Côte-d’Or, un avenir bien doré ?

Ne laissant pas place au pessimisme ambiant, les acteurs politiques de la Côte-d’Or envisagent un avenir sagement doré pour leur département, François Sauvadet en tête. Tourisme, économie traditionnelle, initiatives, agriculture, environnement social: point par point, prenons le temps d’imaginer ce que sera demain. Avec la certitude que l’équilibre territorial entre ville et campagne sera plus que jamais au centre du débat. Bienvenue dans le 21 de 2040.

© Clément Bonvalot

 François Sauvadet 
Président sur son 21

D’après lui, « la Côte-d’Or n’a pas peur du 21e siècle ! » Président du Conseil départemental sur tous les fronts (le très haut débit, le réchauffement climatique, la sensibilisation des collégiens à l’avenir de nos paysages, les entreprises de demain via Futurs 21), François Sauvadet est confiant. Et reste plus que jamais sur son 21.

Par Dominique Bruillot
Pour Dijon-Beaune Mag #70

© Jean-Luc Petit

« En 2040, on fêtera le centenaire de l’appel du général de Gaulle ! » Dans un style très personnel, François Sauvadet, millésime 1953, remet les faits en perspective en citant Elie Wiesel : « Ceux qui ne connaissent pas leur histoire s’exposent à ce qu’elle recommence. »
Puis le géant de l’Auxois redescend au niveau des hommes. Il évoque la douce perspective de l’allongement de la durée de la vie. Dans un « monde dangereux il est vrai, la lecture de notre histoire doit malgré tout nous rendre optimistes, car l’engagement de chacun peut changer la donne ». Et quand on évoque les menaces qui pèsent sur l’institution dont il est le capitaine, il déclare, sabre au clair : « Ceux qui voulaient la disparition du Département se sont trompés, c’est le seul espace de solidarité qui peut agir entre la métropole et la campagne. » Le préalable est posé, la Côte-d’Or plie peut-être, mais ne se rend pas.

Non à la France urbaine

Les évolutions actuelles ne devront donc pas exciter plus qu’il ne le faut l’opposition stérile entre ville et campagne. « Je ne crois pas que l’avenir soit à la France urbaine », poursuit François Sauvadet, parfaitement conscient de « l’aspiration de beaucoup de gens à la proximité des services d’une métropole », mais qui salue en même temps les nouvelles aspirations à la qualité de vie que la ruralité peut satisfaire. « On voit ici les limites de l’exercice de style du fait métropolitain », en conclut-il. Et le renforcement annoncé d’une bipolarisation de la société « qui sera celui, à terme, du rôle de lien naturellement dédié aux départements. »
Dans une Côte-d’Or qui présente les caractéristiques de cette « petite France » si souvent revendiquée par l’ancien ministre, la démonstration tient la route. Elle s’applique déjà à l’échelle du Conseil départemental, dont une centaine de collaborateurs, fonctionnaires de leur état, sont passés au télétravail.
Les générations futures ont là une piste de vie sur laquelle plancher. François Sauvadet a demandé aux 53 membres du Conseil départemental des jeunes qui représentent les 53 collèges et les 24 000 collégiens placés sous sa responsabilité, de « dessiner la Côte-d’Or de demain, de réfléchir à ce que sera la valorisation de nos produits et de nos paysages ». On a hâte de voir ça.

Garder la fibre

Le défi est en effet passionnant. Il mobilise celles et ceux qui auront les manettes du territoire en 2040… et plus si affinité. À travers cette sollicitation des jeunes pousses, le message est limpide : à vouloir faire deux pays en un, la France des villes et la France des champs, on prendra le risque de se planter ! Les collégiens, qui auront l’occasion de s’échanger un peu de leur existence d’un établissement à l’autre à l’initiative du Département, dans une sorte de « vis ma vie » scolaire, sauront peut-être mieux que les adultes mettre de l’huile dans les rouages.
Alors, pour ne pas perdre le fil de l’histoire, garder la fibre en toute circonstance, le 21 mène une politique volontariste au profit de l’accès au très haut débit. « Dans des contraintes financières terribles », ne manque pas de rappeler François Sauvadet, « nous avons fait un choix stratégique, nous ne voulons pas être un département qui abandonne ». Parallèlement à cette offensive numérique, l’insertion sociale par le terroir, incarnée par la création d’une vingtaine d’hectares de terres maraichères à Perrigny-lès-Dijon, aux portes de la métropole, prend acte de ces nouvelles aspirations à renouer avec le circuit court.

