Wine Pilot : les vins de Bourgogne prennent en main leur trajectoire carbone

Avec une récolte 2023 record et une cote d’amour au top, comme en témoignent les Grands Jours de Bourgogne, l’interprofession des vins de Bourgogne veut plus que jamais exceller sur le plan environnemental. L’outil Wine Pilot, qui vient d’être mis à disposition de ses 3 800 opérateurs vitivinicoles, est un premier pas important.

Laurent Delaunay, président du BIVB, et Raphaël Dubois, président de l’association des Grands Jours de Bourgogne, en ont profité pour faire le point sur la santé des vins de Bourgogne et les grands enjeux auxquels la filière doit faire face. © BIVB / Antoine Martel

Environ 1,9 million d’hectolitres, soit 253 millions de bouteilles produites (233 millions en 2022) : les vignerons bourguignons bénissent le dernier millésime. Les années se suivent et ne se ressemblent pas. « Il nous faut désormais composer avec l’hétérogénéité des récoltes : 2021 était la plus faible depuis quarante ans, 2023 le record absolu », tempère Laurent Delaunay, le président du BIVB (Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne). Le volume est là, la qualité aussi. 2 400 professionnels du vin (journalistes, cavistes, importateurs, courtiers…) venus de 58 pays ont pu en témoigner en marge des Grands Jours de Bourgogne, du 18 au 22 mars. Cette grand-messe bisannuelle organisée par l’interprofession n’a jamais été aussi prisée.

Logique, les bourgognes sont à la mode. « Nous avons toutes les cartes en main : nos vins ont le vent en poupe et nous avons enfin du stock, après une décennie en déficit permanent », estime le BIVB, qui doit cependant composer avec un certain tassement post-Covid de la demande sur les marchés mondiaux, et anticiper l’évolution de la consommation chez les nouvelles générations. 

Wine Pilot, l’outil de pilotage généralisé

La filière assume d’autres grands défis. Elle veut être exemplaire sur le plan environnemental et vise la neutralité carbone en 2035. Parmi la soixantaine de projets menés par le pôle technique de l’interprofession, les deux tiers sont liés au dérèglement climatique. Matériel végétal, évolution des techniques culturales (enherbement, agroforesterie, fixation de l’eau dans les sols), méthodes de vinification… rien n’est laissé au fond de la cuve. « Le maître-mot est l’adaptation, mais nous devons aussi agir sur les causes », martèle Laurent Delaunay. 

Le BIVB vient ainsi de mettre gratuitement à disposition de tous ses professionnels l’outil Wine Pilot. Développée depuis 2022 par Food Pilot, en partenariat avec Adelphe, cette plateforme permet à chaque entreprise d’évaluer son empreinte carbone, d’entreprendre son propre plan de réduction et d’en simuler l’impact. 

À l’échelle d’un domaine, d’un négoce ou même d’une cave coopérative, tout cela semble bien petit. Mais Wine Pilot offre à la filière une vision globale de l’empreinte carbone du vignoble bourguignon, grâce à la mise en commun des données renseignées par ces entreprises (rendues anonymes). Le BIVB pourra ainsi piloter sa trajectoire de décarbonation et activer les bons leviers pour tendre vers une neutralité : réduction de 60 % des émissions de CO2 et compensation régionale pour les 40 % incompressibles, à travers une action sur les transports ou encore le poids des bouteilles. Cela reviendra à descendre à 4,8 tonnes de CO2 /hectare/an.

Tenus à différents endroits de Bourgogne, dont le palais des congrès de Beaune, les Grands Jours de Bourgogne (18 au 22 mars) ont attiré 2 400 professionnels du vin venus de 58 pays. Un record pour cette manifestation bisanuelle réservée aux professionnels, qui prouve bien l’engouement suscité par une région viticole aux volumes retrouvés. © BIVB / Antoine Martel

« Pas de réponse simple à un problème complexe »

« L’objectif est ambitieux. Pour l’atteindre, il nous faut désormais entraîner plus de 3 800 opérateurs en Bourgogne. Cet outil est la porte d’entrée dans cette démarche. Il amènera chacun, à partir de son bilan, à s’interroger sur ses pratiques et à engager les mesures les plus adaptées », estime François Labet, président délégué du BIVB. En toute circonstance, l’état de notre planète ne se réglera pas avec quelques effets d’annonce.

« Pas de réponse simpliste à un problème complexe, pose avec sagesse Laurent Delaunay. Nous devrons aller vers une granulométrie très fine dans la recherche de solutions, en allant jusqu’à étudier par exemple un outil de covoiturage pour les travailleurs de la vigne. » La Bourgogne, c’est un fait, est « un modèle ultime de viticulture durable dans le monde ». Autant essayer de le rester.