Festival Beethoven à Beaune, histoire d’un « B to B » harmonieux

Sung-Wong Yang, directeur artistique du festival et Frédéric Mugnier, président de l’association qui en porte l’organisation, ont trouvé le juste ton pour que Beethoven à Beaune (du 20 au 23 avril 2023) symbolise l’harmonieuse rencontre entre la musique et le monde du vin. Seule la Bourgogne peut écrire ce genre d’histoire.

Le trio Owon à la Lanterne magique de Beaune. © D.R.

L’histoire d’amour entre la musique et le vin se fiche éperdument des frontières comme de toute sorte de cahier des charges qui oserait entraver sa liberté. Elle est intuitive, émotionnelle, joyeusement irrationnelle. Comme lorsqu’il s’agit de célébrer Beethoven à Beaune, sous le seul prétexte que le génie allemand est né… à Bonn. Depuis quand cette anecdotique homophonie justifie-t-elle de consacrer le compositeur allemand dans la capitale des vins de Bourgogne ? La réponse coule de source : depuis que le violoncelliste sud-coréen Sung-Won Yang et le vigneron de Chambolle-Musigny Frédéric Mugnier l’ont décidé.

Et pourtant, cet accord improvisé met tout le monde d’accord. En avril, Beethoven à Beaune reçoit du beau monde. Aussi étonnante soit-elle, la programmation de la cinquième édition du festival convoque d’autres compositeurs. « Une philosophie nouvelle pour cette année, précise Sung-Won Yang, car Bach a inspiré Beethoven, lequel aurait rêvé d’avoir Mozart pour maître, et Schubert l’a toujours idolâtré… Il y a un lien spirituel entre ces grands musiciens. »

Le violoncelliste coréen Sung-Wong Yang, directeur artistique du festival Beethoven à Beaune, et Frédéric Mugnier, vigneron et président de l’association Les Amis de Beethoven. ©D.R.

Démocratiser la musique de chambre

Cette ouverture démocratise la musique de chambre. Elle permet à un public plus large de découvrir l’intimité addictive d’un art musical autour duquel, comme pour le vin, on déploie de fausses idées qui en freinent la portée. 25 euros pour un concert, 65 pour les quatre : les tarifs sont abordables mais évitent la gratuité et le risque de galvauder la démarche.

À ce prix-là, se laisser envoûter par la viole de gambe de Christophe Coin et le clavecin de Bertrand Cuiller dans la salle Saint-Nicolas des Hospices de Beaune (jeudi 20 avril) est une douceur rare. Il en va de même pour la grâce, la beauté et le talent mozartien de la pianiste Momo Kodama et de la soprano Sunhae Im (vendredi 21 avril, Lanterne magique). Beethoven à Beaune permet aussi de découvrir l’excellent Quatuor à cordes Chaos (samedi 22 avril, Lanterne magique) et de revoir le directeur artistique du festival dans ses œuvres, en soirée de clôture le samedi, avec le Trio Owon. Un petit miracle.

Faits pour s’entendre

Revenons donc aux origines du festival. À cette passion croisée entre deux solistes de renom, pourtant si éloignés dans leurs arts et cultures respectifs. « Tu fréquentes de plus en plus la Bourgogne et les Bourguignons, j’ai peut-être une responsabilité dans ce fait », feint de s’interroger Frédéric Mugnier. « Je connaissais ton cousin Jean-Luc Maslin (ndlr, l’ancien directeur du centre culturel français de Corée du Sud), je parlais beaucoup de vin avec lui, c’est lui qui m’a fait connaître ton domaine », rappelle en retour Sung-Wong Yang. Un point de départ assez banal qui ne cessera de prendre force, chez le musicien, au gré de ses rencontres avec nos stars à nous dans le vignoble régional : les Sylvain Pitiot, Aubert de Villaine, Pierre de Benoist et autre Guillaume d’Angerville. Tous mélomanes avertis.

La vérité est donc entre les vignes de nos terroirs autant qu’entre les lignes d’une portée. Clé du sol d’un côté, clé de sol de l’autre. Il n’en faut pas plus pour se trouver des mots communs, des émotions partagées dignes d’être mises en musique. Sung-Wong ouvre le bal : « Mon père a fait des études en France dans les années 50, j’ai encore en tête des mots comme transparence, intensité, pureté, des choses que nous recherchons. » Frédéric prend le relais : « Dans nos conversations, nous tombons facilement sur le même vocabulaire, celui qui définit les qualités fondamentales de nos attentes, la transparence, la légèreté, la sincérité. »

Ces deux-là sont faits pour s’entendre. Leur partition commune a des accents philosophiques elle aussi. « Avec le vin, au début, on goûte les caractères variétaux, avec le vieillissement se développe l’âme du vin, l’expérience de la vie apporte de la texture à tout ça » résume le vigneron. « En Corée, on organise beaucoup de concours. Quand le musicien à 20 ans, on entend son travail, avec la quarantaine sa musicalité, la cinquantaine libère sa philosophie, après ce sera son âme », répond le violoncelliste, non sans confirmer qu’en toute circonstance, « la sincérité sait être touchante ».

En ce mois d’avril 2023, en clin d’œil à son homophone Bonn, la ville de Beaune va donc une nouvelle fois déclarer sa flamme à Beethoven, ce compositeur qui, selon Sung-Wong Yan, « a laissé des choses immortelles que nos âmes peuvent ressentir ». Sans barrière. « Comme pour le vin, ne rien connaître au sujet n’est pas un défaut, au contraire, cela évite les préjugés », insiste Frédéric Mugnier. L’harmonie, construite sur le hasard d’un nom, est donc parfaite.


Beethoven à Beaune, du jeudi 20 au dimanche 23 avril, salle Saint-Nicolas des Hospices et Lanterne magique. 25€/concert (15€ tarif réduit. Pass 3 concerts 50€ (30€ tarif réduit). Pass intégral 65€ (40€ tarif réduit).
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