Foire gastronomique : quels vins du Dijonnois avec des plats vietnamiens ?

Congrexpo a eu la riche idée de choisir le Vietnam comme pays hôte de la Foire gastronomique de Dijon, inaugurée ce mercredi. Curieux et gourmand, Dijon-Beaune Mag en a profité pour interroger une ressortissante de ce beau pays et un expert en la matière pour connaître leur vision des accords entre vins du Dijonnois et plats exotiques. Miam !

Par Michel Giraud
Pour Dijon-Beaune Mag #67

Singulier parcours que celui de Marie Ta, Vietnamienne réfugiée en France pendant la guerre, initiée au vin par son grand-père Gaston, « un Français ». Pendant dix ans, elle a collaboré avec des maisons de Champagne. Depuis un peu plus de six mois, la voici installée à Gevrey-Chambertin, blottie dans une Côte qu’elle affectionne particulièrement.

« Au Vietnam, seule une classe sociale aisée s’intéresse au vin »

Congrexpo ayant consacré son pays d’origine hôte d’honneur 2017, Marie est l’interlocutrice toute trouvée pour évoquer les ponts (ou pas) entre cuisine asiatique et vin du Dijonnois. Et le premier constat ne tarde pas : « Les Vietnamiens ne sont pas prêts pour le vin, tout simplement parce qu’on boit beaucoup de bière au pays. Il n’y a aucune culture du vin ; vous trouverez dans la plupart des restaurants vietnamiens du rosé, et rien d’autre. Seule une classe sociale aisée s’intéresse au vin. » Voilà un préambule important.

Il n’empêche, pour l’intarissable diplômée en œnologie, nos papilles sont plutôt prêtes pour ce genre d’accord. C’est tout bête : la cuisine vietnamienne s’articule autour de deux sauces. « La nuoc-mâm, célèbre sauce poisson, qui donne des plats avec du peps. On y associera volontiers des vins plus soutenus, plus épicés. J’ai une préférence pour les crus de la Côte de Nuits. Si vous préférez aller en Côte de Beaune, il faudrait se tourner vers un premier cru avec une belle longueur, pour que le vin tienne bien en bouche avec les épices. »Très bien. Merci Marie. Et l’autre sauce ? « La soja ! Plus douce, elle permet de se tourner vers un rouge un peu plus léger, voire même un vin rosé. »

Accords complexes !

C’est notoire, on le sent bien, la cuisine vietnamienne est sans doute l’une des plus réputées d’Asie ; sa richesse tient dans les herbes aromatiques multiples qui y sont utilisées. « Et dans la palette aromatique des vins de Bourgogne, reprend notre experte, il existe aussi une multitude d’arômes. La cuisine du Vietnam étant forte en goût, cela rend l’accord mets et vins plus complexe ! Pour être un peu triviale, une « piquette » qui n’a pas de longueur en bouche ne tiendra pas la distance face aux épices. »

Et le blanc, nous direz-vous ? Trouve-t-il grâce à notre palais ? Marie Ta juge « les vins de Chablis un peu plus simples dans les arômes – sans que ce soit péjoratif. Je les conseille avec des salades de crevettes par exemple. Si on part sur un premier cru de la Côte de Beaune, on les conjuguera aux plats à base de porc, de poulet, un sauté aux bambous… »

Vin poivré

Aujourd’hui, Marie Ta accompagne des touristes sur des dégustations, elle effectue aussi de l’achat et revente sur des vins primeur. Surtout, elle mène parallèlement à sa vie bourguignonne, un double projet dans son pays : « J’ai repris il y a six ans une exploitation familiale de poivre au Vietnam, sur la petite île de Phú Quốc. C’est un poivre rare. Ce qui est étonnant, c’est que je retrouve la vigne dans le poivre. Ces deux produits du terroir se travaillent un peu de la même manière. La fleur du poivrier ressemble à la fleur de la vigne, la grappe de poivre prend naissance au bout d’une liane, comme le raisin… »

C’est justement ce poivre de Phú Quốc que Marie Ta fera découvrir aux visiteurs de la Foire de Dijon 2017. Et si par hasard vous avez envie de pousser la discussion jusqu’aux vins de Bourgogne, surtout ne vous gênez pas !


Les bons accords de Patrice Gillard

Plutôt expert des accords vins-fromage, le vice-président des Sommeliers de Bourgogne n’a pas reculé devant l’épreuve d’associer vins du Dijonnois et plats vietnamiens.

Accorder les plats du restaurant vietnamien de la Foire de Dijon aux vins du Dijonnois. Voilà le défi lancé à Patrice Gillard, le vice-président de l’Association des Sommeliers de Bourgogne.
Challenge relevé !

Les nems – « Osons le marsannay rosé pour le marier avec la sauce soja du nem. Il faut de la fraicheur, et c’est du coup le compagnon idéal à mon sens. Le caractère et la pointe d’acidité seront là aussi pour rehausser l’accord. »

Pho Bac (lamelles de bœuf finement tranchées et servies dans un bouillon de bœuf avec des pâtes de riz et des herbes vietnamiennes) – « Un bourgogne rouge de montrecul. C’est sans doute le terroir qui a ici le plus de caractère, de charpente, un terroir élégant aussi. Je valide ! »

Bun bo Hué (nouilles de riz blanc, assortiment de jarret de porc et bœuf avec un bouillon parfumé à la citronnelle) – « Un autre rouge, mais cette fois, sur Le Chapitre. On joue plus en finesse pour se marier efficacement avec la citronnelle. »

Com Chiên Dac Biêt (riz parfumé sauté avec des fleurs de lys séchées, dés de châtaigne d’eau, crevettes, poulet, champignons noirs émincés et cives) – « De la crevette, du poulet, donc un blanc ! Ce plat me fait penser un peu au minestrone italien, alors je vais choisir un bourgogne blanc du Domaine de la Cras, un chardonnay aux notes d’agrumes, avec de la minéralité. Ça fonctionnera très bien. »

Banh xèo (crêpe de farine de riz aux oignons verts, crevettes et pousses de soja) – « Un autre blanc, mais cette fois ci sur les Marcs d’Or. C’est un vin qui a plus de charpente, un beau coteau au pied de Corcelles, avec du caractère et surtout de la longueur. »