Pilier du domaine viticole des Hospices de Beaune depuis dix ans, la régisseuse Ludivine Griveau-Gemma estime que cette récolte 2025 « ne ressemble à aucune autre, comme s’il s’agissait de plusieurs millésimes en un ». Cette originalité constitue déjà une bonne raison de miser dessus.

Régir le domaine des Hospices de Beaune, ses 60 hectares de vigne certifiées bio dont 80 % en premiers et grands crus, pour une vingtaine de vignerons à manager, ressemble beaucoup à un sacerdoce. Dans son style imperturbable, Ludivine Griveau-Gemma a épousé la mission divine depuis dix ans, toujours motivée par ce supplément d’âme hospitalier. « N’oubliez jamais que vous travaillez pour un hôpital », lui avait glissé un jour le regretté directeur Antoine Jacquet. La phrase résonne toujours en elle.
« Nous ne sommes que deux au monde à faire ce métier », évalue sobrement l’intéressée, faisant référence à son futur ex-confrère (il prendra sa retraite en avril) Jean-Marc Moron aux Hospices de Nuits. Un métier rendu compliqué par ce millésime 2025 aussi grand que capricieux. Comme tous les millésimes en 5, il « aura son mot à dire » au panthéon bourguignon. Le jeu des comparaisons est tentant. « Or il ne ressemble à aucun autre, comme s’il s’agissait de plusieurs millésimes en un », image la régisseuse.
« Je ne vais pas le qualifier d’époustouflant tout de suite. On avait envie qu’il soit facile car son grand frère nous avait marqués au fer rouge. Après un hiver froid et un cycle précoce, les conditions météo ont été contrastées — floraison chaotique, vent, pluie — mais l’état sanitaire s’est révélé plus que satisfaisant, avec seulement 11 traitements, contre 17 l’an passé. Les vendanges, précipitées par la météo, ont démarré dès le 18 août, bouleversant les habitudes de tri parcellaire. »
L’ordre de ramassage des raisins n’est jamais écrit à l’avance. « Volnay s’est fait attendre et les maturités furent très disparates sur les Beaune 1er cru », prend à titre d’exemple Ludivine Griveau-Gemma, qui a aussi dû jongler avec des vendanges sous la pluie. « Nous avons conscience qu’il faut élaborer de grands vins et pour cela, il ne faut pas hésiter à chambouler notre confort et les esprits », affirme la vigneronne, insistant à nouveau sur la prouesse logistique et la coordination des équipes au diapason.
Et quid de la dégustation des premiers jus ? « J’ai un petit coup de cœur pour les blancs, qui ont des aromatiques réguliers et goûtent vraiment bien. Les lies étaient magnifiques, à tel point que nous avons choisi d’en intégrer beaucoup, sans débourber aussi clair que d’habitude. Cette matière œnologique a été réinvestie dans tout son potentiel. Côté rouges, les maturités étaient variables, mais j’en retiens une trame commune avec des peaux très épaisses et un potentiel polyphenolique très important, ce qui donnera de la chair aux vins, avec des aromatiques plutôt douces et voluptueuses. » Cela donne envie de goûter. Et donc d’acheter pour la bonne cause, il faut l’espérer. Comme toujours.
551 pièces en vente
428 pièces de rouge, 111 pièces de blanc (dont deux demi-pièces), 11 pièces d’eaux-de-vie et enfin la pièce des présidents : voici dans le détail les 551 fûts de 228 litres qui seront mis sous le feu des enchères. Un chiffre comparable à 2014 (532 pièces) et 2015 (575). Pour rappel, les 439 pièces de l’an dernier avaient permis de récolter 13,9 millions d’euros.
Grand cru, petits nouveaux…
Le domaine des Hospices de Beaune vient d’accueillir dans son extraordinaire éventail de crus une 51e cuvée. Pour célébrer ses 200 ans, le domaine Faiveley, basé à Nuits-Saint-Georges, a offert à l’institution 4 ouvrées de Clos-de-Vougeot. De quoi produire 2 à 3 pièces du grand cru, baptisé cuvée François Faiveley. À noter que la belle appellation Vézelay formera une cuvée dans quelques années, grâce à un don de 22 ares de terres en juin 2024. « Nous venons de recevoir l’autorisation de la Dreal pour une plantation au printemps 2026 », précise Ludivine Griveau-Gemma.
Des peoples et une cause
« Technologies innovantes et handicap » constituent la thématique de cette 165e Vente des Vins, dimanche 16 novembre. L’association EHCO (Enfance et Handicap en Côte-d’Or) et l’Institut Robert-Debré du Cerveau de l’Enfant recevront le produit de la vente d’une pièce de Pommard 1er cru Les Rugiens. Le fût qui renferme cette pièce des présidents a été offert par la Manufacture Tonnelière La Grange, et façonné à partir de chênes d’exception issus de la forêt de Bertranges, par le maître tonnelier Dany Devilette. L’actrice Alice Taglioni, le réalisateur « burgondophile » Cédric Klapisch et le DJ Martin Solveig feront monter les enchères.
Le rayonnement via Sotheby’s
L’opérateur de la vente arrive au bout de ses cinq ans de contrat avec les Hospices Civils. Sotheby’s est candidat à sa propre succession, mais le choix du commissaire-priseur sera effectué tout début décembre. Pour la 165e édition, la maison d’enchères a poursuit son travail pédagogique à l’échelon international. « La vente est désormais suivie dans 32 pays », se satisfait Marie-Anne Ginoux, directrice générale de Sotheby’s France, qui souligne le travail effectué pour « la curiosité et l’éveil des marchés émergents », notamment en Asie du Sud-Est : cette année, les vins des Hospices de Beaune ont été présentés à Jakarta, Bangkok, mais aussi dans d’autres parties du monde (Abu Dhabi, São Paulo, Madrid…) Jeannie Cho Lee, Master of Wine et influente experte asiatique, continue d’être ambassadrice des vins des Hospices. « Une experte japonaise, basée à Tokyo, a par ailleurs rejoint l’équipe, tandis que que nous capitalisons sur nos bureaux à Paris, Hong Kong et tout récemment New York. »



