Un hôpital flambant neuf à 86 millions d’euros pour 2028 ? Ce miracle beaunois ne provient pas de l’opération du saint Vincent. Le directeur des Hospices Civils de Beaune explique en quoi une vente de charité finance les grands projets de soin. Ce qui pourrait s’appeler « remettre l’hôpital au milieu du village ».

Jeudi 10 juillet. En posant la première pierre du futur hôpital de Beaune, Catherine Vautrin salue « une exception française ». L’ambitieux chantier de 86 millions d’euros doit être livré en 2028 (lire encadré en fin d’article). Dans cette équation, 12 millions proviennent de l’État. Mieux que rien, mais peu pour un projet d’hôpital public. « Nous lui avons tout de même dit merci », glisse dans un sourire Guillaume Koch.
Le directeur reconnaît volontiers le caractère singulier de cet équilibre : un modèle hospitalier qui permet d’investir à un niveau extraordinaire, au sens premier du terme, pour un bassin de 100 000 habitants. Aucun autre hôpital public comparable ne pourrait soutenir de tels projets sans cette fameuse Vente des Vins, dont les recettes fluctuent entre 7 et 28 millions d’euros par an sur la dernière décennie.
Un hôpital de territoire
Au quotidien, les Hospices Civils de Beaune comptent 1 500 agents, soignants, praticiens, administratifs et personnels techniques confondus. L’établissement regroupe également les hôpitaux d’Arnay-le-Duc, Seurre et Nuits-Saint-Georges, un institut de formation d’infirmiers et aides-soignants, ainsi que plusieurs Ehpad.
Avec ses 980 lits et un budget de fonctionnement d’environ 120 millions d’euros, Beaune assure déjà un large spectre de soins, tout en maintenant son cap : prouver qu’un hôpital de proximité peut exister entre Chalon et Dijon.
« Tout ce qu’on peut faire en proximité, faisons-le », défend Guillaume Koch, arrivé en 2023. Il insiste sur « la complémentarité Beaune–Dijon, fondée sur des filières de soins » : à Beaune la prise en charge locale, au CHU le recours aux expertises hyper-spécialisées.
Un levier sous surveillance
Dans cette équation, « l’argent de la Vente » concentre autant d’attention que de malentendus. « Nous ne sommes pas un hôpital de riches », anticipe le directeur, soucieux de développer une pédagogie constante sur le sujet. Ces millions financent les investissements lourds et non les dépenses de fonctionnement.
Sous la houlette de Marie-Catherine Moraillon, directrice des affaires financières et des domaines viticoles, le produit de la Vente rejoint un budget annexe : la dotation non affectée, ou DNA. Celle-ci regroupe toutes les activités non médico-sociales et non hospitalières (vignes, terres, forêts, Hôtel-Dieu, patrimoine…).
Résultat : Beaune affiche un visage à deux vitesses. « Sur la partie hospitalière, nous perdons 6 millions d’euros par an. Mais notre résultat consolidé est de +3,5 millions, grâce à la DNA », résume le directeur. Ces fonds renforcent in fine la trésorerie, sans pour autant pouvoir être utilisés librement comptablement. L’institution aimerait d’ailleurs créer les conditions d’un usage plus souple, ce qui fait l’objet de discussions nourries avec l’État. Autre sujet.
Beaune reste pourtant dans une situation financière rare dans le service public : « Pas de problème de trésorerie, pas de dette sociale, contrairement à beaucoup d’autres. »
Hôtel-Dieu 2043
De quoi en faire « le directeur le plus heureux de France », comme l’avait proposé madame la ministre ? Tout n’est pas si rose. « C’est en tout cas un poste unique en son genre. La moitié de mon activité est extra-hospitalière ; heureusement, j’ai une équipe solide pour tout suivre », apprécie l’intéressé qui vient de vivre un moment de bonheur collectif, extrêmement rare à l’échelle d’une carrière aux Hospices, après le don de quelques ares du grand cru Clos-de-Vougeot par la famille Faiveley.
Mais au-delà du prestige, les Hospices assument un double héritage : gérer un hôpital moderne et préserver l’Hôtel-Dieu, ce « patrimoine le plus emblématique de la Bourgogne qu’il nous faut entretenir et projeter dans l’avenir, via un projet Hôtel-Dieu 2043 pour ses 600 ans. Nous souhaitons à ce titre impulser dans les années à venir une politique de mécénat patrimonial totalement orientée vers le bâtiment. »
Être sur tous les fronts revient aussi à sentir le vent de l’époque. Côté médical, la spécialisation accrue des médecins doit s’accompagner d’investissements, en particulier vers l’offre chirurgicale. « Après un an d’audit, notre directoire a validé le développement de notre pôle urologie. Nous avons recruté deux urologues, investi dans un laser, deux échographes et des équipements liés », prend à titre d’exemple le directeur, soit quelque 400 000 euros d’investissement au bas mot.
Et que dire aussi de ce robot chirurgical à 2 millions d’euros, le Da Vinci Xi, inauguré fin septembre, censé aussi « améliorer la prise en charge des patients » ? « Pas rentable mais stratégique, afin de rester compétitif sur notre niveau d’équipements. »
Les jeunes chirurgiens formés sur ce type de matériel de pointe veulent logiquement bénéficier de ce niveau d’équipement. Sans robot, pas de recrutement. Pas de recrutement, pas de soignants. Pas de Vente, rien de tout cela ou presque.

Un nouvel hôpital attractif
Le futur hôpital de Beaune se dessine sur un périmètre d’environ 15 000 m² qui sera construit pour remplacer l’actuel « bâtiment bleu » de 1971. Le projet, mené par un groupement porté par Vinci Construction (via C3B, Citinea) et le cabinet Architecturestudio, prévoit la réalisation de deux nouveaux bâtiments : un bâtiment d’hospitalisation (livraison prévue en 2028) et un bâtiment ambulatoire (opérationnel dès 2027). Conçu pour moderniser l’accueil et la prise en charge, le site ambitionne une architecture plus fluide, des parcours patients repensés, des espaces plus adaptés et un environnement de travail amélioré pour les praticiens. « Ce nouveau centre profitera à tout le monde. Nous espérons aussi inciter nos jeunes internes en médecine, chirurgie, obstétrique, SLD et SMR, à rester exercer à Beaune », loue le directeur des Hospices Civils.



