À Meursault, les rêves étoilés du chef Takashi Kinoshita

Inspiré par sa nouvelle vie au sein du Château de la Cueillette à Meursault, Takashi Kinoshita nourrit des ambitions étoilées bien légitimes. Alors que le Michelin 2024 a déjà rendu son verdict, le chef japonais aborde la belle saison avec le plein d’optimisme et se projette déjà sur le prochain palmarès.

Le chef Takashi Kinoshita sous le plafond peint de la salle de son restaurant gastronomique, au château de La Cueillette à Meursault. © Jean-Luc Petit / DBM

Takashi Kinoshita se prendrait-il pour Michel-Ange ? Ou bien voudrait-il annoncer une œuvre d’art dans les assiettes de La Cueillette ? Ce n’est pas le genre de l’humble cuisinier. Tout juste une facétie orchestrée par notre complice photographe Jean-Luc Petit, qui n’aura pas mis longtemps avant de repérer ce qui singularise la petite salle cossue du restaurant gastronomique. C’est ici, sous les cieux de Meursault, qu’une douzaine de convives peuvent désormais se régaler de l’univers du plus côte-d’orien des Japonais.

Arrivé en septembre dernier, le transfuge de Courban a pris le temps d’étoffer sa proposition et de constituer une brigade exclusivement nippone. Tout est en place. Le vénérable château de Cîteaux, réveillé par la vision entrepreneuriale du docteur Jean Garnier, était déjà un hôtel quatre étoiles et un temple du bien-être basé sur un spa de 500 m², ainsi qu’un concept innovant de fruitithérapie. « Maintenant, nous allons monter d’un cran en cuisine », avait prévenu le propriétaire. 

Un bistrot Bib gourmand

Au bistrot récemment récompensé d’un Bib gourmand – ambiance coin du feu en hiver et terrasse aux beaux jours – est donc venu s’ajouter une proposition gastronomique de haut vol. Le nouveau patron des cuisines, ce n’est un secret pour personne, vise la reconnaissance du Michelin, comme il le fit en 2018 au Château de Courban, dans ce Châtillonnais qui lui a permis de sceller son amour avec la Bourgogne.

Avec son épouse Satomi, ils ont même sauvé l’école du village en y inscrivant leurs quatre filles et deux garçons. Les producteurs du coin sont devenu de véritables amis de la famille : Clotilde et Benoit des Ruchers de Darbois, le pisciculteur Sylvain « que les enfants considèrent comme leur papy français », le vigneron Ghislain Brigand, le producteur de lentilles Jean-Patrice Ollin…

Ouverte le soir du mardi au samedi, la table gastronomique de La Cueillette est le point de rencontre entre cuisine française et culture japonaise. © Christophe Fouquin / La Cueillette

Meursault en première page

Meursault constitue ainsi le début d’une nouvelle vie. Mitsuki, Aoi, Kotoha, Kanamé, Kalin et Satoshi sont désormais à l’école du village ou au collège de Beaune. Le maire murisaltien Denis Thomas a accueilli à bras ouverts ces nouveaux administrés au capital sympathie indéniable. Le chef va encore élever le niveau d’un village où le ratio « belle table / habitant » est déjà exceptionnel. L’intéressé sait qu’il ne débarque n’importe où. « Nous avons mis Meursault en première page de la carte des vins », avance le nouvel ami du pays beaunois, omniprésent sur les réseaux sociaux et sur tous les événements de la vie locale.

« Au marché de Beaune, je croise tout le monde ! Grâce à mon métier, j’ai rencontré beaucoup de gens que je n’aurais jamais pu voir ailleurs », loue l’infatigable ambassadeur du Savoir-faire 100% Côte-d’Or. Grâce à la marque territoriale, le chef a d’ailleurs découvert des producteurs, à commencer par l’excellente Boulange de Jo à Merceuil qui lui fournit les petits pains artisanaux de sa table gastronomique.

Le Takafé de Takashi ! 

Ce nouvel environnement inspire Takashi Kinoshita. En retrouvant une vieille recette dans l’un de ses nombreux grimoires, le chef s’est mis à proposer, pour commencer le dîner, une petite galette salée d’inspiration cistercienne. Un bon fromage de Cîteaux, un peu de sauce béchamel, de la moutarde à l’ancienne Edmond Fallot… La découpe se fait au moment de l’apéritif, sous les yeux du client, qui doit alors manger directement à la main avant de faire bon usage de l’oshibori, cette fameuse serviette chaude ou froide que l’on propose au Japon. Yann, le maître d’hôtel et sommelier maison, se charge alors de faire le pont entre les deux cultures. Le suprême de pigeonneau côtoie ensuite les palourdes japonaises avec consommé au miso. Et que dire de ce café de la maison Biacelli, élaboré spécialement pour l’établissement et baptisté très sérieusement… le « Takafé ». De quoi ponctuer un repas en toute légèreté. De l’assiette à la tasse, ça vole déjà très haut à Meursault !


→ La Cueillette – Château de Citeaux, 18 rue de Citeaux à Meursault -03.80.20.62.80 – lacueillette.com
La Table de la Cueillette : du mardi au samedi, uniquement le soir. De 4 à 7 services (89 à 149€). Bistrot de La Cueillette : le midi du mardi au dimanche, le soir du mercredi au dimanche.

Trois mentors, trois cuisines 

Takashi Kinoshita ne peut pas vraiment revendiquer d’ataviste gourmand : ses parents étaient profs de maths et de japonais. Son premier maitre fut d’abord Minoru Adachi, au restaurant Bizen à Tokyo. Ce spécialiste de la cuisine française l’envoya chez son ami dijonnais Jean-Pierre Billoux. Le 1er août 2002, le jeune Takashi intègre la brigade du Pré aux Clercs, place de la Libération. Il découvre les bons produits bourguignons et les vertus de la moutarde, se met à collectionner des vieux livres de cuisine grâce au chef qui lui présente des bouquinistes. Suivra un stage au palais de l’Élysée, sous le président Sarkozy – pas le plus grand des mangeurs – où Takashi n’aura « jamais vu une aussi belle vaisselle ». Avec une consigne de la plus haute importance : surtout ne pas faire tomber la soupière à 10 000 euros ! Le troisième mentor fut enfin Robert Bardot, à Vaison-la-Romaine, où il passa quatre années de bonheur. Figure de la restauration lilloise, installé plus tard dans le Vaucluse, le MOF étoilé lui a appris à mettre du soleil dans son assiette.