À Alésia, les Mandubiens vous saluent bien

Il est Bernard Bouquain pour l’état civil, et Artos pour les initiés. Ce brave moustachu a pris le nom d’un chef gaulois en 2011, lorsqu’il a créé Mandubii, une association de reconstitution en hommage aux Mandubiens. Ce peuple qui habitait ici, sur les hauteurs de l’Auxois, coincé entre Lingons et Éduens. Rencontre.

Par Michel Giraud 
Pour Dijon-Beaune Mag #71

Bernard Bouquain est arrivé dans le coin presque par hasard, en 1976 : « Je travaillais à La Poste, j’ai été muté ici, au cœur de l’Auxois. » Son esprit curieux se met rapidement en action, Alise-Sainte-Reine d’abord, Alésia ensuite, la bataille… forcément : « J’ai beaucoup lu, j’ai aussi suivi de très près le projet du MuséoParc. Et le jour de l’inauguration, j’ai découvert qu’une association d’Amiens avait été conviée pour présenter des reconstitutions aux invités. Une équipe très bien structurée. Je me suis dit qu’il était vraiment dommage de ne rien posséder de tel localement, alors j’ai créé une association loi 1901. » Les Mandubii étaient nés.

L’homme qui marche

Mandubii, c’est le nom romain des Mandubiens, ce peuple gaulois qui vivait jadis sur les hauteurs de l’Auxois : « Ce n’est pas avéré à 100 %, précise Artos, mais nous en sommes convaincus. J’en veux pour preuve les trous de poteaux retrouvés sur le Mont Auxois, ou les écrits de César. Ce peuple a disparu – en fait, un dégât collatéral de la bataille d’Alésia, ils étaient au mauvais endroit : quand Vercingétorix arrive dans l’Auxois, il a besoin de nourrir des dizaines de milliers de soldats et leurs chevaux ; il a rapidement épuisé les richesses des Mandubiens, ils ont fuit et se sont retrouvés coincés entre la première ligne de défense de César et l’oppidum. » On apprend au passage que ce peuple venait à l’origine de Belgique. « Mandubien, ça veut dire « l’homme qui marche ». On a également retrouvé leurs traces en Italie, jusqu’en Grèce. Ils étaient forgerons, étameurs, ils travaillaient très bien le bronze. Il existe quelques monnaies mandubiennes, grâce auxquelles on a compris qu’ils faisaient beaucoup de commerce avec les Lingons du côté du Plateau de Langres. On sait également qu’ils étaient les vassaux des Éduens. »

Orgetos, Cattos, Perceveratos, Nartia…

Aux côtés de Bernard, Éric, Catherine, Denis, Céline (ou plutôt Orgetos, Cattos, Perceveratos et Nartia) œuvrent au quotidien pour faire connaître ce peuple. Les uns sont passionnés d’histoire, les autres d’archéologie. Comme les Mandubiens, ils ont fédéré autour d’eux plusieurs artisans, histoire de revivre à l’identique le quotidien des gaulois, ces « grands cultivateurs ». À Marigny-le-Cahouet, un membre des Mandubii possède d’ailleurs un jardin antique, « sur lequel nous construisons depuis deux ans un grenier gaulois que nous allons couvrir de paille dans les prochaines semaines. En fait, le côté guerrier des Gaulois nous intéressait moins que leur vie quotidienne. » L’équipe possède même son propre druide ! Venu de Bussy-le-Grand, il joue aussi les bardes à grand renfort de lyre : « On s’aperçoit, au hasard des nos actions, que les Mandubiens sont très peu connus, hormis par les gens d’Alise-Sainte-Reine. Ils ont vraiment été rayés de la carte… Modestement, on redore leur blason pour qu’ils ne tombent pas dans l’oubli… » Les Mandubiens vous saluent bien !
Ils sont une cinquantaine dans l’association, dont moitié constituent le noyau actif. Celui-là même qui, chaque année, monte un camp gaulois, cuisine quelque nourriture celte, invite les Côte-d’Oriens à de festives journées portes ouvertes… Régulièrement, ils rencontrent conservateurs du patrimoine, archéologues et historiens, pour affiner leurs reconstitutions et leur discours de vulgarisation. « Cela va bien au-delà des simples gestes et savoir-faire, notamment auprès des plus jeunes, conclut Artos. On leur apprend par exemple que la langue française est composé de 154 mots gaulois encore très présents, au premier rang desquels le chêne, le hêtre ou le frêne. » Indispensable transmission.