Hospices de Nuits : exit la bougie, place à la vente 2.0

La Vente des vins des Hospices civils de Nuits-Saint-Georges est confidentielle comparée à celle de Beaune. Les organisateurs entendent bien gagner en notoriété le 8 mars, avec l’arrivée des duettistes Maître Hugues Cortot et l’expert Aymeric De Clouet, pour diriger et animer la vente, non plus à la bougie, mais avec une retransmission sur écrans, dans le cellier, et sur internet. Pour briller efficacement, il faut s’en donner les moyens !

© BIVB

Par Charlotte Félix

Là où le domaine des Hospices de Beaune a choisi, depuis 2005, de confier sa vente des vins au magnat anglais Christie’s, pour la 59e vente des vins des Hospices de Nuits, les organisateurs ont sollicité un jeune commissaire-priseur et un expert parisien pour valoriser son millésime 2019 et ses 123 lots (121 pièces de rouges, 1 pièce et une feuillette de blancs ; ndlr 1 pièce = 228L = 300 bouteilles ; une feuillette = 114L). Un pari audacieux pour développer la notoriété du domaine qui mérite d’être un des porte-drapeau de l’appellation.

Charité bien ordonnée

Fondés en 1270, les Hospices de Nuits ont vu le jour à l’avènement du règne de Robert II, duc de Bourgogne. Entre le XVIIe et le XIXe siècle les agrandissements vont se succéder en fonction des besoins de santé publique. L’autonomie financière de l’ensemble hospitalier sera garantie par des dons qui, au fil des siècles, permettront de constituer le domaine viticole, qui s’agrandira lui aussi grâce à des legs. Aujourd’hui, il s’étend sur 12,5 hectares, et comprend, entre autres, 6 appellations villages et 9 premiers crus ; le régisseur Jean-Marc Moron prend soin de 18 cuvées dont un monopole Les Didiers. Ce premier cru, cuvée Fagon, issue de vignes de 70 ans d’âge, constitue d’ailleurs la Pièce de Charité pour 2020. Elle sera accessible par souscription à partir de 135 euros la bouteille. Les bénéfices de cette vente seront reversés à l’association France Alzheimer (en 2019, ils s’élevaient à 40 000 euros). L’élevage de la Pièce de Charité sera confié au domaine et les bouteilles remises aux acquéreurs lors de la prochaine vente, en 2021.

Vers une place au soleil

Récolte moins importante qu’en 2018 (l’équivalent de 30 pièces selon le régisseur), le millésime 2019 est cependant d’une parfaite maturité, grâce à un été ensoleillé, avec des raisins à leur apogée dont les grumes n’éclataient pas pendant la vendange. Jean-Marc Moron a été le moins interventionniste possible laissant s’exprimer au mieux les arômes et les tanins. Robe intense, nez fruité, une élégance et un équilibre se font sentir dès la première dégustation. Pour Aymeric De Clouet « chaque coteau, chaque sol est représenté et déploie sa palette aromatique, dans la fraicheur et la finesse » : ainsi, les villages semblent donner un vin concentré alors que les premiers crus vont s’exprimer avec souplesse. Reste aux particuliers et aux professionnels de découvrir la variété et la qualité de ces crus que le domaine devrait proposer prochainement dans les restaurants, chez les cavistes et en dégustation lors de salon. 

L’expert en vins et spiritueux Aymeric de Clouet et maître Hugues Cortot seront les duettistes de la vente nuitonne. © Edouard Roussel

Maître Hugues Cortot, commissaire-priseur, dont l’étude Cortot et Associés est à Dijon et Aymeric de Clouet, expert en vins et spiritueux auprès de la Cour d’Appel de Paris se sont accordés pour prêcher la bonne parole aux amateurs de la Côte de Nuits.

Vous succédez à Maître Daniel Herry, commissaire-priseur ayant officié plusieurs années à la Vente nuitonne. Comment prévoyez-vous les missions que l’on vous a confiées ? 

