Dijon : l’usine Terrot sauve sa façade, Bourgogne Magazine en fait un dossier

Alors que le site Terrot à Dijon vit son démantèlement au profit d’un important programme immobilier, Bourgogne Magazine s’intéresse de près à la dimension patrimoniale du site. Une lecture essentielle.

La façade de l’usine Terrot de Dijon de nos jours (© Jean-Luc Petit) vs. en 1934 (©Coll. Bernard Salvat), avec huit essayeurs alignés sur le boulevard Voltaire, sur des motocyclettes Type HST de 350 cm3.

Son envergure est unique, son histoire aussi. Promise à une transformation immobilière spectaculaire, dont seuls les contours ont été dévoilés pour l’instant (lire plus bas), l’ancienne usine de cycles Terrot est un des rares vestiges industriels de Dijon, boulevard Voltaire. Les vieux motards (que jamais !) lui vouent quasiment un culte, la marque ayant été le constructeur numéro 1 en France dans les années 30. Sa façade Art déco, qui devrait être conservée, n’est donc pas le seul et unique trésor patrimonial.

La saga Terrot tient d’abord au patriarche fondateur Charles Terrot (1831-1903). S’il demeure aux fondements d’une dynastie industrielle en Allemagne, l’inspiré homme d’affaires n’est pas vraiment le personnage principal de Dijon, laissant le premier rôle à sa descendance et un de ses gendres.

C’est cette riche histoire, replacée dans le cadre d’un dossier spécial de 70 pages sur « cette Bourgogne qui usine », que nos confrères (et amis) de Bourgogne Magazine appréhendent dans leur numéro 65. Disponible chez votre marchand de journaux ou en commande en ligne. Avec à l’intérieur de vraies belles histoires qui ont façonné notre région. À Dijon, avec cette couverture dédiée, Terrot en fait maintenant définitivement partie.


Bourgogne Magazine n°65 spécial « La Bourgogne qui usine »
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Terrot, le temps des (presque) adieux

Délaissée depuis une petite dizaine d’années, l’usine dijonnaise vit ses dernières heures. Elle sera démolie dans quelques mois au profit d’un vaste projet immobilier porté par les opérateurs Vinci et Nexity, sous la vigilance de Dijon Métropole. La façade Art déco, promet-on, survivra aux adieux…

Au numéro 63 du boulevard Voltaire, depuis quelques semaines, les engins sont au travail. Un monument de l’histoire industrielle dijonnaise est en train d’être mis à terre. Les immenses usines Terrot sont patiemment démantelées, avec la précaution que suppose l’exercice. Bientôt, un ensemble immobilier à multiples facettes prendra corps. Seule la façade, cette si reconnaissable façade, perdurera. 

Inaugurée en 1932, l’usine de cycles et de motos fut l’une des plus importantes en France. Quatre-vingt ans plus tard, son dernier propriétaire, JTEKT, claquait définitivement la porte… pour ouvrir celle de tous les fantasmes de réhabilitation. Après des années de tractations classiques dans ce cas de figure, un vaste ensemble immobilier prendra finalement corps dans les mois à venir. Celui-ci est mené de concert par Dijon Métropole et deux poids lourds : Adim, société filiale de Vinci, et le groupe promoteur Nexity. 

Une partie du programme immobilier présenté par Nexity. Sur la droite de l’image, un bout de la fameuse devanture à protéger. © AA Group

De l’usine à l’Ehpad

« Cette usine en plein cœur de ville demandait des frais colossaux de surveillance et de maintien en l’état, précise Franck Attali, directeur général de Nexity. Le GIGN et les pompiers venaient s’y entrainer régulièrement pour maintenir une présence dissuasive et profiter d’un terrain d’entrainement inespéré. Surtout, il s’agit d’un site très amianté, à tel point qu’une déconstruction était inéluctable. » Décision a été prise de conserver la devanture Art déco. Dans quel état, on ne sait pas. Même si elle n’est pas classée, elle reste très emblématique et constitutive du discours commercial de ses nouveaux responsables. Les halles qui recouvraient une surface de 40 000 m2, elles, sont en cours de démolition. Dédiée au développement immobilier, la société Adim s’est portée acquéreur de 18 000 m2 en vue d’implanter un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes de 165 places, qui nécessitera 30 mois de travaux à partir du mois d’avril 2021. Mais aussi des logements pour seniors valides, un restaurant, des commerces, de l’immobilier d’entreprise. L’association locale Arbracam, qui œuvre au service de la mémoire Terrot, devrait aussi  avoir une petite place dans l’ensemble (lire encadré ci-dessous)

Un programme nommé 1887

Nexity gèrera pour sa part les 22 000 m2 restants avec différents programmes de logements, une résidence étudiante, des biens en location, d’autres en accession à la propriété. « Entre fin 2022 et juillet 2023, nous livrerons 300 premiers logements, résidence étudiante comprise. Le reliquat, soit 120 logements, sera disponible entre fin 2023 et mi-2024 », rapporte Romaine Savin, en charge du dossier chez Nexity. Nom de code de ce vaste projet immobilier : 1887, en clin d’œil à l’année de création de Terrot. « Le projet a été imaginé à travers un ensemble de petits bâtiments, comme des ilots à taille humaine, défend l’experte. Seul un bâtiment s’élèvera en R+9. Il offrira une vue magnifique sur Dijon et s’appellera Ténor, en référence à une moto produite dans les années 60 par Terrot. Les premières commercialisations ont montré un véritable attrait pour ce projet en cœur de ville, nous sommes très confiants. » Cela devient habituel : les nouveaux occupants ont soigné les références historiques. D’aucuns diraient que c’est la moindre des choses. Affaire à suivre…    

Quid du musée Terrot ?
Depuis 1988, l’association dijonnaise Arbracam rassemble des passionnés de motos anciennes. Elle a fait de la préservation du patrimoine Terrot l’une de ses raisons d’être. Ses bénévoles rêvent de créer à Dijon un musée consacré à la marque. Alors que l’usine Terrot se transforme, son président Jean-Louis Deschaumes espère être entendu : « Nous avons un gros patrimoine, iconographique et publicitaire notamment, propre à Terrot (ndlr, 7000 plans et dessins !). Les promoteurs et la Ville de Dijon nous ont prêté une oreille attentive. Si vous regardez les plans, il y a un local réservé à une association. Rien n’est acté, mais on nous a donné l’assurance que nous pourrions y installer une petite structure. Encore faut-il trouver de l’argent, c’est le nerf de la guerre. On nous garde une place, à nous de finaliser notre arrivée dans les locaux. Nous lançons donc un appel aux mécènes pour qu’ils contribuent à ce lieu de mémoire. Nous nous sommes battus pour que soit préservée la façade. Dans quelques semaines, nous allons d’abord sauver de la ferraille le portail mythique de l’usine, par lequel sont passés des milliers d’ouvriers. Je croise les doigts pour que nous puissions aller au bout de notre idée. Et que les promesses deviennent des actes. »