Même pas peur

La Côte-d’Or de 2040 est sur tous les fronts. Engagée dans les projets phares du 21e siècle, jouant sur cette numérologie qui lui est favorable, le 21 développe Futurs 21 (lire aussi notre entretien avec Jean-Philippe Girard), un laboratoire de projets économiques qui s’inscrivent non pas dans l’air du temps mais dans l’air du futur. Un futur dans lequel le mercure s’élèvera un peu, provoquant un coup de chaud enthousiaste chez François Sauvadet : « Nous serons le premier département de France à avoir un schéma d’adaptation au changement climatique, car nous n’avons pas peur du 21e siècle ! » Ça, c’est dit !


 Marie-Claire Bonnet-Vallet
« Pas vocation à accueillir un tourisme de masse »

La présidente de Côte-d’Or Tourisme imagine les nouvelles technologies au service de nos patrimoines. Le tout avec des expériences calibrées et ouvertes à tous, car le bras armé touristique du Conseil départemental ne veut pas vendre son âme.

Pascale Lambert et Marie-Claire Bonnet-Vallet, respectivement directrice et présidente de Côte-d’Or Tourisme © Clément Bonvalot

Par Michel Giraud

Le tourisme du futur en Côte-d’Or, ce sera quoi ?
Ce sera avant tout une expérience harmonieuse dans un cadre préservé, entre une métropole et des territoires connectés. Tout cela accessible aux Côte-d’Oriens comme aux visiteurs étrangers, avec des destinations très variées pour fluidifier les expériences de chacun : nous n’avons pas vocation à accueillir un tourisme de masse.
La Côte-d’Or sera aussi une référence en matière de tourisme durable, respectueux des habitants, qui s’appuiera sur une agriculture et une viticulture fortes car ce sont les garants de nos paysages, ceux-là mêmes qui font l’attractivité du département. Nous aurons très vite mis à disposition des touristes les moyens de leur itinérance : vélo, bateau, randonnée pédestre… Et notre département sera pleinement identifié comme une échappée belle. Ce sera aussi une synthèse réussie entre notre histoire, notre patrimoine et des moyens connectés pour les découvrir partout sur le territoire. De la réalité virtuelle, par exemple, pour reconstituer le passé, des expériences sensorielles, des bornes de médiation et de découverte du patrimoine partout sur le territoire…

Quels sont les points de vigilance ?
Le risque le plus prégnant pour le tourisme, c’est le retard technologique. Si nous ne sommes pas à la page, nous aurons tout faux. Je pense aussi aux ressources que nous devons préserver, au dérèglement climatique, que nous devons surveiller car cela impacte de manière négative la fréquentation touristique. Attention également à veiller à un développement équilibré de tous les modes d’hébergements* : nous avons aujourd’hui des déficits dans certains types d’hébergements, ils devront être comblés, notamment en termes d’ambiance et d’expérience offerte au visiteur, dans des espaces naturels et bientôt structurants.

* La Côte-d’Or, c’est chaque année 9 millions de nuitées marchandes et non marchandes. 3 millions dans les hôtels, campings et gîtes, le reste dans la famille, chez des amis ou en résidence secondaire.


 Jean-Philippe Girard 
« Mutualiser et collaborer »

PDG d’Eurogerm, pilier de Futurs 21 et du pôle de compétitivité Vitagora, président de l’Association nationale des industries alimentaires… Jean-Philippe Girard sait un peu de quoi il parle à propos du devenir des entreprises côte-d’oriennes. Lesquelles devront jouer collectif, c’est certain.

Quel schéma idéal pour les entreprises de Côte-d’Or ?
À l’horizon 2040, j’imagine assez bien des entreprises* de services agiles et innovantes attirées par la Côte-d’Or. Le développement de coworking et l’installation de startups va dans ce sens. Le développement du tourisme d’affaires aussi. Tout cela repose sur la création régulière de nouveaux outils artisanaux et industriels pour transformer et valoriser nos productions locales, et la création de zones modernes dédiées pour renforcer notre attractivité. Ces technopôles réservés à un secteur d’activités permettront de mutualiser, de collaborer et d’inventer entre entreprises comme le fait Vitagora.

