Foire de Dijon : le consul Till Meyer à table franco-allemande

Depuis un quart de siècle, le solide consul Till Meyer promène sa carrure de rugbyman et son regard d’ancien prof de philo entre les territoires jumelés de Bourgogne et Rhénanie-Palatinat. Félix Kir fut le pionnier de ce rapprochement. Mais il en est l’incontestable enracineur. La Foire de Dijon ayant (enfin) décidé de faire du Land allemand l’invité d’honneur de son salon Vinidivio (3-7 novembre), il ne pouvait y avoir meilleur témoin de mariage des genres et des saveurs.

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Par Michel Giraud
Pour Dijon-Beaune Mag
Photo: Christophe Remondière

Kir, encore lui, eut la bonne idée de jumeler Dijon et Mayence en 1958. Cette première nationale de l’après-guerre, avec les remous que l’on imagine, donna lieu, quatre ans plus tard, à une opération de rapprochement du même type entre Bourgogne et Rhénanie-Palatinat.

Précurseur comme souvent, l’atypique chanoine est donc le papa de la réconciliation burgondo-allemande. Et quand Till Meyer installe sa carrure de seconde ligne dans le fauteuil de la toute récente Maison de Rhénanie-Palatinat, en 1991, c’est pour développer une coopération déjà bien ancienne, pleine de potentiel.

Promu conseil honoraire d’Allemagne pour la Bourgogne dès 1994, l’homme s’est très vite fait apprécier pour son aisance diplomatique que ne saurait contredire un certain sens de l’humour raisonné. Ce qui suppose une grande faculté à favoriser la mise en relation. Marié à une Jurassienne originaire de Baume-les-Messieurs, ne fut-il pas autrefois lecteur de la faculté de Dijon ? « La fusion entre la Bourgogne la Franche-Comté, j’y réfléchis depuis longtemps ! » ne peut s’empêcher de plaisanter Till Meyer.

Moteur de l’Europe

Tout en rejetant la « politique politicienne », le consul a un credo, voire une marotte, l’axe franco-allemand : « Selon moi, il est le seul véritable moteur de l’Europe. Je pourrais louer le modèle allemand, mais je préfère montrer concrètement comment une coopération dynamique peut nourrir le développement de nos deux régions et servir leurs habitants. » Ce partenariat que beaucoup décrivent comme exemplaire entre Bourgogne et Rhénanie-Palatinat a fait des petits. Il s’appuie sur un incroyable réseau de plus de 150 communautés de jumelage, encore très actives entre les villes des deux contrées. « C’est notre humus, analyse le consul, les gens se connaissent depuis deux voire trois générations. Une vraie famille. Mais moi, je veux aller plus loin. Quand j’ai commencé ici à Dijon, j’avais le fantasme de créer quelque chose comme un Institut Goethe au service de la culture franco-allemande. Quand je regarde dans le rétro, je me dis que l’ensemble a belle allure ! »

On le suit volontiers sur ce point. Chaque année, la Maison de Rhénanie-Palatinat accueille 250 élèves, des chefs d’entreprise, des retraités, des jeunes aussi, venus apprendre l’allemand. C’est à elle que l’on doit la DeutschMobil qui parcourt la région pour faire la promotion de la langue. « Nous sommes devenus centre d’examen, nous avons développé un bureau de stage franco-allemand. Il y a aussi les services civiques que nous signons depuis 5 ans maintenant. Nous avons commencé à deux, nous sommes 15. Je suis fier des coopérations multiples impulsées dans le domaine du bois, de l’environnement, de la culture, de l’écologie. Mon leitmotiv, c’est la jeunesse, son enrichissement. Nous avons réussi à mettre en place des choses à tous les étages. Dans les collèges, les lycées, les universités, mais aussi pour les apprentis. Il y a en Allemagne une demande importante d’apprentis. Je ne cesse de répéter aux jeunes Bourguignons d’en profiter pour s’ouvrir sans cesse ».

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Freya Lichti, viticultrice en Rhénanie-Palatinat, sera la marraine du salon des vins Vinidivio 2016.

La princesse Freya

Alors, forcément, lorsque la Foire de Dijon décide de faire de la Rhénanie-Palatinat son hôte d’honneur en 2016, Till Meyer applaudit des deux mains : « Nous avons parmi tant de dénominateurs communs l’histoire bien sûr, celle du général français Marie-Pierre Koenig qui fonda la Rhénanie-Palatinat en 1946. Et surtout le vin : il y a en Allemagne onze régions viticoles, six se trouvent sur notre seul territoire. Une région de blanc, le long des rivières, le Rhin, la Moselle, la Nahe. Aujourd’hui, une nouvelle génération de vignerons impulse, innove, communique dans le sillage de gens comme Keller, le roi du riesling. »

Que dire aussi de Freya Lichti, « une princesse », seulement 30 ans, qui sera la marraine de Vinidivio 2016, formée notamment en Champagne et en Languedoc, étoile montante de la viticulture rhénane ? « Elle est fabuleuse. Elle porte le nom de la plus grande déesse des peuples vikings. Ce n’est pas un hasard ! Elle aura à ses côtés une vingtaine de vignerons de notre région, qui vont vous surprendre j’en suis sûr ! » Till Meyer sera à coup sûr un ambassadeur privilégié de la levée 2016 de la Foire de Dijon.

Costume qu’il endossera avec un plaisir non dissimulé, lui que vous ne verrez jamais choisir entre Allemagne et France, entre un apfelwein de Francfort, petit cidre un brin acide qu’il dégustera avec une poignée de châtaignes, et un époisses qu’il accompagnera de préférence d’un gevrey-chambertin. « Je suis fier de cette double culture, j’ai essayé de la transmettre à mes enfants. »

Entre deux bonnes tablées (« à la bonne franquette, car je n’aime pas la solennité que l’on met parfois dans les repas »), cet adepte de Zuddas et Billoux aura remis son costume de consul, pour aider un touriste ou un routier en détresse, ou pour visiter un prisonnier. « J’ai essentiellement un rôle pseudo diplomatique, tourné vers les ressortissants allemands qui vivent en Bourgogne. Un point d’appui, en quelque sorte, mais je préfère être un moteur ! »