Samuel Peltier, hardi des Ardennes

Il est le nouveau directeur de France 3 Bourgogne-Franche-Comté. Samuel Peltier est non seulement le produit d’une passion dévorante pour l’audiovisuel public ; il souhaite secouer les ondes de son terrain de jeu régional sur la base de propositions osées et de quasi trente ans de métier. Le tout en restant « journaliste avant tout ». Car tel est le hardi des Ardennes.

Propos recueillis par Thomas Barbier
Photo : Christophe Remondière

Peut-on avoir l’extrait de naissance du petit Samuel ?

Je suis originaire de Rethel, le pays du boudin blanc (sourires). Né en 1971, une époque rêvée pour un enfant de la télé. J’en « mange » depuis gamin. L’arrivée de la TV couleur et le suivi assidu des programmes matinaux sont pour moi de grands souvenirs.

D’où vient cette inclination ?

À la maison, les actualités régionales étaient une sorte de messe avant la grand-messe du JT de 20h. C’est sans doute ce qui a fait « tilt » et m’a poussé au journalisme et a développé un goût pour l’info de proximité. En fait, à la base, je voulais être cadreur. J’étais fasciné par les coulisses. De fil en aiguille, tout ça a évolué…

Et le déclic ?

Au collège, en 6e. On nous a fait visiter la maison de la radio à Paris. Hyper impressionnant. Sur place, on nous a proposé d’assister à un direct de l’émission Atout cœur, avec Patrick Sabatier. Quand la prof a commencé à hésiter et dire que ce n’était pas prévu dans le programme, j’ai failli faire un malaise ! (sourires) Elle a finalement accepté et là, c’était une révélation. Je me suis lancé à 16 ans à Rethel FM pour faire les infos le matin pendant l’été. La veille du bac, en 1989, j’animais sur un podium la Fête de la musique ! J’étais à fond.

Arrivent les débuts à Radio France…

Je suis parti à Reims faire des études de droit, avec l’espoir d’accrocher une école de journalisme. Je passais souvent devant les locaux en vitrine de Radio France Reims. J’ai osé amener une cassette de mon interview de PPDA, l’enfant du pays qui revenait d’Irak pour rencontrer Saddam Hussein. J’ai passé une heure avec le directeur et j’en suis ressorti avec du boulot !

Carrément !

Il recherchait quelqu’un pour le magazine sport du week-end. Il m’a dit « vous aimez le sport ? »… évidemment j’ai répondu « ah oui, bien sûr ! » alors que ce n’était pas franchement ma tasse de thé (rires) J’ai mené cela de front à 19 ans, parallèlement à mes études. J’étais payé pour m’amuser, c’était une chance énorme !

Puis vous intégrez le « cousin » de Radio France, France 3…

Je me suis retrouvé à présenter la Météo à 20 ans puis à présenter le journal de FR3 Champagne-Ardennes quatre ans plus tard. J’ai ensuite pas mal vadrouillé à Nancy, Paris, Rouen, Reims à nouveau…

De quoi glisser progressivement vers l’encadrement ?

Oui, je suis retourné à Reims en 2005 pour un poste de rédacteur en chef adjoint. J’ai un peu hésité, l’encadrement c’est autre chose, on est un peu loin du terrain… Mais je me suis posé une question qui est revenue régulièrement dans ma carrière : « Pour faire quoi et avec qui ? » Et j’y suis resté jusqu’en 2010…

Et le début de l’histoire à France 3 Bourgogne, comme rédacteur en chef. Comment avez-vous digéré ce poste et les pressions qui peuvent l’accompagner ?

Très simplement. Ce qui nous protège, c’est l’objectivité et l’équité du traitement. Bien sûr, si on roule pour un camp, on nous tapera dessus et on aura bien raison. J’ai toujours veillé à me protéger de cela en faisant rapidement sentir qu’il n’y aurait pas d’emprise. Je veux bien qu’on m’engueule, mais on ne pourra jamais nous reprocher de faire notre métier.

Cette ligne directrice explique-t-elle votre nomination au poste de directeur régional pour succéder à Patrice Schumacher ?

Peut-être. Sans doute a-t-on senti aussi que j’étais attaché à cette région et celles et ceux qui la mettent en valeur à travers un vrai savoir-faire. Mais je ne pense pas à ce nouveau statut tous les matins quand je me rase. Avec Patrice, nous avons le même amour de la TV et la même vision de développer les programmes régionaux. Pour ne rien cacher, son départ fut un peu une douche froide pour nos équipes, mais son poste (ndlr, directeur des antennes et des programmes régionaux) ne se refusait pas.

Vous avez eu droit à un entretien avec la grande patronne, Delphine Ernotte…

Après plusieurs entretiens, effectivement. Il y avait une petite appréhension car on n’a pas tous les jours l’occasion de la rencontrer. Mais ma vie n’était pas en jeu non plus, je me suis mis aucune pression car rédacteur en chef m’allait très bien aussi, j’adore ce boulot. J’ai senti une femme forte, visionnaire, qui accordait beaucoup d’importance au maillage territorial de la chaîne. On ne gère pas 10 000 salariés en appuyant sur un ou deux boutons…

Pour vous, peut-on parler de « nouveau métier » ?

De nouveau statut plutôt. Mon métier, c’est journaliste et ça le restera. On m’a confié un titre et les responsabilités qui l’accompagnent mais ce qui n’a pas changé, c’est mon amour pour la télé. C’est mon moteur.

Y’a-t-il une « patte Peltier » ?

Ma ligne éditoriale, c’est l’actu et le plaisir d’en faire. Mine de rien, cela nécessite une grande souplesse et un sens de la véracité. Il faut que le journal reflète ce que les gens ont vécu ou vont vivre en Bourgogne-Franche-Comté. Je m’efforce de garder le contact avec les équipes depuis mes bureaux dijonnais ou bisontin.

On sent une montée en puissance avec cette nouvelle grille de rentrée…

Les chiffres sont bons, notamment pour la matinale. En national, la case représente en moyenne 2,5 % d’audience. La première semaine, la matinale de Pascal Gervaize a fait 6,6 % et est montée jusqu’à 10 % la deuxième. Nous avons aussi renouvelé notre magazine dominical d’aventures et de découvertes (C’est là) avec Gaëlle Grandon, et notre Dimanche en politique s’exporte au moins une fois par mois comme la dernière sur le site d’Alstom à Belfort.

Au bout du compte, que pèse France 3 BFC ?

240 salariés dont quasiment 80 journalistes, de l’administratif, du personnel technique… Nous produisons une bonne quinzaine de documentaires par an sur les 250 à l’échelle nationale. On a besoin de cette fenêtre ouverte sur la création, cela fait partie de nos obligations en tant que service public. Cela représente la plupart du temps des paris, c’est aussi notre rôle. La télé régionale existe pour ça, c’est un miroir de notre territoire !