La cinquantaine de cuvées du domaine des Hospices de Beaune raconte une histoire de la ville et de cet extraordinaire patrimoine viticole constitué au fil des donations. L’auteur et dégustateur Laurent Gotti, grand spécialiste du sujet, revient sur les plus emblématiques. Épisode 3 avec Maurice Drouhin, administrateur des Hospices de Beaune pendant de nombreuses années.
Par Laurent Gotti,
avec Mathias Compagnon, archiviste à Beaune
Évoquer l’Hôtel-Dieu de Beaune et la seconde guerre mondiale renvoi inévitablement aux scènes de la Grande Vadrouille : de facétieux aviateurs anglais cachés dans les lits des malades de l’Hôtel-Dieu. Fiction bien sûr. Mais la réalité n’est pas bien loin. Un homme doit effectivement son salut aux sœurs hospitalières de Beaune : Maurice Drouhin. À la tête de la Maison Joseph Drouhin, il fut aussi pendant de nombreuses années administrateur des Hospices de Beaune.
Il accepte mal la défaite française actée dès les premières semaines de l’invasion allemande. « On peut être battu, cela n’est pas déshonorant. Mais je ne me consolerai jamais d’avoir vu mon pays sombrer dans la honte et la lâcheté », écrit-il le 31 août 1940.
Ses activités de négociants l’ayant conduit à entretenir de nombreux liens avec les pays anglo-saxons, Maurice Drouhin entre en résistance comme officier de liaison. En mars 1944, une lettre anonyme parvient aux allemands : « Gaulliste un peu trop ? Laneyrie et Drouhin prennent communiqués anglais » (voir photo ci-dessous). Fuyant par les caves de la maison, situées à quelques dizaines de mètres de l’Hôtel-Dieu, Maurice Drouhin trouve refuge dans le fameux bâtiment aux tuiles vernissées. Il s’y cachera jusqu’à ce qu’adviennent des temps plus calmes.
Pour remercier l’institution, il a fait don de vignes en 1947 aux Hospices Civils de Beaune. Un peu plus de 2,5 hectares de beaune premiers crus sur les climats Les Avaux (qui dominent la cuvée), Les Grèves, Champs Pimonts, Les Boucherottes. Maurice Drouhin recevra la légion d’honneur au début des années 1950, entouré des sœurs à l’Hôtel-Dieu. Paul Laneyrie, notaire, n’aura pas cette chance. Il meurt en déportation en février 1945.
Tous les ans, la cuvée Maurice Drouhin figure au catalogue de la fameuse vente aux enchères des Hospices de Beaune. Ses successeurs à la tête de la maison mettent un point d’honneur à en acquérir la plupart des lots.
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