Marc Potier : moi, patron, ex-apprenti

L’apprentissage est une voie d’excellence. La Fédération Française du Bâtiment de Côte-d’Or en est convaincue : énergies créatrices, expérience du terrain et maîtrise technologique font le ciment de nouvelles carrières. Ancien apprenti, le jeune chef d’entreprises Marc Potier, qui préside la branche des électriciens à la FFB21, nous met vite au courant.

Par Alexis Cappellaro
Pour Dijon-Beaune Mag #71

Marc Potier pose avec le parpaing d’or du meilleur espoir entrepreneurial, lors de l’assemblée générale de la FFB Côte-d’Or en juin. © Grégory Girard / Sensation Web

Il est étonnant, Marc Potier. Il donne le sentiment qu’on crée une entreprise à 31 ans comme on se fait couler un café le matin. Sans complexe, avec pragmatisme, ce Dijonnais a créé DME (installation domotique et électricité) en 2014, avec son associé David Bacconin. La petite sœur DMP (plomberie et chauffage) est née deux ans plus tard, avant DMS (serrurerie) cette année. La suite logique du développement endogène sera finalement la création d’un cabinet d’études, pour coordonner cette famille nombreuse : de deux employés au début de l’aventure, Marc en comptera 18 à la rentrée. « Et en jouant le jeu : apprentis, stagiaires, personnes en réinsertion professionnelle… », appuie l’entrepreneur.

Pas par sainte Lucie !

Ce développement n’est pas dû à l’opération de sainte Lucie, la patronne des électriciens. Une fois de plus, maîtriser son destin implique des sacrifices. « On a commencé dans un garage ! Les premières années, je passais mes journées sur les chantiers et le soir dans les papiers », abonde Marc, sans jouer les dramaturges. « Pas sorti de Saint-Cyr », le trentenaire a butiné en région dijonnaise (BEP électricien, bac STI, BTS en alternance, licence conduite de travaux et développement durable) pour se construire, à une époque où il existait « plus de passerelles pour évoluer ». L’apprentissage, pour lui, fut le temps de « l’indépendance financière, de l’expérience sur le terrain », loin de certains enseignants pas toujours encourageants. « Épanoui comme un dingue », Marc Potier a connu la réalité d’un client sur chantier et le nécessaire travail conceptuel en bureau d’études. Tout benef. Sa maîtrise des interactions entre gros œuvre, électricité et plomberie, il l’a réinvestie au service de la domotique dont il livre une définition toute simple : « Allier confort et économie. » Économie d’argent, de temps et, plus encore, d’énergies. L’homme se nourrit de cette conviction profonde. Dans l’esprit d’un showroom, en travaillant avec plus de 300 fabricants, ses quartiers tout neufs à Quetigny font l’objet l’expérimentations domotiques. « Et même à la maison », concède dans un sourire ce Géo Trouvetou pour qui les nouvelles technologies n’ont rien à voir avec les gadgets de James Bond.

Moutons à cinq pattes

Sa jeune équipe est au diapason. Elle veut négocier au mieux l’évolution structurelle d’un secteur où il y aura plus que jamais besoin de « moutons à cinq pattes, jamais confrontés aux mêmes problèmes », encore plus dans le contexte d’une start-up. Les trajectoires des jeunes en apprentissage promettent d’être moins linéaires, ouvertes aux nouveaux métiers : « Nous préparons l’évolution du Bim* en interne, tout comme la programmation dans les installations et surtout la maintenance », avance Marc, dont le métier n’a en réalité plus rien de commun avec le forçat et sa clé de 12. Il revendique au contraire une certaine finesse et l’idée d’un artisanat ou, plus que jamais, « la tête et les mains travaillent ». Dans la même logique, un chef d’entreprise agit différemment. « Jeune, je le prenais pour un demi-dieu » sourit Marc, qui a adopté une approche décloisonnée, où le « meneur de jeu prend des décisions d’après ses constats et les informations qu’on lui fait parvenir, en toute confiance ». Les ingrédients utiles sont donc la volonté (« on a tous une pile sur le bureau qu’on n’aime pas faire ! ») et le sens du collectif. « Pour gagner aujourd’hui, il faut savoir partager », insiste le trentenaire, qui regrette que « chacun travaille un peu dans son coin alors qu’il y a de la place pour tout le monde ».

Hommes et de femmes

Cette volonté de cohésion se retrouve dans son engagement auprès de la Fédération Française du Bâtiment en Côte-d’Or. Celui qui préside la chambre des électriciens fait état, en toute transparence, d’un sentiment d’unité moins fort que dans d’aures corporations. Et les jeunes sont encore trop rares à franchir le Rubicon. Mais il ne désespère pas. Les choses vont bouger, doucement mais sûrement. C’est le travail quotidien de la FFB 21, où engagement, équité et éco-responsabilité sont au cœur du propos. « Je partage entièrement la vision de gens comme Frédéric Demongeot (le président de la FFB21) ou Emmanuel Chevasson (vice-président délégué et pdg de Pacotte & Mignotte), qui ne sont pourtant pas de ma génération », apprécie Marc Potier. Le Bâtiment est donc avant tout une histoire d’hommes et de femmes (mais si, de plus en plus !) prêts à retrousser les manches, forts de parcours d’apprentissages variés, dont les énergies créatrices seraient au service de l’autre. Ce n’est parfois pas une partie de plaisir, car notre pays est friand de réglementations en tout genre. Géo Trouvetou s’en accommode bien : pour lui, « nouvelle loi égale nouvelle opportunité ». Pas si étonnant, en fait.


* pour Building Information Model, un ensemble structuré d’informations sur un bâtiment, existant ou en projet. Il contient les objets composant le bâtiment, leurs caractéristiques et les relations entre eux.