Thouard, bulles beaunoises

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Autour de la Vente des Hospices de Beaune, il y a la fête populaire. Cette 153ème édition débute aujourd’hui avec quelques personnalités en vue. L’auteur et illustrateur Jean-Louis Thouard va ainsi partager la vedette avec Nicolas Peyrac, Cali, Mathieu Johann et Alex Kemyz. Le « régional de l’étape », sans doute le moins « people » de la bande, n’est sûrement pas le moins talentueux. Une raison de plus pour s’intéresser à sa dernière production, La somnambule. Lire ci-dessous l’article paru dans le dernier numéro de Bourgogne Magazine, sous la plume alerte de Emmanuelle de Jesus.

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Textes : Emmanuelle de Jesus / Agence ProScriptum – Photo : DR

Pulp Boston en bulles

Le dessinateur dijonnais Jean-Louis Thouard signe, avec Stéphane Michaka, l’adaptation du polar The Sleepwalker d’Helen McCloy sous le titre La Somnambule. Suspense et psychologie torturée côté scénario, dessins et encrages volontairement sales pour une atmosphère entre comics Pulp et fantastique : l’héroïne de cet album est peut-être amnésique, mais elle laisse des souvenirs.

Jean-Louis Thouard vit dans la banlieue de Boston, au milieu des années 70 (Faux : il vit dans la périphérie de Dijon et tout porte à croire que je l’ai rencontré il y a deux semaines). OK. Reprenons. Disons alors que le dessinateur Jean-Louis Thouard vient de passer deux ans à Boston en 1974 en compagnie d’une blonde hitchcockienne du genre « feu sous la glace ». La demoiselle craque pour une Ford Mustang (on la comprend) mais depuis Gainsbourg on sait que les histoires qui commencent en Ford Mustang finissent mal, en général. Et bang ! Ca ne loupe pas. Marian (c’est la blonde) s’aperçoit qu’on lui a piqué sa voiture pendant la nuit. Et ramenée au petit matin, crasseuse et encombrée de mégots. Or Marian ne fume pas. Mais elle fait des rêves bizarres qui remplacent tant bien que mal les souvenirs qu’elle n’a plus…

La Somnambule est d’abord un polar, écrit en 1974 par Helen McCloy, à l’origine journaliste et critique d’art. L’histoire est tordue à souhait : de quoi donner des envies au dessinateur qui prouve depuis des années son attrait pour le côté obscur de la vie, le fantastique et l’onirisme angoissant (voir par exemple son travail sur les Histoires extraordinaires d’Edgar Allan Poe). Dans La Somnambule, il s’est attaché à traduire graphiquement la trajectoire plutôt sombre de Marian, l’héroïne amnésique. « Ce qui me plaît, explique-t-il, c’est d’aller au-delà du roman. Tirer les situations, les émotions, les sensations, au point le plus extrême. » Au final, les plans en plongée et contre-plongée, les cadrages décentrés, les couleurs volontairement crades et l’utilisation de filtres tramés forment une atmosphère étrange, façon Pulp US – ces comics bon marché que l’on trouvait aux drugstores –, nimbée comme souvent chez Thouard d’érotisme inquiétant ; mentions spéciales aux pages centrales, où Marian commence à entrevoir la vérité (une scène flippante qui évoque autant Eyes Wide Shut, de Kubrick que Kill Bill de Tarantino) et surtout à l’épilogue qui, malgré des couleurs joyeusement solaires, vous serre le cœur… un peu comme celui du dessinateur, au fait, qui après deux ans de liaison, laisse partir Marian avec un brin de mélancolie. Bon, briser les cœurs, c’est le destin des héroïnes hitchcockiennes, vous me direz. Mais quand même…

* La Somnambule, scénario de Stéphane Michaka et dessins de Jean-Louis Thouard, chez Casterman, 18 euros. L’album est sélectionné parmi les livres qui concourent au Prix des lycéens et apprentis de Bourgogne 2013-2014, catégorie BD.

 Pour voir Jean-Louis Thouard et ses nouveaux amis àBeaune
– Vendredi à 19 heures : lancement des trois glorieuses
– Samedi 14h15 : inauguration officielle du village bourguignon
– Dimanche 11h15 : intronisations de la confrérie de Belnus