Handicap et confinement : L’Arche à Dijon vit sa vie en chanson

Images du clip tourné par les pensionnaires de La Treille, foyer de L’Arche à Dijon. © D.R.

La Treille est l’un des foyers de l’association L’Arche à Dijon. Depuis le début de la crise, six personnes en situation de handicap mental et six assistants partagent une grande maison pleine de vie. La petite troupe* a même créé son hymne sur l’air des Jolies colonies de vacances. Elle témoigne collectivement.

* Alain, Benoit, Brigitte, Danièle, Noureddine, Laetitia (les résidents) et Alice, Céline, Chloé, Julie, Louise, Marianne, Noémie (les assistantes).

Propos recueillis par Geoffroy Morhain


Ce qui vous a le plus manqué durant ce confinement ?
« Sortir, profiter de l’extérieur… On ne se rendait pas compte que c’était si important à nos yeux. Mais aussi ne pas voir nos familles, nos amis, avoir seulement des nouvelles par téléphone. Heureusement, il existe un nouveau moyen pour les voir : on a utilisé Zoom« , raconte Brigitte, désormais grande adepte de la visioconférence.

Benoit quant à lui aimerait bien pouvoir reprendre ses cours de piano. Et les pensionnaires d’Esat (établissement et service d’aide par le travail), comme Noureddine, ont hâte de retrouver leurs collègues de travail et de reprendre leur rythme de vie habituel.   

En quoi la vie quotidienne du foyer a le plus changé ?
Certaines personnes ont dû changer de foyer durant cette période de confinement : Laetitia et Benoit ont quitté La Vigne (ndlr, un autre foyer de L’Arche à Dijon, resté fermé pendant le confinement) pour rejoindre La Treille, alors que Marie-Line, Bertrand et Jason sont rentrés dans leur famille. 

Noureddine pour sa part apprécie d’avoir plus de temps pour faire des choses, jardiner par exemple : on a planté des salades et on va bientôt pouvoir bientôt les cueillir. On a cherché de nouvelles idées d’occupations aussi, certaines assistantes apprennent la guitare, le djembé, la chanson, et nous le font partager.

Goûter à La Treille sous le soleil. La vie suit son cours : comme partout ailleurs, l’ennui n’est pas loin, mais l’on se réjouit des petits bonheurs du quotidien. ©D.R.

Malgré les précautions, la peur du virus est toujours là ?
On a un peu peur de sortir alors on reste dans le foyer, c’est le mieux pour éviter d’attraper le virus. Benoit rappelle que c’est dangereux. Laetitia, elle, dit qu’elle n’a pas peur parce qu’elle est au foyer et qu’elle aime être ici.

La vie en communauté, même à L’Arche à Dijon, ce n’est pas toujours évident…
Certains préfèrent être plus seul, voir moins de monde, ce n’est pas évident tous les jours, mais nous avons réussi à nous adapter. Il s’agit de respecter le rythme de chacun, tout en se motivant ensemble pour ne pas rester chacun dans son coin. 

On s’aime tous bien, ça aide vraiment. Ce qui est le plus difficile, c’est quand même de ne pas savoir vraiment quand et comment ce confinement va se terminer. 

Quelles activités vous permettent de vous échapper un peu ?
Le confinement a été pour certains l’occasion de se mettre au sport, car nous avons un grand jardin pour bouger. Alain par exemple raconte (et montre) comment il s’est étiré et a marché pour faire travailler ses genoux.

Brigitte elle, a appris à utiliser YouTube sur son portable, pour écouter de la musique classique pendant qu’elle tricote ses pulls pour l’hiver. 

On vit beaucoup de choses qui nous rassemblent, on fait les tâches qu’on n’a pas trop envie de faire le reste de l’année, comme faire du rangement dans la maison ou réaménager la véranda pour en faire un coin cocooning. 

Qui a eu l’idée de cet hymne façon Jolies colonies de vacances de Pierre Perret ? 
On commençait à trouver ce confinement lassant et on a voulu faire quelque chose pour nous motiver. Nous avons choisi cette chanson parce que Danièle avait pour habitude de la chanter tout le temps. Un soir, on a vu une vidéo qui parodiait un autre titre, et on s’est lancé ! On a d’abord écrit le refrain : « Les moments confinés à la Treille / Heureusement qu’il y a le jardin / Tous ensemble on profite du soleil / Et ça nous permet d’être bien. »

« Ça nous semblait bien représenter ce qu’on vit en confinement, avec des moments parfois un peu longs à vivre, mais souvent pleins de joie et de vitalité. »

Ça nous semblait bien représenter ce qu’on vit en confinement, avec des moments parfois un peu longs à vivre, mais souvent pleins de joie et de vitalité. Et puis les couplets dans l’ensemble racontent bien ce que l’on fait pour s’occuper au foyer. Un peu de créativité, mélangée à de la bonne énergie, quelques fausses notes pour les apprentis chanteurs que nous sommes et le tour était joué !

Comment s’est passé le tournage de la vidéo ?
Tous les « Treillois » ont joué le jeu, mais il a fallu cinq tournages pour arriver au bon résultat. Il faut dire qu’on ne s’était pas vraiment entrainé avant, on a tourné notre petite vidéo sans répéter ensemble… Chacun a investi un rôle pour la mise en scène des paroles. Nous avons fait appel au talent de musiciennes de Céline (à la guitare) et Marianne (au djembé). Pour tous les autres, c’était de l’improvisation ! On est quand même assez fiers du résultat. 

Vous avez eu beaucoup de retours après sa mise en ligne ? 
En premier, on a surtout reçu des retours des amis de la communauté de L’Arche à Dijon, quelques commentaires sur Facebook. Et puis, en une semaine, on a atteint plus de 1 400 vues, on ne s’y attendait pas du tout. On a juste fait ça pour s’amuser en fait.

« On a l’impression de vivre encore plus ensemble, comme une joyeuse bande qui n’a pas envie des mêmes choses en même temps, mais qui développe de la patience et s’adapte. »

Plus qu’une colonie de vacances, la Treille, c’est un peu une maison de famille ?
Brigitte nous dit que ce n’est pas vraiment sa maison de famille, mais quand on regarde d’un peu plus loin, chacun connait les habitudes de chacun, on a tous appris à se connaitre au-delà de la vie « quotidienne ». Pendant le confinement, la maison a pris l’habitude d’être plus animée en journée, car le reste du temps, les personnes accueillies sont au travail, à l’Esat ou au centre d’activité de jour. Là, on a l’impression de vivre encore plus ensemble, comme une joyeuse bande qui n’a pas envie des mêmes choses en même temps, mais qui développe de la patience et s’adapte.

La première chose dont vous rêvez après le déconfinement ?
Alice, qui a permis à la maison de passer au vert pendant le confinement, rêve d’aller faire une grande balade en forêt. Julie espère retrouver la vie comme avant et reprendre ses cours de danse. Brigitte aimerait sortir un peu de la ville et profiter de la campagne. Noureddine lui n’attend qu’une seule chose, c’est de travailler ! Chloé aimerait pouvoir continuer de prendre le temps, c’est ça aussi le confinement. Laetitia aimerait retrouver les habitants du foyer La Vigne et son amie Céline qui est accueillie en famille. Benoit voudrait reprendre ses exercices de kiné rapidement et Louise, elle, attend de partir en vacances un jour !