Les enjeux ne sont pas neutres…
Dans les 20 prochaines années, la Côte-d’Or devra être à la fois écologique et moderne, cela va de soi. L’équilibre entre l’adaptation au numérique et la valeur ajoutée humaine est aussi un aspect à appréhender dès maintenant. Elle doit illuminer ce siècle par sa capacité à préserver son histoire, ses campagnes, ses vignobles, son agriculture, ses jeunes et moins jeunes, ses savoir-faire, ses spécialités, tout en s’inscrivant dans un monde par nature instable et hyperconnecté. L’équation n’est pas simple ! Elle devra éviter la désertification et l’oubli, créer un écosystème entrepreneurial et universitaire dense et relié. Et pourquoi pas ambitionner d’être le département référent du « mieux produire, mieux construire, mieux aménager, mieux consommer, mieux accueillir et mieux vivre ».

Quel serait le scénario catastrophe ?
Une Côte-d’Or qui n’aura pas négocié avec intelligence le virage du numérique et de la domotique. Qui n’aura pas pensé investissement dans des infrastructures à la fois réelles et virtuelles. Qui n’aura pas pris en compte son équilibre interne, en ayant laissé la métropole s’accaparer les valeurs ajoutées au détriment des campagnes. Tel est le risque aujourd’hui. Un département doit mettre au cœur de son action la vie et l’épanouissement de la famille et de tous ses habitants sur les plans affectifs et professionnels.

* En 2015, la Côte-d’Or comptait 22 001 entreprises (Sources CCI / CMA – Juin 2015). 48% exerçaient dans le secteur des services, 27% dans l’industrie et le BTP, 25% dans le commerce.


 Vincent Dancourt 
« Si nous ne faisons rien, habiter dans nos communes sera un luxe »

Maire de Genlis (5 500 habitants) et conseiller départemental du canton, Vincent Dancourt mise sur un fonctionnement participatif bien dosé pour bâtir la commune de demain. Sans quoi les 704 communes du 21 deviendront des cités-dortoirs.

À votre sens, le village côte-d’orien idéal en 2040 c’est…
Plutôt que de villages, parlons de communes en dehors des pôles métropolitains. Elles auront le rôle que nous leur permettrons de jouer ! Avant toute chose, nous y aurons maintenu une présence de services, avec notamment un accès qualitatif à des moyens de communication physiques, les gares, le réseau routier…
En 2040, c’est certain, nous aurons permis à tous les villages, sans exception, d’être inscrits dans la révolution numérique. Le haut débit et le très haut débit auront permis de maintenir l’activité économique. Ces modes de communication sont indispensables pour que le travail physique se maintienne dans nos territoires, cela crée de la richesse économique et humaine.
Nous aurons permis aux citoyens de jouer leur propre rôle. Nous aurons montré d’ici là, je l’espère, qu’ils ne sont pas là qu’au moment des élections. Nous aurons trouvé des modes d’expression pour qu’ils participent au développement de leur commune, en leur donnant les moyens de s’engager même sur un projet minime. Tout le monde ne deviendra pas conseiller municipal, mais chacun doit pouvoir jouer un rôle. Cette commune participative de 2040, plus à l’écoute, aura réussi à conserver une mixité de génération, en même temps qu’une mixité sociale qui feront sa richesse. Tout cela sera aussi le ciment d’une coopération plus automatique entre les communes.

Quelles sont les menaces identifiées ?
Je suis favorable aux regroupements et aux coopérations mais pas à la concentration des pouvoirs au profit de groupements de grande taille. Dans ce cas, nos communes n’auront plus qu’un rôle de cités dortoirs, sans ressources. Si nous ne faisons rien, habiter dans nos communes sera un luxe. Il y aura ceux qui auront des moyens et qui pourront se déplacer pour travailler en milieu urbain, et ceux qui vont se paupériser. Si nous concentrons l’économie sur des pôles urbains, les gens des campagnes feront des déplacements pendulaires en permanence. C’est un très mauvais choix économique, mais aussi écologique…

 Marc Frot 
« La disparition des paysans, c’est celle du monde rural »

Exploitant à Poiseul-la-Ville-et-Laperrière, Marc Frot a dirigé pendant dix ans la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles. Aujourd’hui président de la Commission agriculture du Département, il imagine le secteur comme le protecteur de nos paysages et le garant d’un nécessaire équilibre territorial.

