Une dégustation dans un domaine en pleines vendanges ? Henri Gouges dit oui !

À Nuits-Saint-Georges, le domaine Henri Gouges inaugure cet été son espace dégustation. DijonBeaune.fr y est passé en pleines vendanges. Un événement intéressant dans le contexte d’une « riviera » bourguignonne qui doit garder le contact avec son environnement.

Moment de dégustation privilégié des vins du domaine Henri Gouges à Nuits-Saint-Georges. © Baptiste Paquot

12 septembre, 14h15. C’est le rush des vendanges à Nuits-Saint-Georges. Le dos courbé dans Les Vaucrains, le domaine Henri Gouges s’attaque à 15 hectares d’un parcellaire exclusivement nuiton. Grégory et Antoine Gouges sont comme tous les vignerons en ce moment, ils ont le corps et l’esprit occupés. Cependant, les cousins ont réussi à mettre en place, depuis le mois de juillet, les conditions idéales pour un accueil au domaine, quelles que soient les circonstances.

Un espace dégustation occupe désormais une partie de l’ancienne demeure du charismatique Henri Gouges (1889-1967), précurseur des AOC viticoles. Classe et sans artifice, la réhabilitation est à la hauteur des vins. Elle joue la carte du local, des peintures de leur voisine Joyce Delimata aux beaux sets de dégustation signés Le Menuisier de la Cave (Premeaux-Prissey). Vinie Graffiti, la première à avoir posé un jet de spray sur les murs de La Karrière en 2016, est venue habiller un pan de mur. Grâce à la street artiste, les dégustateurs sont couvés par les beaux yeux d’une créature afro-viticole.

Le lieu peut accueillir sans problème une vingtaine de personnes, avec ou sans rendez-vous, du lundi au samedi, autour de trois formules (20, 45 ou 75 euros) très bien calibrées, qui permettent un voyage au fil des climats et des millésimes : 2021 (La Perrière, Les Cailles), 2019 (Clos des Porrets, Pruliers), 2018 (Vaucrains) et, saint des saints parmi les premiers crus nuitons, le Saint-Georges en 2016.

Viviana Jaimon est au service de chaque visiteur. Cette amoureuse du vin, originaire d’Argentine et totalement acculturée à la Bourgogne, rythme la dégustation dans son style pétillant (et en quatre langues !), assistée du jeune Simon. La formule laisse une large place à l’échange et à l’improvisation.

Moment de visite et dégustation à la maison Gouges, rue du Moulin. Au bout de l’expérience, si le cœur lui en dit, l’amateur peut acheter quelques bouteilles parmi une large sélection. © Baptiste Paquot

Elliot and Alden from Los Angeles

Cette proposition place la pédagogie au centre du verre. L’accessibilité est le maitre mot de la maison. Les Gouges n’avaient pas besoin de cela pour faire tourner la boutique. Le domaine, faut-il le rappeler, est une référence bourguignonne de longue date. Il exportait une belle part de sa production dès les années 1960. « Les gens connaissent nos vins partout dans le monde, traversent les océans pour les goûter sur place, sonnent et trouvent portes fermées », regrettait Grégory Gouges, qui ne tolérait plus ce risque croissant de Bourgogne bashing et de déconnexion avec son territoire d’appartenance, dans un contexte de spéculation planétaire. La maison Gouges accueille désormais l’ami nuiton comme l’Américain en goguette. 

En ce 12 septembre, ce fut justement le cas d’Elliot et Alden. Ces cousins sont venus de Los Angeles pour découvrir la Bourgogne qu’ils voient dans les magazines. Le premier est un amateur éclairé, fan des vins du domaine. L’autre aimerait bien qu’on lui raconte l’histoire du fameux pinot Gouges, ce pinot blanc « mutant » en terres de rouges. Leur trip d’une semaine passe par un pique-nique à Chablis, un saut à la Roche de Solutré, un repas à La Goutte d’Or de Meursault… et si possible une visite de domaine. Pas simple en ce moment…

« Fuck off » en Mâconnais !

Le duo a bien essayé la veille, en se présentant poliment chez un vigneron réputé du Mâconnais. Il a reçu en retour un « fuck off ! ». Pas découragés par cette hospitalité bourguignonne, Elliot et Alden se sont donc tournés vers Nuits-Saint-Georges. Pour leur plus grand bonheur. Venu lui aussi découvrir la maison Gouges, le spécialiste anglais Bill Nanson, auteur du très suivi Burgundy Report, s’émeut de voir « qu’un domaine aussi réputé est capable de recevoir en pleines vendanges ». Pour en visiter entre 300 et 400 chaque année dans toute la Bourgogne, Bill mesure la rareté de la proposition. 

Plus loin, un guide spécialiste des wine tours partage la dégustation avec une cliente maltaise, en admiration devant son verre de Vaucrains. À une table voisine, un Néo-Zélandais ami du domaine veut en profiter pour apprendre le français et tient à vivre la dégustation dans notre langue. Aux petits soins, incollable sur l’histoire et la philosophie du domaine, Viviana ne perd pas une goutte de ces moments de partage. « Chaque rencontre est unique », apprécie la maitresse des lieux, qui pourrait bien finir par faire évoluer gentiment sa proposition. Après tout, quelques gougères (de Nuits évidemment) et autres produits locaux seraient les bienvenus ici. Tout comme la possibilité d’étirer le plaisir autour d’une bouteille sur place. Les Nuitons eux-même auraient donc des raisons supplémentaires de s’approprier les lieux… Vendanges ou pas, d’ailleurs !


7 rue du Moulin à Nuits-Saint-Georges. Lundi (14h-18h), du mardi au samedi (10h-13h / 14h-18h). Fermé le dimanche. 03 80 61 04 40