60 000 Rebonds : la vie après une liquidation judiciaire

L’association nationale 60 000 Rebonds, représentée en Bourgogne-Franche-Comté par Sophie Gauthey, aide les patrons dont l’entreprise a été liquidée. Un accompagnement individuel et collectif, pour surmonter l’échec et s’inscrire dans de nouvelles perspectives.

Sophie Gauthey, responsable de 60 000 Rebonds Bourgogne-Franche-Comté, une association implantée à Dijon, Besançon et Chalon-sur-Saône. © Jean-Luc Petit / DBM

Le sujet demeure d’une brûlante et douloureuse actualité : avec 57 729 procédures ouvertes en 2023 en France, le nombre de défaillances d’entreprises est en augmentation de près de 36 % par rapport à 2022, année qui enregistrait pourtant déjà une hausse historique proche de 50 % (données Antares). Pire, la tendance est à l’accélération avec 16 820 procédures au 4e trimestre 2023, l’un des plus mauvais de ces trente dernières années. La situation régionale s’inscrit exactement dans la même dynamique : avec 2 059 procé-dures ouvertes en 2023, le nombre de défaillances en Bourgogne-Franche-Comté est aussi en augmentation de 36 % par rapport à 2022. 

Coachs et parrains bénévoles

Derrière ces chiffres, les faillites d’entreprises se doublent de dégâts humains considérables, avec leur cohorte de chômage et de difficultés financières. Les patrons, à cet égard, sont loin d’être les mieux lotis. « Un patron d’entreprise liquidée ne touche pas le chômage. Il peut prétendre, depuis peu, à l’allocation pour les travailleurs indépendants (ATI), voire au revenu de solidarité active (RSA), soit environ 850 € par mois pendant 6 mois pour l’ATI. C’est très peu », note Sophie Gauthey, responsable de 60 000 Rebonds Bourgogne-Franche-Comté.

C’est justement pour pallier ce manque de structure d’accompagnement post liquidation que Philippe Rambaud, un entrepreneur bordelais ayant perdu son entreprise en 2008, a eu l’idée de créer l’association il y a douze ans. L’antenne Bourgogne-Franche-Comté, mise en place il y a deux ans, compte trois implantations, à Dijon, Besançon et Chalon-sur-Saône. Toutes s’adressent à des patrons d’entreprise liquidée, sur la base du volontariat. « Il s’agit d’une démarche personnelle de l’entre-preneur, nous n’allons pas le chercher. Ce sont souvent les chambres de commerce et d’industrie, les tribunaux de commerce qui lui parlent de nous », détaille la responsable. 

Dûment agréé par un comité d’engagement, l’entrepreneur bénéficie d’un accompagnement totalement gratuit, qui peut durer jusqu’à deux ans. Il est accompagné par un coach agréé et bénévole, pour évoquer les aspects personnels de la reconstruction, et d’un parrain ou d’une marraine pour l’aider à définir un nouveau projet professionnel.  « Le coach aide à panser les plaies, à réparer, à sortir de la spirale négative pour réécrire son histoire, positivement. Le parrain apporte, lui, une vision plus tournée vers le marché, et la stratégie, ce qui n’est pas moins déterminant pour l’après », analyse Marie-Anne Cloarec, qui a bénéficié pendant deux ans de l’accompagnement de 60 000 Rebonds. 

À ce binôme personnel s’ajoutent des réunions collectives mensuelles, dans les locaux de la CCI. « Ces réunions permettent de rencontrer des experts, bénévoles eux aussi, qui peuvent fournir des conseils en matière juridique, financière, de ressources humaines. Nous avons même un mandataire judiciaire qui intervient », détaille Sophie Gauthey. 


« Un patron d’entreprise liquidée ne touche pas le chômage. Il peut prétendre, depuis peu, à l’allocation pour travailleurs indépendants (ATI), soit environ 850 € par mois pendant 6 mois. C’est très peu. »

Sophie Gauthey, responsable de 60 000 Rebonds Bourgogne-Franche-Comté

Aider à se reconstruire

L’intérêt premier du dispositif demeure de briser l’isolement dans lequel plonge souvent l’entrepreneur mis en échec. Le regard bienveillant, et l’absence de jugement permettent une reconstruction rapide et évitent les principaux écueils de ces périodes difficiles, désignés en interne par les « 3 D » : dépôt de bilan, divorce, dépression. Si chaque histoire demeure unique, les personnes partagent souvent une forme de sentiment de honte. La culture française, on le sait, ne regarde pas l’échec comme un pas vers la réussite. 

« À leur première réunion, les entrepreneurs arrivent souvent tête baissée, très timides, voire un peu honteux. Ce qui me rend à chaque fois joyeuse, c’est de les voir redresser la tête au fil des réunions, arriver avec le sourire, exposer leurs projets… Ils reprennent vie tout simplement », se félicite la responsable régionale. L’action de l’association se mesure aussi au succès des parcours de reconversion qu’elle encadre : « 95 % des personnes que nous accompagnons retrouvent une activité, généralement au bout d’un an environ. Les deux tiers d’entre eux s’orientent vers le salariat, le tiers restant recommence malgré tout un projet entrepreneurial. »

Aidée par l’association 60 000 Rebonds, Lucile Vukovic a été choisie pour l’opération nationale « 101 femmes entrepreneures » grâce à son nouveau projet entrepreneurial.

Lucile Vukovic : « J’ai trouvé une famille que je ne veux plus quitter »

Fondatrice d’une société spécialisée dans l’organisation de festivals autour de thèmes liés au fantastique, Lucile Vukovic est mise en difficulté par d’importants investissements consentis pour assurer la sécurité incendie de ses locaux. « J’ai été dépassée et me suis rapidement retrouvée dans l’obligation de liquider ma société en mars 2023. » La CCI l’oriente alors vers 60 000 Rebonds Bourgogne-Franche-Comté. « Du jour au lendemain, les choses ont changé. Je n’étais plus seule, mais entourée d’une humanité incroyable, de bienveillance et d’altruisme. » Chacun des éléments d’accompagnement trouve grâce aux yeux de la jeune femme. Le coaching personnel l’a aidée à trouver un cadre, et à capitaliser sur ses émotions. La phase de parrainage lui a permis de concevoir son nouveau projet entrepreneurial. Et les réunions collectives de toucher un vaste réseau, qui s’est avéré capital pour élargir l’assise de ses plans d’avenir.

Le nouveau projet de Lucile, un concept novateur autour d’un tourisme d’affaires mâtiné d’histoire, lui vaut même d’être sélectionnée pour la Côte-d’Or comme l’une des « 101 femmes de Matignon », une initiative du ministère de l’Égalite entre les hommes et la femmes et de la Lutte contre les discriminations qui, avec le concours de Bpifrance, valorise des femmes entrepreneures issues des 101 départements français. Très occupée par ce nouveau défi, Lucile ne compte pas pour autant déserter les rangs de 60 000 Rebonds : « J’ai trouvé une famille que je ne veux plus quitter. Ils ne se débarrasseront pas de moi si facilement, j’espère bien devenir à mon tour marraine pour aider les autres. »

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