Quelle agriculture en Côte-d’Or en 2040 ?
Les modèles vont forcement changer, mais l’agriculture sera encore et toujours un des piliers de l’économie côte-d’orienne. Elle sera aussi plus que jamais un acteur de l’aménagement du territoire. Je ne suis pas sûr que les surfaces d’exploitation diminuent. En tout cas, on ne le constate pas aujourd’hui malgré les difficultés que nous connaissons. En revanche, j’imagine une agriculture diversifiée : d’un côté de grandes cultures, du blé, du colza, pour nourrir le monde, pour ramener des devises – n’oublions pas que l’agroalimentaire rapporte plus à la France que l’automobile*. Et ce sera toujours le cas. De l’autre côté, une agriculture de proximité qui va alimenter des circuits courts divers. Les gens sont aujourd’hui de plus en plus sensibles aux productions locales. J’ignore si dans 20 ans la proportion aura évolué, mais je constate que ces dernières années, les demandes de diversification que nous traitons au Département ont été multipliées par cinq. Et ça ne va pas s’arrêter.

Quels sont les menaces à anticiper ?
S’il n’y a plus d’agriculteur, dans 20 ans, la Côte-d’Or sera faite de friches et de déserts. Nous nourrissons les Côte-d’Oriens et les Français plus largement, mais nous entretenons aussi les paysages. Nous préservons notre agriculture, car les paysans sont indispensables. S’ils disparaissent, nous ne mettrons pas à leur place un fonctionnaire pour entretenir les paysages ! Puis, la disparition des paysans, c’est la disparition du monde rural : un agriculteur c’est une famille, et donc le maintien des commerces, des artisans, des écoles dans les villages… Aujourd’hui, on compte 85 nouvelles installations par an en Côte-d’Or. Faisons en sorte que ce soit encore le cas en 2040 !

* Selon la direction générale des Entreprises (DGE), en 2016, l’agroalimentaire tient le haut du classement parmi les différents secteurs industriels français, avec plus de 180 milliards d’euros (devant l’automobile, qui représente 101,5 milliards d’euros). De son côté, l’agriculture côte-d’orienne pèse aujourd’hui 11 000 emplois et 1 milliard de chiffre d’affaires annuel, soit 10% du PIB départemental. Elle représente également 25 % des exportations de la Côte-d’Or.


 Denis Thomas 
« La biodynamie sera omniprésente »

Élu du canton de Ladoix-Serrigny, adjoint au maire de Meursault, vice-président de la Communauté d’agglomération Beaune Côte et Sud, Denis Thomas a la côte en lui. Rapporteur des affaires viticoles au Conseil départemental, il perçoit l’évolution des méthodes culturales comme une solution pérenne face au réchauffement climatique.

Quel vignoble en 2040 ?
Je ne suis qu’un observateur attentif, mais il faut être réaliste : les impacts du changement climatique sur les vignes* seront conséquents. On peut imaginer que les vendanges s’effectueront de plus en plus tôt au fil des décennies. Le côté positif, c’est qu’il y aura une meilleure qualité sanitaire, comme les conditions seront à mon sens plus sèches, avec notamment moins de risques de pourriture grise. La biodynamie sera à mon sens omniprésente. S’il fait plus chaud, les vignerons seront dans l’obligation de faire une taille plus légère ; peut-être créeront-ils des ombrages naturels pour protéger les grappes des rayonnements du soleil.
Il faudra aussi se poser la question de l’irrigation, un sujet sensible. Peut-être faudra-t-il recréer de l’enherbement ou des haies pour garder la fraîcheur, ou installer des palissages synthétiques pour protéger des vents changeants. La solution passe aussi par une révision de l’implantation des vignes lors de la replantation. Et si l’on inventait des filets pare-grêle ? Mais la qualité sera toujours là. Le bourgogne sera toujours du bourgogne, on ne mettra pas du syrah en Côte-d’Or, les cépages vont résister. Le réchauffement climatique n’uniformisera pas tout le vignoble français.
En revanche, il faudra clairement revoir les méthodes culturales et peut-être limiter les rendements.

Quels sont les points de vigilance dans les années à venir ?
Le foncier explose et cela risque de continuer. Cela va être un élément déterminant. Il va falloir veiller à ce que le viticulteur historique puisse toujours être sur son domaine. Je défendrai toujours et avec engagement la viticulture de proximité.

*Avec 29 067 hectares, la Bourgogne représente 3,7 % du vignoble français (source BIVB).