Knecht, since 1935

De la sellerie d’avant-guerre à la carrosserie de Saint-Apollinaire, trois générations de Knecht se succèdent avec le même état d’esprit. Derrière la belle histoire initiée il y a plus de 80 ans, Charly Knecht et son épouse Audrey expliquent où se situe la réalité d’une entreprise de plus en plus multitâches.

Par Alexis Cappellaro
Pour Dijon-Beaune Mag #69
Photos : Christophe Remondière

Il s’est un peu débattu, au début, pour voler de ses propres ailes. Jeune, Charly Knecht a voulu emprunter un autre chemin que celui de la carrosserie. Il a fini par y revenir, sans regrets, « bien aidé par mon grand-père, qui m’a fait comprendre que je ne pouvais pas lui faire ça », sourit encore le jeune quadra.

Il y avait en effet une belle histoire à étirer. Au commencement était Jean Knecht : en 1935, le grand-père de Charly lance son activité de sellier-bourrelier et prospère grâce à son invention brevetée, Rigitex. Les sacoches rigides en simili cuir à l’arrière des vélos, transportables à l’envi, c’est lui ! C’est aussi lui qui, sentant le vent de l’automobile arriver, se positionnera avec ses frères sur le secteur. Rue Sadi Carnot, la fratrie posera les bases de l’une des plus grosses carrosseries de France, comptant une cinquantaine d’employés au plus fort de son activité.

Duo complémentaire

Vint ensuite Maurice, dans les années 90. Le papa de Charly prit la suite de l’entreprise en développant notamment un véritable arsenal automobile, avec quantité d’accessoires pour particuliers et professionnels. Du jamais vu. « Encore aujourd’hui, on s’amuse de voir des personnes d’un certain âge nous demander des autoradios, des porte-skis, des porte-vélos, alors qu’il y a bien longtemps que nous ne faisons plus cela », note Audrey. Chaque génération a donc sa marque de fabrique. Charly n’échappe pas à la règle et, en 2008, il devient à son tour dirigeant. Lui et sa femme forment un duo complémentaire : elle se nourrit de sa première vie dans l’événementiel, auprès d’EMA notamment, lui fixe le cap d’une entreprise presque devenue institution.

La carrosserie, sise rue de Cracovie, est aussi rangée que son impeccable barbe. Tout semble neuf. Contraint et forcé de repartir de zéro ou presque après un incendie en 2009, le couple a créé un espace accueillant, permettant « une expérience client fluide, avec une ouverture sur l’atelier pour garantir une transparence et défiltrer l’aspect technique ; j’y tiens ». On est donc bien loin du « carrossier peu aimable, qui vous accueille entre deux voitures, les mains pleines de cambouis ». Ce cliché qui colle à la calandre, « la profession en est responsable, dans le sens où elle n’a pas toujours su se valoriser et se mettre au goût du jour ».

Tout-en-un

Les temps ont pourtant bien changé. Modestement, Charly Knecht concède volontiers avoir « pris des virages importants » pour maximiser la rentabilité, « mais jamais au détriment de la qualité ». Ce qui n’est pas une mince affaire, le secteur devant composer en réalité avec « des taux de marge faibles, cette activité coûtant cher ». Il faut aussi affronter au quotidien les nouveaux enjeux : « Contenter le client toujours plus vite, se positionner sur du tout-en-un en se diversifiant, mais avec un équilibre difficile car le risque est de s’éparpiller et diluer notre savoir-faire. » 

Knecht vit ainsi avec son temps : l’entreprise fut un des premiers carrossiers à proposer des véhicules de prêt, du débosselage sans peinture, des remplacements de pare-brises, le tout sous la bénédiction des réseaux A+ Glass et Axial. La maîtrise des technologies de pointe n’est pas laissée de côté : gestion de l’électronique embarquée, habilitation à prendre en charge des véhicules hybrides et électriques (les normes de sécurité sont très strictes)…

Dans le fond comme dans la forme, le carrossier respecte « au millimètre près » le cahier des charges de chaque constructeur. Ce savoir-faire permet un rythme soutenu, à raison d’une bonne trentaine de véhicules par semaine, ce qui permet des prix avantageux, « nos taux horaires n’ayant rien à voir avec la concurrence ». 

Se distinguer

La patte Knecht, c’est aussi l’art de se distinguer. Charly trouve le temps de parfumer les voitures avant de les rendre au propriétaire. Audrey cultive une singularité avec une activité marginale de peinture industrielle sur objets de déco. Une activité au bout de laquelle la pétillante brune semble trouver un retour aux sources épanouissant. À l’accueil ou les mains dans le cambouis administratif (le nerf de la guerre, le vrai !), elle est à l’aise partout et connait par cœur l’histoire familiale. Elle et lui savent qu’ils peuvent compter sur leur 15 employés. « La main d’œuvre qualifiée se fait de plus en plus rare, observe à regret le dirigeant. Il n’y a qu’à voir le désintérêt des jeunes pour les CFA, ce qui est vraiment dommage. » Pas hypocrite, Charly Knecht joue le jeu à son échelle. Il compte six apprentis du CFA La Noue en carrosserie-peinture et mécanique, « dont deux filles, c’est important de le souligner ».

Cette féminisation n’est pas de trop pour affronter un avenir plutôt incertain. Le nouveau destin de l’automobile, « que l’on chasse des centre-villes, et dont on gomme l’aspect passionnel », les technologies intelligentes, le désamour qui entoure à tort la profession… « On ne sait jamais de quoi sera fait notre avenir »,  conclut le chef d’entreprise, qui connait déjà très bien son passé. Ce qui n’est pas une mauvaise base, parole de Knecht.