Pascal Gautheron ou la reconnaissance d’un « ventre jaune »

La Bresse et le rugby lui ont donné force et engagement, de quoi construire un groupe implanté à Dijon, Lyon, Autun et Chalon, qui produit 10 000 fiches de paie par an. C’est ainsi que le « ventre jaune »* Pascal Gautheron a fait son entrée dans l’Ordre National du Mérite, ce vendredi, sous la présidence de François Rebsamen.

Par Dominique Bruillot – Photo : Christophe Remondiere

Ventre jaune » pur souche, le président du Stade dijonnais s’est servi des fameuses valeurs du rugby pour forger son destin d’entrepreneur.

« Moaaaa, présideeeennnt!! » Les désopilantes interventions d’avant-match du président du Stade dijonnais sont un classique chez les amateurs de rugby. Empruntant à Raymond Devos l’art de l’absurde et de l’autodérision, ce showman occasionnel a pourtant su tirer entre deux discours l’énergie suffisante pour construire Fimadev, un groupe représentant plus de 300 temps pleins. Ainsi est et restera Pascal Gautheron.
Une aventure humaine qui commence dès la petite enfance, chez papy et mamie, du côté de Saint-Vincent-en-Bresse : « Mes parents étaient artisans-boulangers et avaient du mal à s’en sortir, c’est au contact de mon grand-père artisan agriculteur que j’ai évolué dans ce grand terrain d’aventures qu’était pour moi la Bresse. » Ancien prisonnier de guerre, l’aïeul bienveillant lui confie un jour la plaque retirée du wagon qui l’a ramené d’Allemagne à la fin de la guerre. Fin de la première leçon de vie.
Cette plaque est aujourd’hui précieusement conservée sur le bureau du patron de Fimadev, pas très loin d’un ballon ovale. Les deux objets sont les symboles d’un parcours atypique que François Rebsamen a salué, ce vendredi soir, en lui remettant les insignes de l’Ordre National du Mérite.

« Maître de mon destin »

Le rugby révèle l’esprit d’équipe, le combat, la solidarité. Une révélation aussi, que l’homme doit à la Cité du Stade à Chalonsur-Saône. Après avoir échoué dans son affaire, son père était en effet devenu ouvrier-boulanger, sa mère femme de ménage. Pourtant, rien de grave à l’horizon : « À dix ans, quand tu débarques ici, tu trouves cette cité formidable, luxueuse : on avait enfin une vraie salle de bains à l’intérieur de l’appartement ! »
Dans un contexte de mixité sociale et de franche camaraderie, depuis l’immeuble qui fait face au stade, le petit Gautheron entend une bronca dominicale qui lui donne rituellement le frisson. Son père l’y conduira. Puis il prendra place dans l’équipe première du Racing Club chalonnais, pratiquant un rugby à l’ancienne avec les Tangos, « ces amis de toujours, ces frères de jeu ».
L’ancien talonneur analyse aujourd’hui avec le recul et un certain réalisme les raisons de cette belle expérience : « Je n’étais pas puissant mais technique. » Et se pare d’une certitude : « Le rugby m’a structuré, il m’a donné une force que je ne soupçonnais pas avoir en moi. »
Le rugby, encore et toujours lui, le poussera à délaisser la filière mécanique dans laquelle on l’avait placé malgré lui pour scruter d’autres horizons : « Grâce au Racing, j’ai pu faire mon service au lycée militaire d’Autun et me projeter ailleurs. »
Cet ailleurs sera l’intérim, chez Manpower, à Chalon puis à Dijon et passera par une licence de gestion. En 1988, alors qu’il n’a que 30 ans, l’Union Patronale de l’Yonne le repère et en fait son secrétaire général adjoint. Pascal Gautheron en profite pour décrocher un DESS marketing à l’IFG. « Je voulais être maître de mon destin ! » Il tiendra promesse, quitte à s’attaquer dix ans plus tard avec succès, à l’aube de la quarantaine, à un DESS de gestion. Apprendre chaque jour est une nécessité.

« Ça calme ! »

Il a donc au passage l’opportunité de racheter le petit Centre d’Affaires Plus avenue Maréchal Foch. 5000 francs d’investissement, un prêt pour le fonds de roulement accordé sur la bonne tête de son demandeur et une secrétaire à payer. Soit le début de la vraie entreprise à soi.
Puis la vie qui s’emballe et passe par la rencontre avec Debby, une jolie fille au pair venue du pays des tulipes, désireuse de se lancer dans la création d’un centre de traduction et d’interprétariat. Ce qui deviendra plus tard un centre d’appel à fort développement.
En 1995, tout ce petit monde s’installera au Petit Cîteaux. Deux enfants feront partie de l’aventure entrepreneuriale et familiale des Gautheron.
En 2017, Fimadev a un siège social solidement installé dans la zone des Varennes, pas très loin de la sortie Ahuy de la Lino. Son activité oscille entre le centre d’appel (CRC), la traduction (Inlingua), le travail temporaire (Excelliance) et les solutions internet (Fimainfo). C’est aussi 11 millions d’euros de chiffre d’affaires, 300 personnes à temps plein, des bureaux entre Dijon, Lyon, Autun et Chalon, 10 000 fiches de paie délivrées chaque année. Sans oublier un état d’esprit qui lui est propre.
Car la notion de service à l’autre est une constante pour le chef d’entreprise. Partageant depuis quelques années la conduite du Stade dijonnais avec Philippe Verney, l’ancien président du Medef départemental (de 2006 à 2012) est un partisan ferme de la défense de l’économie de marché qui lui a permis de prendre lui-même l’ascenseur social.
Lorsqu’il était aux responsabilités patronales, il lui fut même donné d’être au contact de quelques pontes du Cac 40. Un autre monde. « Ça calme et ça rend humble ! », résume le petits gars de la Bresse. À juste titre. Il y a toujours un horizon au-delà de son propre horizon. Et l’on doit toujours beaucoup à ses premières expériences. Pour un Bressan, cela pourrait bien s’appeler la  reconnaissance du ventre jaune ! *
* Pour celles et ceux qui oseraient encore l’ignorer, le ventre jaune est le nom donné aux Bressans non pas à cause du maïs qu’ils auraient mangé mais en raison des bourses de pièces d’or que les maquignons, de retour de la vente aux bestiaux, accrochaient à leur ceinture.