« Viande de France »: le logo tricolore va-t-il rassurer ?

Après la viande bovine et porcine, ce sera bientôt au tour des ovins d'avoir leur propre label estampillé "Viande de France" © Studiomag/Montage Fotolia
Après la viande bovine et porcine, ce sera bientôt au tour des ovins d’avoir leur propre label estampillé « Viande de France » © Studiomag/Montage Fotolia

Un nouveau logo va faire son apparition dès mars sur les lots de viande ou les produits carnés : le label « Viande de France ». Déjà présent sur la viande bovine et porcine, ce label garantit une viande provenant d’animaux élevés, abattus et transformés en France exclusivement. Il est assorti de garanties sanitaires, environnementales, de respect du bien-être animal et de la protection sociale des salariés. Un an après le scandale des lasagnes de bœuf 100% équine, ce logo (basé sur le volontariat des producteurs) est censé rassurer le consommateur. J’en parlerai à mon cheval.

Mardi, une brochette de ministres (Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, Guillaume Garot, ministre délégué à l’agroalimentaire et Benoît Hamon ministre de l’économie sociale et solidaire et de la consommation) assorti des chefs de file des filières professionnelles (représentant les producteurs de viandes de bœuf, cheval, mouton, lapin et volaille) annonçaient le sourire gourmand qu’un nouveau logo ornerait bientôt (à partir de mars selon les prévisions), les lots de viande ou de produits carnés : le label Viande de France. Tricolore comme il se doit et décliné à l’effigie de la bestiole emballée, il garantit une viande provenant d’animaux « élevés, abattus et transformés » exclusivement en France. Pour Stéphane le Foll, ce label offre même « une double garantie »: outre l’origine des produits, il certifie le respect de normes sanitaires, environnementales, de respect du bien-être animal et de la protection sociale des salariés. Toutes choses que l’on croyait légitimement aller de soi, mais il semble que non. Et ce ne sont pas les lasagnes étiquetées 100 % bœuf  dont l’ADN aurait pu courir le Quinté qui diront le contraire…

600 000 emplois en jeu

Restons lucides : si la consommation de viande n’avait eu que peu à souffrir des scandales à répétition pesant sur les filières (depuis les vaches zinzins des années 1990 jusqu’aux chevaux de laboratoire réputés impropres à la consommation et écoulés dans des boucheries fin décembre 2013, le tableau n’est pas joli-joli), il est fort probable que de garanties sanitaires renforcées et de bien-être animal, on s’en serait battu les steaks. Mais voilà : depuis plusieurs années, la consommation est en baisse constante. Plus ennuyeux quand on y regarde de près : certes, les Français mangent globalement moins de viande, mais ils consomment davantage de viande importée. Selon une étude du ministère de l’Agriculture rendue publique mardi (le jour des logos), le déficit commercial des produits à base de viande de 852 millions d’euros s’est accru de 140 millions du fait d’importations en hausse de 122 millions et d’une baisse des ventes de 16 millions d’euros. Or, de la production à la commercialisation, ce sont 600 000 emplois en jeu : La France possède le premier cheptel bovin d’Europe, elle est aussi le premier producteur de volailles et le troisième producteur de porcs de l’Union.

Consommateur : est-ce que le logo motive ?

Foin de chiffres, mais on l’aura compris : faut qu’ça saigne, comme chantait Boris Vian, mais faut qu’ça saigne français ! Là où le bât blesse, c’est que la France est aussi membre actif de l’Union européenne : pas question donc d’introduire une discrimination entre les états sur le mode de production des viandes et de créer une entrave à la libre concurrence. La démarche pour les producteurs sera donc basée sur le volontariat, pas sur une quelconque obligation. Or il ne faut pas se leurrer : souscrire à un mode de production 100%, respectueux et socialement correct va nécessairement induire un surcoût sur le produit final. Un surcoût d’étiquetage, mais aussi, particulièrement pour les produits transformés, l’impossibilité pour les fabricants et les distributeurs de se balader sur les marchés européens à la recherche de la bonne affaire… Au final, une tentative d’assainir la filière oui, mais aussi un coup marketing qui ne portera ses fruits que si le consommateur suit. Or, le pouvoir d’achat est en berne et un énième logo ne sera pas forcément très clair: aujourd’hui, les emballages disparaissent déjà sous des étiquettes et des labels plus ou moins fantaisistes, quand ce n’est pas la tronche béate de l’éleveur posant façon L’Amour est dans le Pré que l’on y voit… Alors ce logo : gadget ou gage d’avenir pour la filière viande ? Réponse dans quelques mois.