La vigne continue #1 : domaine Geantet-Pansiot à Gevrey-Chambertin

Notre chronique #LaVigneContinue, hashtag emprunté à l’agence de communication La Bicyclette de Paul, prend le pouls des vignerons en période de Covid-19. Premier épisode du côté de Gevrey-Chambertin : Aymerick Geantet, le fils cadet, donne des nouvelles du domaine familial. 

Vincent, Fabien et Emilie Geantet, à la tête du domaine gibriaçois. ©D.R.

FICHE D’IDENTITÉ

Création : 1954
Surface plantée : 22 ha en propriété, essentiellement sur Gevrey
Aires d’appellations : Marsannay, Gevrey-Chambertin, Morey-Saint-Denis, Chambolle-Musigny, Ladoix, Hautes-Côtes de Nuits, Savigny-lès-Beaune
Production moyenne : 100 000 bouteilles/an


Covid ou pas, la nature reprend ses droits. Où en est le domaine Geantet-Pansiot à ce sujet ?

Aymerick Geantet, 21 ans, étudie à la Viti de Beaune, aide au domaine familial et mène son stage au domaine Prieuré-Roch ©D.R.

Nous avons terminé tout le petit travail de réparation, de la taille au pliage des baguettes, et entrons en phase de plantation. Nous avons déjà effectué tous les trous dans les vignes concernées. Il faudra ensuite jalonner pour protéger les plants. En parallèle, le tractoriste effectue les premiers griffages, donne un coup de propre en décavaillonnant (ndlr, labourer pour enlever le sillon de terre avec lequel on a recouvert la vigne pour l’hiver). En Côte de Nuits, on est dans une phase d’attente, entre bourgeons encore dans leur coton et ébourgeonnage. La Côte de Beaune est déjà à un stade plus avancé, avec des bourgeons de blancs qui n’ont plus cette protection naturelle, ce qui est problématique en cas de gel et nécessite une mobilisation des vignerons comme on a déjà pu le voir.

Comment s’adapter à cette situation inédite ?

Les précautions d’usage, avec du bon sens : transfert des employés individuel, gel hydroalcoolique mis à disposition chaque matin, matériel à usage exclusif, espacement dans les rangs… Notre mode d’organisation a aussi ses avantages : 4 employés permanents se partagent la Côte et les Hautes-Côtes, avec chacun un périmètre d’activité, ce qui évite les longs déplacements. Les trois ouvriers viticoles, eux, évoluent en autonomie : sur une mission donnée, ils savent quelles vignes gérer. Comme mon père Vincent est bloqué au Maroc depuis un mois, mon frère Fabien, basé à Gevrey, assume la supervision. Il échange avec notre tractoriste Jérôme, qui est ici depuis presque 20 ans et connaît aussi les parcelles par cœur. 

Et vous, dans cette histoire ?

Je partage mon temps entre le domaine et mon apprentissage chez Prieuré-Roch, à Nuits-Saint-Georges depuis le mois d’août. À Gevrey, je gère aussi l’élevage expérimental de deux pièces de savigny-lès-beaune, millésime 2019, dans le cadre de mes études à la Viti de Beaune. L’une est 100% égrappée, dans la philosophie de la maison pour avoir du fruit et de la finesse, l’autre est uniquement en vendanges entières. Dans tous les cas, on laisse faire les  levures indigènes, pour ne pas perdre les marqueurs du terroir. En ce moment, fût et vin rentrent en osmose, le tout se rééquilibre. Je goûte toutes les deux semaines et prendrai une décision en août, en concertation avec mon père, pour embouteiller ou non. Si ce n’est pas encore prêt, on fixera sans doute l’échéance à novembre. 

« On espère que le marché asiatique, avec qui nous travaillons beaucoup (Japon, Corée du Sud, Chine), reprendra un peu plus tôt que les autres. »

Au final, quel est l’impact sur votre activité ?

Le même que pour tous, j’imagine. Notre modèle est basé sur l’équilibre entre export à l’étranger et vente en circuit CHR, essentiellement à Paris. Pour ce dernier, c’est au point mort. On espère que le marché asiatique, avec qui nous travaillons beaucoup (Japon, Corée du Sud, Chine), reprendra un peu plus tôt que les autres. Pour le reste, avec le Covid-19, le Brexit, et les taxes Trump alors que nous voulions retravailler avec les États-Unis, ça se complique. On va tâcher d’être patients. De l’extérieur, comme la majorité de nos vins est vendue à l’avance, on peut prendre ça comme un décalage de trésorerie. Mais personne n’est à l’abri d’un caviste ou d’un restaurant qui annule sa commande. Les problèmes de logistique pour certains, car il faut bien stocker toutes ces bouteilles qui ne partent pas, renforcent l’incertitude.

Propos recueillis par Alexis Cappellaro