Dijon reçoit ses premières bennes à ordures hydrogène : comment ça marche ?

La métropole dijonnaise se dote de bennes à ordures hydrogène vert, dont les deux premières œuvreront dès janvier. C’est quoi, et ça change quoi ?

La benne à ordures électrique, rechargeable grâce à une pile à combustible hydrogène, était présentée dans les ateliers Dieze, la filiale de Suez en charge de la gestion des déchets à Dijon. © Arnaud Morel

La métropole dijonnaise accueillait, jeudi 14 décembre, ses deux premières bennes à ordures ménagères (BOM) hydrogène, destinées à œuvrer à la collecte dès le début du mois de janvier 2024. Cette première métropolitaine est aussi « certainement une première nationale », a affirmé François Rebsamen, maire de Dijon et président de Dijon Métropole. La collectivité poursuit une démarche de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre et de polluants, qui se double d’un vrai pari sur l’avenir, tant la technologie est encore en cours d’élaboration, avec une filière naissante. Mais concrètement, de quoi s’agit-il ? Qu’est-ce que ça change, et combien ça coûte ?

C’est quoi ?

En 2024, la Dijon Métropole se dotera de quatre bennes à ordures ménagères de 19 tonnes, et de 16 bus à hydrogène. Si certaines villes comme Auxerre, Versailles, Pau ou Béthune possèdent déjà des bus à hydrogène, l’arrivée de cette technologie sur les bennes à ordures constitue vraisemblablement une première nationale. Les deux premiers exemplaires, livrés ce jour, ont été développés par l’entreprise E-Trucks Europe, installée à Lommel (Belgique), sur la base d’une benne à ordures classique, à motorisation diesel.

« Nous réalisons le retrofit (ndlr, la modification du véhicule pour en changer la motorisation) de bennes à ordures diesel sur un châssis de série, que nous transformons en véhicule électrique avec recharge par pile à combustible hydrogène », précise Michel Albrand, directeur business et développement de la société E-Trucks. La pile à combustible est réalisée par une autre entreprise, Proton Motor. Les compacteurs à ordures sont fournis par Faun Environnement, une entreprise ardéchoise. La Métropole se dote également de 16 bus à hydrogène et prévoit de renouveler son parc de 180 bus dans les 10 prochaines années.

Michel Albrand, directeur business et développement de la societé E-Trucks, présente la benne hydrogène dijonnaise, l’une des premières en France. © Arnaud Morel

Qu’est-ce que ça apporte ?

Le premier avantage de bennes à ordures hydrogène est d’abord l’absence de pollution. La benne n’émet aucun polluant et rejette, occasionnellement, un peu de vapeur d’eau. « Ces bennes à ordures hydrogène permettent d’économiser 120 kg d’équivalent CO2 par tournée. Rapporté à l’année, cela correspond à 30 tonnes de CO2 économisées, soit l’équivalent de 10 trajets Dijon-New York en avion, pour une famille de 4 personnes », explique-t-on chez Dieze, la filiale de Suez en charge de la gestion des déchets à Dijon. Ces bennes ont aussi l’avantage de faire moins de bruit en fonctionnement. À noter que leur charge utile est de l’ordre de 7 % inférieure à une benne classique, pour ménager l’espace nécessaire aux batteries et à la pile à combustible.

Ça fonctionne comment ?

Les bennes dijonnaises, opérées par Dieze, sont d’abord des véhicules électriques, intégrant des batteries de 200 kWh. La partie hydrogène intervient pour recharger ces batteries, à l’aide de l’électricité continue produite par une pile à hydrogène. « La pile à hydrogène recharge la batterie quand sa charge arrive autour de 65 %. À ce moment, la batterie électrique est rechargée par la pile à hydrogène. Cette technologie permet d’assurer une autonomie de 200 km en fonctionnement, contre environ 80 km pour un véhicule simplement électrique », détaille la société E-Trucks. D’autres possibilités de motorisation hydrogène existent, en utilisant directement l’hydrogène comme carburant.

D’où vient l’hydrogène ?

L’hydrogène n’est qu’un véhicule énergétique qui embarque, grosso modo, la même quantité d’énergie que celle nécessaire à sa production. Dit autrement, si l’hydrogène est produit par reformage du méthane, énergie fossile, comme c’est aujourd’hui très majoritairement le cas, il n’est guère avantageux en termes de bilan environnemental de choisir cette solution. Le cas dijonnais est bien différent. La Métropole utilise de l’hydrogène vert, obtenu par électrolyse de l’eau. Cette méthode exige de l’électricité, laquelle est produite par l’usine d’incinération des ordures ménagères. Dijon opte donc pour une véritable filière d’approvisionnement locale d’hydrogène. La méthode, très innovante, demeure à affiner. La première des deux stations de production d’hydrogène dont veut se doter la municipalité ne fonctionne pas encore. « L’opérateur a rencontré des problèmes qui ont retardé la mise en fonctionnement de notre premier électrolyseur. Mais il m’a assuré que tout devrait rentrer dans l’ordre et la production d’hydrogène débuter en janvier 2024 », assure François Rebsamen.

L’Unité de valorisation énergétique (UVE) de Dijon Métropole, autrement dit l’usine d’incinération des déchets et son turbo-alternateur, est au cœur du système. C’est elle qui fournira l’électricité nécessaire à la production d’hydrogène par électrolyse de l’eau. © Dijon Métropole

Combien ça coûte ?

Développer des véhicules avec une technologie inédite s’avère coûteux. « Chaque benne coûte environ 825 000 euros, contre 350 000 pour une benne classique, à moteur diesel. Heureusement, nous avons été très bien accompagnés par l’ADEME avec une subvention de 1,5 million d’euros pour nos 4 premières bennes », précise le maire de Dijon. Il faut aussi intégrer l’augmentation du nombre de tournées du fait des temps de charge et l’embauche de personnel supplémentaire. Mais ce seul montant facial ne dit pas tout. Le bilan du fonctionnement de bennes électriques à hydrogène doit intégrer les économies réalisées du fait de la réduction des nuisances et de la pollution. En outre, les coûts de production vont baisser, au fur et à mesure que la technologie deviendra plus mature. C’est un pari sur l’avenir.

Au-delà des seules bennes à ordures, la métropole fait émerger un vrai écosystème de production d’hydrogène vert. « D’ici 2030, nous devons investir environ 100 millions d’euros pour cet écosystème de production. Un partie de cette somme est liée à des travaux sur notre unité de valorisation énergétique des ordures ménagères, qui traite les déchets de 500 000 habitants. Nous nous dotons de deux stations hydrogène, qui représentent environ 30 % de ces 100 millions d’euros. Un électrolyseur seul coûte environ 4 millions d’euros », détaille enfin François Rebsamen.