À travers six virages mythiques, le circuit Dijon-Prenois raconte cinq décennies de bataille sur piste. Chacun son histoire, chacun ses secrets. Focus sur le S des Sablières, où Arnoux et Villeneuve se sont livrés un combat mythique.
En août 1982, Bernard Asset joue les cascadeurs pour immortaliser une séance d’essais d’Alain Prost sur la piste dijonnaise. À califourchon derrière le pilote, quasi sans protection, le photographe ne se doute pas que « le Professeur » entrera dans l’histoire du circuit Dijon-Prenois quelques heures plus tard. Lors des qualifications de ce dernier Grand Prix de Suisse de l’histoire, exceptionnellement délocalisé à Prenois pour la deuxième et dernière fois, Alain Prost devient l’homme le plus rapide du tracé dijonnais en 1’01’’380.
Arnoux-Villeneuve, à jamais
Trois ans plus tôt, Dijon-Prenois était le théâtre d’un des duels les plus mythiques de la Formule 1. « Pas une semaine ne passe sans que l’on me parle de ce combat », confiait René Arnoux lors des 50 ans du circuit côte-d’orien. Alors que son coéquipier Jean-Pierre Jabouille s’apprête à offrir la première victoire de Renault (et d’un moteur turbo) en F1, René Arnoux bat le record du tour en course (1’09’’160) pour revenir à hauteur de Gilles Villeneuve. Deux acrobates au coude à coude, bonjour les étincelles !
À quatre tours de l’arrivée, un mano a mano légendaire débute entre le Français et le Canadien pour la deuxième place de ce GP de France 1979. Prêt à tout pour offrir un doublé cocorico à son public, Arnoux lance les hostilités à la sortie du S des Sablières. C’est dans cet enchaînement de virages très rapides que les deux monoplaces prennent de gros risques et jouent à touche-touche à plusieurs reprises. « J’aurais pu lui fermer la porte, mais on ne fait pas ça à un pote, encore moins à cette époque », plaisante « Néné » Arnoux.
Les deux pilotes sont de la même trempe. Aucun des deux ne compte renoncer, au risque de friser la correctionnelle. Les deux meilleurs copains s’envoient mutuellement valser, sur et hors de la piste, roues contre roues. Villeneuve retarde ses freinages, quitte à y laisser ses pneus, tandis qu’Arnoux n’hésite pas à grimper sur les vibreurs, jusqu’à y laisser une attache-moteur. « Il faut un immense respect entre les deux pilotes pour éviter une fin dramatique », ajoute-t-il.
Le flair d’Asset
Les quelque 100 000 spectateurs français sont en pleine ébullition. Bernard Asset aussi. Pendant que ses confrères sont blottis sur la ligne d’arrivée pour assister au succès historique de Renault, lui est le seul à immortaliser ce duel d’équilibristes. Dans le dernier tour, Arnoux met un dernier coup de roue au pilote Ferrari à la sortie des Sablières. Le public explose lorsqu’il voit le pilote français sortir en tête du gauche de la Bretelle. Le funambule québécois n’a pas dit son dernier mot. Il profite de sa toute dernière ouverture et plonge à l’intérieur de la parabolique. Gilles Villeneuve et sa Ferrari 312T4 remportent cette bataille de titans. Pas de doublé bleu-blanc-rouge, mais un scénario d’anthologie rentré au panthéon de la Formule 1. Le S des Sablières s’en souvient encore.
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