Traditionnellement, nos campagnes produisaient à manger pour les villes. Avec le développement de la méthanisation, elles leur fournissent aussi de l’énergie : un gaz vert dont les territoires ruraux, agriculteurs en tête, seront les premiers bénéficiaires. Éric Passetti, directeur régional de GRDF en Bourgogne-Franche-Comté, répond à nos questions sur le sujet.
On voit de plus en plus de dômes de méthaniseur et de monticules de digestat (lire encadré) dans nos campagnes. Qu’en est-il vraiment au niveau des chiffres ?
Eric Passetti (GRDF BFC) : La filière est jeune, une dizaine d’années seulement, mais elle est devenue mature et va connaitre un important effet de levier dans les années à venir, soutenue par les objectifs du plan France 2030 pour la décarbonation de l’industrie. À l’heure actuelle, notre pays compte 703 méthaniseurs opérationnels, pour une production de 13 terawatts-heures, soit 4 % de la consommation de gaz française. Le gaz vert étant 10 fois moins carboné que le gaz naturel, cela a permis d’éviter l’émission de 2,5 millions de tonnes de CO2. La Bourgogne-Franche-Comté compte pour sa part 25 unités de méthanisation, pour une production annuelle de 400 gigawatts-heures. En Côte-d’Or en particulier, le biométhane représentera déjà 15 % de la consommation totale de gaz d’ici un an, soit l’équivalent de ce que produiraient 100 terrains de football recouverts de panneaux photovoltaïques ! À ce rythme-là, la part de gaz vert dans la consommation totale de gaz de la région devrait atteindre 25 % en 2030, au-delà de l’objectif national fixé à 20 %.
Comment intervient GRDF dans le développement de la filière ?
Dans le cadre de notre mission de service public, nous travaillons main dans la main avec les communes, les syndicats d’énergie ou encore les chambres consulaires pour favoriser l’émergence de la filière et stimuler son développement. Il s’agit tout d’abord de faire de la sensibilisation et de la transmission de connaissances afin de changer certaines idées reçues et de lever les freins à la création de nouveaux projets. Il faut par exemple faire savoir qu’un méthaniseur ne dégage pas plus de mauvaises odeurs qu’une simple ferme. Ou que les cultures dédiées à la méthanisation ne se font pas au détriment des cultures vivrières. À côté de cette mission pédagogique, notre cœur de métier reste la création de réseaux et de raccordements sur le terrain.
À l’origine du biogaz, il y a forcément l’agriculteur qui a produit la matière première nécessaire à la méthanisation. N’y a-t-il pas un risque que cette activité porte préjudice à sa vocation nourricière première ?
Absolument pas. Déjà, il faut préciser que le gaz vert provient aussi d’effluents d’élevage (lisier, fumier, paille…), de boues de stations d’épuration, de déchets alimentaires… Quant aux cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive), comme le seigle, le sorgho ou le sarrasin, elles sont semées en septembre et récoltées en mai. L’agriculteur pourra ensuite repartir sur une culture alimentaire principale de type tournesol, récoltée à l’automne. Dans ces conditions, les Cive ne viennent pas en concurrence avec les cultures alimentaires. Mieux, elles enrichissent les sols et apportent ainsi un véritable bénéfice agronomique à l’exploitant.
En quoi le biogaz représente une ressource d’avenir pour les territoires ruraux ?
Les communes rurales ont un rôle important à jouer dans le développement de la filière, car ce sont elles qui accueillent la plupart des unités de production, et qui en tireront les premiers bénéfices. La méthanisation apportera avec elle des emplois, des activités connexes en zone rurale, une diversification synonyme de pérennisation pour les fermes, ainsi qu’une source d’énergie verte et locale susceptible d’être utilisée en circuit court par des entreprises en quête de décarbonation.
Gaz vert, biogaz ou biométhane ?
Le « gaz vert » est un terme générique désignant toutes les formes de gaz renouvelables. Principalement issus de la méthanisation, ces derniers peuvent aussi être produits à partir d’autres procédés comme le power-to-gaz ou la pyrogazéification. Le principe du méthaniseur pour sa part est assez similaire avec celui de la panse d’une vache, qui dégrade de la matière organique dans une atmosphère pauvre en oxygène. De ce processus de fermentation, il résulte deux composants : du biogaz et un résidu plus ou moins solide, le digestat, qui servira d’engrais naturel pour les terres agricoles. Le biogaz peut être utilisé tel quel pour produire de l’électricité, mais il devra être épuré et odorisé pour être injecté dans le réseau public de gaz. Ainsi, après désulfuration, déshydratation et décarbonation, le biogaz devient du biométhane, un gaz vert qui s’utilise exactement comme du gaz naturel.