en la matière, peut-être même fut-ce le premier traité de gastronomie jamais publié en France. C’est dans cet ouvrage que j’écris notamment : « Un dessert sans fromage est une belle à qui il manque un œil ! »

Portrait de Jean Anthelme Brillat Savarin (Brillat-Savarin) (1755-1826) – Gravure de Bertall de 1840 in « La Physiologie du gout », colorisee – Paris musee Carnavalet ©Photo Josse/Leemage

Et vous, cher crémeux ?
Moi, je suis un fromage français, un double-crème ( voire triple-crème lorsque mon taux de matières grasses atteint 75%). C’est une tradition de fabrication chez moi, en Normandie et dans la Brie. Certains m’appellent le Délice des gourmets, d’autres L’Excelsior. Je suis né au XIXe siècle dans la laiterie de la famille Dubuc, à Rouvray-Catillon, en Seine-Maritime. Je suis parait-il l’un des plus anciens fromages à pâte enrichie de matière grasse. Vous n’allez peut-être pas me croire, mais nous ne nous sommes jamais rencontrés avec ce cher Jean-Anthelme. C’est au cœur de l’entre-deux-guerres que le célèbre crémier parisien Henri Androuet (dont la maison a toujours pignon sur la rue d’Amsterdam aujourd’hui) décida, avec son fils, de me donner encore plus de corps : il grossit mon format et surtout m’enrichit au point de devenir un triple crème, pour un maximum de plaisir. La population était encore marquée par les privations de la Première Guerre mondiale et les consommateurs appréciaient particulièrement les produits gourmands. Ce donc sont mes parents, les Androuët, qui décidèrent de me baptiser brillat-savarin. Un hommage en somme : ils trouvaient que nous allions bien ensemble !

© Clément Bonvalot

Aujourd’hui vous représentez quoi, cher Brillat-Savarin ?
J’ai connu dès ma création en 1933 un succès populaire auprès des consommateurs. Mais la Seconde Guerre mondiale va me reléguer au second plan. Je ne reviendrai que dans les années 70. C’est à ce moment-là que vous, les Bourguignons, vous êtes lancés dans ma fabrication, car vous étiez reconnus comme des fabricants de crèmes d’excellentes qualités, tout comme vos voisins comtois. La fromagerie Delin, à Gilly-les-Cîteaux, est un peu comme ma seconde famille. Son directeur Philippe Delin est par ailleurs président du groupement des fabricants de brillat. Aujourd’hui, la France produit chaque année 1670 tonnes de moi-même. Je suis commercialisé à 92% dans ma version affinée. Je me balade dans toute la France, mais je suis aussi exporté sur l’Europe du Nord (Belgique, Pays-Bas, Allemagne) aux États-Unis et au Canada. Je prends corps chez neuf producteurs, dont deux ne sont qu’affineurs. Je suis reconnu depuis 2017 par une Indication Géographique Protégée, qui s’étend de la Saône-et-Loire, à l’Yonne, de la Côte-d’Or jusqu’à la Seine et Marne. Bref, je me sens un peu partout chez moi. Bien dans vos assiettes !