Crémant de Bourgogne : dans les secrets de la bulle avec Gérard Liger-Belair

Le crémant de Bourgogne fait un « carton » : plus de 23 millions de bouteilles vendues en 2021. Un record depuis la naissance de l’appellation en 1975. Mais sait-on vraiment tout de lui ? Gérard Liger-Belair, professeur à l’université de Reims, dont les racines sont aussi à Vosne-Romanée, a percé le mystère. Cinq questions au génie de la bulle.

D’où viennent ces bulles que l’on aime tant ?

D’abord, aussi effervescent soit-il, le crémant reste un vin. Dans le processus de production, on est relativement proches du vin tranquille… jusqu’à la « prise de mousse ». C’est le nom que l’on donne à la seconde fermentation alcoolique, qui intervient dans la bouteille : après ajout d’une liqueur de tirage contenant du sucre et des levures, on la rebouche et on laisse les levures dégrader le sucre en produisant du gaz carbonique pendant quelques semaines. 

Et alors, ça gaze ?

Un peu ! On a environ 5 L de gaz carbonique, formés dans une bouteille de 75 cL. Soit 6 bar de pression dans une bouteille de vin effervescent, l’équivalent de la pression à 50 m sous l’eau… Et quand on débouche une bouteille, la vitesse d’échappement du gaz atteint presque deux fois la vitesse du son. Des réactions quasi similaires aux départs de fusées et d’avions de chasse, c’est extraordinaire !

Le contenant, c’est important ?

Pour qu’il y ait des bulles dans votre verre, il faut des petites particules à la surface de celui-ci. Ce sont des poussières atmosphériques. Autrement dit, à moins que vous plongiez votre verre dans de l’azote juste avant d’y verser votre crémant – ce que je déconseille – votre vin pétillera toujours. Il y a un lien direct entre la quantité de gaz carbonique dissout et la taille et la durée de vie des bulles. Lorsqu’on verse le vin très doucement, le potentiel d’effervescence est logiquement plus important et, surtout, pour une durée plus longue. 

Quel verre conseillez-vous pour déguster un Crémant de Bourgogne dans des conditions idéales ?

Faisons un comparatif. La flûte, grande et étroite, est la plus utilisée. C’est un symbole de fête. Une fois le liquide versé, le trajet de remontée des bulles jusqu’à la surface est long et va donc permettre aux bulles de grossir, puisqu’elles captent une grande quantité de CO2 dissous. Une fois arrivées à la surface, les bulles éclatent et larguent le CO2 dissous qu’elles ont accumulé. Au nez, cela provoque comme une sensation de piqûre, que l’on appelle la piqûre carbonique. Bref, la flûte n’est pas idéale pour déguster un vin effervescent. De son côté, la coupe, généralement évasée et peu profonde, rend les bulles plus petites puisqu’on a très peu de dioxyde de carbone en raison du chemin de remontée des bulles très court. Hélas, le grand « buvant » a tendance à diluer les arômes… Pas top non plus.

Ah ! Il n’y a donc rien qui aille ?

Si. Aujourd’hui, les contenants les plus adaptés se rapprochent des verres à vins tranquilles. Des verres avec une contenance plus importante qu’une flûte, avec une forme assez ovale, qui permet de conserver les arômes et de ne pas former de piqûre carbonique. Un bon compromis, en fait. À mon sens, l’idéal sont les verres à grands vins blancs.