M° Cortot : L’angle principal concernait la promotion des vins du domaine, toute l’année. C’est un travail de longue haleine qui consiste à faire connaître la vente, qui n’était pas ou peu médiatisée jusqu’à présent, et d’organiser des dégustations auprès des professionnels français et étrangers pour développer la notoriété des vins. Cela sort du cadre de mes prérogatives de commissaire-priseur mais cela contribue à accompagner le processus de valorisation de l’appellation.

Par ailleurs, à la retraite de M° Herry, fin 2019, les organisateurs avaient envie et besoin d’impulser une nouvelle dynamique qui s’inscrit dans l’ère numérique, offrant à tout à chacun l’opportunité de pouvoir enchérir à distance. Une retransmission permettra ainsi aux potentiels clients à travers le monde de découvrir en temps réel chaque lot. 

Comment va s’orchestrer votre duo avec Maître Cortot ?

Aymeric De Clouet : L’objectif était de dépoussiérer la procédure officielle et confidentielle pour favoriser l’accès à la vente à tous. Le duo que nous formons, avec M° Cortot, depuis plus de 10 ans maintenant, lors de ventes de vins, fonctionne bien car nous sommes complémentaires ; chacun a son expertise, joue sa partie et relie celle de l’autre. Une interaction efficace permettra de gérer la vente en 2h30 au lieu de plus de 4h les années précédentes (un lot doit être vendu en 40 secondes, une enchère doit prendre 2 minutes). Une vente réussie se fait dans une bonne ambiance et selon un rythme soutenu et régulier de la même manière que nous avons œuvré de concert, tambour battant, pour la préparation de cette vente 2020. C’est un concours de circonstances de préparer une vente aux enchères si rapidement mais nous espérons que les Hospices de Nuits et les acquéreurs, trouveront satisfaction. 

Quels sont les objectifs fixés pour accompagner au mieux cette vente ?

A. De Clouet : Tout d’abord, multiplier et diversifier le panel d’acquéreurs. Avant tout, il est important  de valoriser le terroir du domaine, la qualité des vins des différentes appellations et son régisseur qui fait un travail formidable. Nous aimerions que les potentiels acheteurs puissent se déplacer pour découvrir cela, le temps d’un week-end, mais nous sommes conscients que plusieurs événements comme le Coronavirus vont entraver le déplacement de certains d’entre eux. Le cellier où aura lieu la vente peut accueillir jusqu’à 300 personnes et nous aimerions que ce ne soit pas seulement les locaux qui soient présents. Maître Cortot et moi avons fait en sorte de communiquer sur la vente pour l’ouvrir à de nouveaux marchés. Un catalogue bilingue (français et anglais) rédigé dans un temps très court est un outil essentiel que nous avons diffusé auprès de nos réseaux respectifs, en plus de celui des Hospices de Nuits. A noter qu’une carte inédite représentant les parcelles du domaine a pu être réalisée grâce à l’accord des ayants-droits. Même le domaine des Hospices de Beaune n’en a pas. C’est pourtant une valeur ajoutée importante pour localiser les climats. 


La vente à la bougie

Saviez-vous que pendant plus d’un siècle, les ventes aux enchères étaient rythmées par la persistance d’une petite flamme qui dansait au bout d’une mèche pendant le temps d’une séance d’adjudication (ndlr, modalité de vente d’un bien mobilier et immobilier mis aux enchères par un juge ou un notaire) ? Cet ustensile du quotidien devint rapidement une unité de mesure plébiscitée au début XIXe siècle alors que la bougie faite de cire – supplantant progressivement la chandelle de suif – venait d’être inventée. La « vente à la bougie » était, encore il y a peu de temps, un rituel folklorique usité par les notaires, les commissaires-priseurs et les experts qui officiaient dans les salles de ventes de France et de Navarre. Aussi désuet et cérémoniel que le port de la robe par les avocats, la vente à la bougie est toujours pratiquée pour honorer la Pièce de Charité lors de la vente des Hospices de Beaune et, jusqu’en 2019, aux Hospices de Nuits.