Héroïques sommeliers du Zimbabwé

Quatre Zimbabwéens en finale du Championnat du monde de dégustation à l’aveugle… Cela se passait en octobre, au château de Gilly-les-Cîteaux. Ils seraient même en passe de devenir les héros d’un grand film où le vin, la dureté de la vie et la réalité des migrants se confondent. Début d’un pitch improbable…

Sous la bienveillance de Denis Garrel, l’équipe zimbabwéenne a participé au concours international dominé par la Suède… et a fini devant l’Italie !

Par Dominique Bruillot

Jancis Robinson est une critique connue dans le monde entier, notamment via ses lignes spirituelles et spiritueuses publiées dans le Financial Times. Elle est aussi conseillère officielle de la cave de la reine Elisabeth II d’Angleterre, ça ne s’invente pas.

Le Zimbabwe est un pays d’Afrique australe parmi les plus pauvres, 132e au classement mondial par PIB. Rien ne le pousse naturellement à être relié au vin. Pourtant, ces deux univers si éloignés n’ont fait qu’un récemment. C’était en Bourgogne, grâce à nos confrères de la Revue des Vins de France et à la maison Boisset, respectivement organisateurs et mécène de l’événement. Par un beau samedi d’octobre, dans le cadre du château de Gilly, on organisait ainsi la cinquième édition du Championnat du monde de dégustation à l’aveugle.

C’est beau, mais c’est loin

Dans la cour du château, Denis Garrel transpire de joie. « Ces jeunes sont des migrants du vin, cela doit nous inspirer », lâche-t-il à qui veut l’entendre. Il veut parler de ses protégés : Tongaï Joseph Dhafana, Pardon Taguzu, Tnashe Nyamudoka et Marlvin Gwese. Tous natifs du Zimbabwe. Tous désireux d’épouser une carrière dans le vin. Du haut de ses douze ou treize degrés, le vin est parfois synonyme d’ascenseur social.

Denis, en bon professionnel, a repéré ces talents venus de nulle part. Il les a hébergés et accompagnés. Ce Français installé en Afrique du Sud les a entrainés, désinhibés et guidés. Quand l’un veut devenir restaurateur de haut niveau, l’autre se voit bien faire le show dans les grands salons. Pour le troisième, ce sera transmettre et enseigner. Le quatrième, écrire et publier. Fasciné par leur volonté, le coach de l’impossible les encourage même à jouer la carte du fabuleux Championnat du monde de dégustation à l’aveugle organisé par la RVF… Ils passent le cap des sélections. La finale aura lieu en octobre, au cœur de la Côte de Nuits, sous la bienveillance de la maison nuitonne Boisset. C’est beau mais c’est loin. C’est loin mais c’est cher.

Bien équipée, la « Team Zimbabwe » de Pardon Taguzu ! Le jeune sommelier travaille en Afrique du Sud et a découvert la France lors de ces Mondiaux.

Devant les Italiens !

L’histoire se glisse alors dans l’oreille d’une collaboratrice de Jancis Robinson, née au Zimbabwe. La boucle est bouclée. La critique lance un crowdfunding avec un cri d’alarme qui fait sens : « Quand je me rends dans les dégustations, je suis souvent frappée par le fait que tous les participants sont blancs, alors que le vin a besoin de diversité. »

Les quatre Zimbabwéens auront non seulement l’occasion de se frotter aux 23 autres équipes de la finale qui doivent identifier une douzaine de flacons, mais leur destin a aussi séduit une équipe de télé néo-zélandaise qui colle à leurs basques dans le moindre de leurs déplacements, y compris en Bourgogne. « Ce sera un film encore plus important que Mondovino », promet un Denis Garrel persuadé, aussi sûrement que le pinot noir ne s’épanouit qu’en Côte de Nuits, que le destin de ses « migrants bacchusiens » va poser des problématiques bien plus larges dans les esprits. Rendez-vous dans un an ou deux.

Dans cette aventure humaine, le résultat de la compétition importe peu finalement. On ne vous parlera donc pas de ces merveilleux Suédois qui ont succédé aux surprenants Chinois de l’an dernier, ni de l’avant-dernière place de nos amis africains. « Ils sont quand même devant les Italiens, bon derniers de la compétition », plaisante un Denis convaincu, en père protecteur, que ses athlètes impressionnés par l’enjeu ont été « trahis par le cépage qu’ils connaissent pourtant le mieux, le chenin blanc ! » Qui l’eut cru ?