Jean-François Curie (Groupe Boisset) : « Les notions de proximité et de terroir vont se renforcer »

DijonBeaune.fr au chevet des entreprises incarnant l’esprit bourguignon, deuxième volet. Tout en reconnaissant « quelques toussotements mais une fièvre contenue », le directeur général de la maison Boisset (Nuits-Saint-Georges) estime que le bon sens et les circuits courts seront nos guides au sortir de ce chaos.

Jean-François Curie, ici dans la Maison Vougeot, dirige le groupe nuiton avec Nathalie et Jean-Charles Boisset. © Bénédicte Manière

Origine, poids et taille de votre entreprise. 
Production et distribution de vins tranquilles et effervescents, Bourgogne, Jura et autres régions viticoles en France (ndlr, en ce qui concerne la Bourgogne : Domaine de la Vougeraie, Jean-Claude Boisset, J.Moreau & Fils, Labouré Roi, Bouchard Ainé & Fils, Louis Bouillot, Ropiteau Frères et Antonin Rodet). Environ 300 millions d’euros de chiffre d’affaires pour 850 collaborateurs.

Comment allez-vous aujourd’hui (2 avril 2020) ? Votre entreprise est-elle fiévreuse, juste confinée ou dans un état préoccupant?
La Société Boisset poursuit son activité avec un effectif réduit, compte tenu des absences liées à la pandémie et des baisses d’activité économique internationales : en résumé, quelques toussotements mais la fièvre reste contenue !

Le commerce du vin en Bourgogne s’en sort-il globalement mieux que les autres secteurs face à cette crise sanitaire ?
Je pense qu’il est encore trop tôt pour l’estimer, mais il est certain que notre secteur, grâce à un niveau d’activité convenable, aura sans doute traversé cette crise avec moins de dommages majeurs que d’autres. Il est aussi réjouissant de constater combien nos vins contribuent au réconfort permanent de nos contemporains !

« Notre secteur aura sans doute traversé cette crise avec moins de dommages majeurs que d’autres. »

Que vous inspire la situation ? Imaginez-vous des séquelles au-delà de la rémission ?
Comme l’ensemble des activités économiques liées au luxe, au tourisme, à la gastronomie, notre secteur mettra du temps à guérir complètement. Notre inquiétude concerne en particulier la restauration et l’hôtellerie… mais surtout des charges énormes sur les entreprises et les particuliers à venir !

Quand avez-vous vraiment pris conscience de l’ampleur de cette catastrophe sanitaire ? Quels en furent les premiers symptômes ?
Dès le mois de janvier, notre bureau de Shanghaï nous avait alerté sur la situation en Chine, et de ses conséquences en Asie…et dans le monde. Mais c’est sans doute le 14 mars au soir, après les annonces du premier ministre et les fermetures d’établissements recevant du public que nous avons pris la vraie mesure de la crise sanitaire et économique qui s’annonçait en France et ailleurs.

Quelles furent vos premières mesures ?
Dès le 16 mars, fermeture de nos boutiques, mise en place de télétravail pour tous les services où cela était possible. Mise à disposition de protections sanitaires systématiques et règles de bonnes pratiques pour notre personnel de production (vignes, cuveries, salles d’embouteillage et d’expédition,…)

L’impressionnante cuverie des Ursulines du groupe Boisset, à Nuits-Saint-Georges © Michel Joly

Avez-vous le sentiment que l’on se soucie de votre santé, que les dispositifs mis en place sont à la hauteur du défi ?
Dans ce contexte exceptionnel, il est légitime que les premières mesures soient appliquées de manière chaotique. Mais on ne peut que regretter les difficultés durables d’approvisionnement de matériel de protection de base (gels, masques…)

« Sans doute par repli culturel et par souci de traçabilité, les notions de proximité et de terroir vont se renforcer. »

Quelles sont les initiatives les plus originales qui vous ont fait tenir face à la pandémie ?
Plus admirables qu’originales, les initiatives de nombreux collaborateurs qui ont préféré aider le personnel aux travaux de la vigne plutôt que de bénéficier du chômage partiel.

À l’inverse, qu’est-ce qui vous traumatise le plus ?
La reprise certainement lente de la vie économique et le financement des pertes d’activité colossales dans de nombreux secteurs.  

Pensez-vous que la notion de proximité et de territoire sortira gagnante de cette pathologie mondiale ?
Oui, sans doute par repli culturel et par souci de traçabilité, les notions de proximité et de terroir vont se renforcer auprès des populations et des consommateurs.

À titre personnel, que retirez vous de cette situation hors normes ?
Un émerveillement grandissant face aux merveilles de la nature, une envie de voyages toujours reportés et une volonté de solidarité accrue.


> Lire aussi – Famille Boisset, in Vougeot veritas