Vente des vins des Hospices de Beaune : Patriarche, mélodie en sous-sol

Acheter des pièces du domaine des Hospices de Beaune sous la halle, le troisième dimanche de novembre, est un art subtil de professionnel du vin. C’est aussi un élan du cœur, au nom de six siècles d’histoire et d’une suprême cause hospitalière. Certains acteurs en ont fait un sacerdoce. Dans le cadre de la 165e éditionDBM en a sélectionné une dizaine, soit autant d’histoires à saisir au fil cette intime « descente aux enchères ». Jean-Michel Gallette, le monsieur Œnotourisme de la maison Patriarche, sait l’attachement des siens à l’institution.

Jean-Michel Gallette, directeur œnotourisme de la Maison Patriarche. ©Jean-Luc Petit/DBM

Mi-novembre, il passe plus de temps en sous-sol qu’à la surface. Jean-Michel Gallette n’est pas sous la halle le jour J, bien trop occupé, avec son adjoint Pierre Borsato, à prendre soin des « pélerins » qui découvrent les exceptionnelles caves Patriarche. Cinq kilomètres de tunnels et d’histoire, pour quelque deux millions de flacons remontant à 1904. Ouvert 361 jours de l’année, le site voit défiler 45 000 personnes. « La moitié des visites se fait en anglais, nous accueillons des gens du monde entier. Le week-end de novembre, c’est 1500 visiteurs, nos équipes passent de 12 à 40 personnes », précise le Monsieur Œnotourisme de la maison Patriarche, heureux de surveiller cette « petite casserolle de lait sur le feu » depuis trente ans.

La Vente, elle, sera plutôt l’affaire de Philippe Marion, fraichement nommé directeur général de Patriarche pour le compte du groupe Castel. David Lioret (directeur financier), Etienne Chavanel (responsable export) et l’œnologue maison Maryline Gianna, en poste depuis 2019, complètent la garde rapprochée. L’affaire est sérieuse. Patriarche et les Hospices, c’est évidemment André Boisseaux. Entrepreneur de génie et personnage atypique, papa de l’œnotourisme, l’homme fut longtemps le premier soutien de la Vente. Patriarche achetait déjà du vin dans les années 50.

Au cœur des années 1980, quand tout n’était pas rose, il était capable de se lever de sa chaise et d’haranguer les acheteurs un peu trop mous à son goût. Il a surtout formalisé son désaccord après l’édition de 1994, allant même contre le négoce local, en militant pour que le domaine des Hospices de Beaune assure lui-même l’intégralité de ses élevages et sa mise en bouteille. Jean-Michel s’aligne respectueusement dans son sillage. « Ludivine (Griveau-Gemma, la régisseuse du domaine) mérite que sa signature aille jusqu’au bout. Les vins des Hospices de Beaune sont de très belle qualité et nous avons tous conscience de faire une bonne action quand on ouvre une bouteille. Cela devrait être remboursé par la sécu ! », analyse cet enfant de Couchey, qui vient tout juste de sceller un caveau renfermant un millier de bouteilles du millésime 2015, jusqu’en 2035.

Cette tradition donne lieu à des instants magiques. « L’ouverture du caveau de l’an 2000 est la plus belle dégustation de ma vie », s’émeut le responsable œnotourisme, qui a encore le parfum d’un mazis-chambertin 1980 du domaine des Hospices. Et que dire de ce bâtard-montrachet 1959… Quand il a recroisé en Bourgogne Philippe Faure-Brac, parrain de cette dégustation du siècle, Jean-Michel n’a pas eu besoin de raviver les souvenirs. « Ah, les 59 d’André Boisseaux, extraordinaires ! », s’est mis à chanter le Meilleur sommelier du monde 1992. Beaune n’a pas son pareil pour les mélodies en sous-sol. 

©Jean-Luc Petit/DBM