Foncier viticole: si cher aujourd’hui, et demain?

Le château de Meursault depuis le vignoble © Clement Bonvalot
Le château de Meursault depuis le vignoble © Clement Bonvalot

Avec son éclairage sur les transactions spectaculaires dont la Bourgogne fait actuellement l’objet, le Figaro Magazine donne de la Bourgogne une vision assez élitiste. C’est peut-être oublier que ce genre de phénomène n’est pas irréversible. Le terroir et la raison sont toujours aux commandes au bout du compte. Si cher aujourd’hui, le foncier viticole le sera-t-il tout autant demain?

Par Dominique Bruillot

Le Figaro magazine, dans son édition d’hier, met la lumière sur un phénomène que nous connaissons bien en Bourgogne: la dérive du foncier viticole, provoquée notamment par des transactions de plus en plus affolantes. Ce qui fait de la région une « star » la fragilise tout autant. Quand le prix de l’ouvrée atteint le million d’euros, comme sur le terroir du montrachet, c’est en vérité toute la tradition de la succession, fondamentale dans un terroir comme le nôtre, qui est menacée à terme.

Dans le même temps, les grands crus de la Bourgogne deviennent des produits de luxe très recherchés sur les marchés émergents comme l’Asie et la Russie, servis dans leur envolée par leur rareté et la faiblesse des récoltes des derniers millésimes. Le rêve pour certains, la déraison pour d’autres. Une tendance qui, on le constate de plus en plus, fait des vagues jusque dans les appellations villages et les génériques, au risque de désolidariser la population bourguignonne, plus vraiment en phase avec les tarifs pratiqués, de son propre vignoble.

Ni blanc, ni noir

Le Figaro Magazine explique avec justesse comment un François Pinault et un Bernard Arnault, rivaux devant l’Eternel, se tirent la bourre pour devenir propriétaires dans nos vignes, avec un avantage certain pour le premier des deux, qui a acquis depuis longtemps le domaine tenu par le regretté Philippe Engel. Il revient sur l’acquisition du château de Pommard par l’entrepreneur Maurice Giraud sans vraiment souligner, au passage, que celui-ci a véritablement construit un temple de l’œnotourisme qui fait référence aujourd’hui. Il remet en mémoire l’acquisition par un chinois du château de Gevrey, en oubliant un peu, au passage, que cette opération a permis avant toute chose de sauver un monument historique menacé par le temps.

Tout n’est pas noir, tout n’est pas blanc dans cette histoire, fort heureusement. Les châteaux de Meursault et Marsannay sont autant un pari œnotouristique que viticole. Leur reprise en main présente bien des avantages, surtout d’un point de vie œnologique sur les terroirs de Marsannay. On voit aussi, en côte de Beaune, certains prestigieux domaines (comme la Pousse d’Or) qui ont été repris avec un véritable souci de l’ancrage régional.

Le phénomène de la « pipolisation » de la Bourgogne est en marche, certes, mais il n’a pas encore bousculé les règles historiques d’une région qui sait, la première, que la situation peut changer dans un sens comme dans l’autre. Il y a quelques décennies, le vigneron appartenait avec humilité à la caste populaire des gens travaillant la terre. Cette dernière aura toujours la force de le rappeler à l’ordre le moment venu.

Le palmarès des domaines qui font rêver les grandes fortunes publié par le Figaro, à commencer par celui de la Romanée Conti, peut bien donner le tournis à l’heure qu’il est. Rien ne dit pour autant que cela durera aussi longtemps que les impôts. Les éléments extérieurs qui peuvent agir sur le destin du foncier (réglementation, modes de productions, tendances aussi…) ne manquent pas. Seul l’avenir a la réponse.

 

Retrouvez les différents articles publiés par le Figaro :

La Bourgogne : le nouvel eldorado des grandes fortunes 

Les cinq propriétés les plus convoitées de Bourgogne

Les petits bijoux de Bourgogne