Gevrey-Chambertin: les communes défient l’Europe

La communauté de communes de Gevrey-Chambertin couvre 22 des 32 communes du canton. Nouvellement présidée par Christophe Lucand elle devrait ce soir mettre les pieds dans le plat de la technocratie européenne en se déclarant zone « hors Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement ou TTIP ». Un vent de fronde souffle chez nos élus locaux.

Par Dominique Bruillot

Panneau_Gevrey_Chambertin

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TTIP ou GMT. Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement ou Grand marché transatlantique. Derrière ce jargon technocratique se cache une décision qui, le 14 juin 2013, signe l’approbation par les 27 gouvernements de l’Union européenne, dont la France, « d’un mandat donné à la Commission européenne pour négocier un accord de libre-échange avec les Etats-Unis.' » C’est ce que souligne vertement un communiqué émanant de la Communauté de communes de Gevrey-Chambertin, qui soumettra ce soir au vote sa mise en « zone hors TTIP ».
D’autres collectivités sont déjà engagées dans cette voie. La région PACA, la Bretagne et le Limousin ont ainsi opté pour des motions de ce type. Mais en ce qui concerne les communautés de communes, celle de Gevrey sera sans doute la première. L’objet d’une posture aussi symbolique que solennelle repose sur deux points. « Ce traité a été négocié en coulisses », assure Christophe Lucand, le nouveau président de la « comcom ». Le successeur de Jean-Claude Robert marque de manière spectaculaire son arrivée en mettant surtout dans la balance, le risque que représente aussi « une redéfinition des normes qui conduirait à des produits standardisés. »
Nul, en effet, ne peut ignorer la puissance juridique, l’appétit procédurier de l’économie américaine. Car « pour les Américains, le mot appellation ne veut rien dire, là-bas on ne considère que les marques et cette perspective de libéralisation du système et des échanges pourrait faire de nos AOC et autres IGP des produits hors sols ».
Les noms géographiques, effectivement, ne se protègent pas. L’eau de Cologne, les couteaux Laguiole et le savon de Marseille sont, parmi d’autres, des exemples qui montrent que l’on peut vite sortir une « origine » de ses gonds, de son terroir pour être plus précis. Alors, face à un territoire qui copie déjà largement le chablis et le champagne, on peut s’attendre à tout. A quand un « chambertin » qui deviendrait un pur produit de consommation?

Tel le savon de Marseille

Nous n’en sommes pas là, heureusement, même si le calendrier européen fixe des échéances à 2015. « On veut être de la partie et sortir de cette situation qui est, pour l’heure, le fruit d’une discussion entre les représentants de la Commission européenne et leurs homologues Américains », prévient encore Christophe Lucand.
A dire vrai, c’est un peu « l’énarchie » et ses théories parfois fumeuses qui sont visées. Loin des yeux, loin du cœur, la vision globale rejaillit à fleur de sol en Bourgogne comme ailleurs. L’avertissement sans frais de la Communauté de communes de Gevrey-Chambertin est clair sur ce point: « Cet accord prévoit une renégociation des toutes les normes sanitaires, sociales et environnementales qui pourront être déclarées illégales et interdites si elles sont jugées « déraisonnables, arbitraires ou discriminatoires ». Cette libéralisation réglementaire s’opposera au maintien des appellations d’origine (…) et l’activité économique de notre territoire pourrait en être sérieusement atteinte. »
Le pire étant dit pour envisager le meilleur ensuite, on peut pousser le bouchon jusqu’à imaginer que les élèves des écoles du Gibriaçois n’auront plus accès aux produits bio du secteur, comme c’est encore le cas une fois par semaine. L’obligation de passer par des appels d’offres, corolaire évident du libre-échange annoncé, risquerait en effet de « disqualifier la filière courte » au nom du principe du mieux disant, poursuit Christophe Lucand.
Cependant, quelque chose nous dit que dans cette histoire, sans pourtant devoir jouer les irréductibles Gaulois, nos élus locaux finiront bien par faire triompher le bon sens. Au nom du chambertin et de tous nos bons produits par exemple.