Jamais en vain : les chevaliers toujours servants du Tastevin

Privé de ses banquets et de ses visites, le château du Clos de Vougeot semble bien désert. En attendant la réouverture de leur chef d’ordre, les chevaliers du Tastevin n’en restent pas moins actifs, entre dons de paniers gourmands aux soignants et contacts réguliers avec leurs quelque 12 000 confrères disséminés aux quatre coins de la planète. 

Par Geoffroy Morhain

Début avril, le château du Clos Vougeot reprenait un peu d’activité après quasi trois semaines d’endormissement, façon Belle au bois dormant. Non pas pour son traditionnel chapitre du Renouveau, marquant le retour du printemps, mais pour une « opération Renouveau » destinée à remercier le personnel soignant du CHU de Dijon. « Quelques-uns d’entre nous ont réinvesti le château le temps de préparer les 200 paniers gourmands livrés au centre hospitalier par camion réfrigéré. Le grand cellier, qui accueille habituellement des centaines de convives, était désert et la cour d’honneur résonnait étrangement vide. Heureusement, la présence d’ouvriers dans les vignes alentour nous a rassuré sur un fait : malgré le confinement, la vigne continue à vivre », témoigne Arnaud Orsel, l’intendant général de la confrérie des Chevaliers du Tastevin. 

Bientôt Beaune et Nuits

Face à l’obligation de cesser temporairement l’organisation de ses chapitres (16 soirées de gala annuelles mêlant gastronomie, folklore et intronisations), la confrérie avait initialement pensé à une parade décalée : proposer aux invités de festoyer le soir dit, mais chacun chez soi, en se concoctant des œufs en meurette en tenue de soirée.  « Ceci dit, on s’est vite rendu compte que, malgré son côté amusant, cette idée nous maintenait dans un entre-soi un peu égoïste. Et qu’en cette période de crise, il nous fallait réfléchir à une action plus généreuse, au profit de ceux qui sont sur la première ligne de front, explique Arnaud Orsel. Au début, on a naturellement pensé à offrir de bonnes bouteilles de bourgogne aux soignants, mais le seul produit alcoolisé autorisé à entrer à l’hôpital étant le gel hydro-alcoolique, il a fallu changer notre fusil d’épaule. » 

Au final, parce que « les applaudir c’est bien, mais les régaler c’est encore mieux », 200 paniers de produits régionaux vont être distribués au personnel du CHU afin que ces derniers les partagent en famille. Des colis de belle facture constitués grâce à l’aide de différents partenaires : gougères et jambon persillé d’artisans locaux, produits des adhérents de l’association Vive la Bourgogne-Franche-Comté (moutarde Fallot, fromages Delin et Gaugry, jus de fruit Nectars de Bourgogne…). Suite au succès de cette première, un « Renouveau 2 » est prévu au profit de l’hôpital de Beaune, en attendant une opération « Tulipes » pour celui de Nuits-Saint-Georges fin avril.  

Chapitres reportés

Si le chapitre du Renouveau 2020 n’a pas eu lieu, l’assemblée générale de la confrérie du Tastevin s’est bien tenue le vendredi 3 avril comme prévu. Les membres se sont retrouvé par visioconférence (voir capture d’écran ci-dessus) afin de continuer à faire vivre l’association et ses activités dans le monde entier – environ 1400 pouvoirs ont été enregistrés – malgré les mesures de confinement qui frappent désormais la plupart des pays. 

Il faut dire que la pandémie force la confrérie du Tastevin, comme la plupart des entreprises, à se réinventer. De l’adversité nait souvent la créativité : « Dans la mesure du possible, nous n’allons pas annuler les chapitres qui ne peuvent avoir lieu pour l’instant, mais les reporter au second semestre 2020. Comme on ne va pas faire un chapitre du Printemps en octobre, cela va nous obliger à en créer de nouveaux, comme c’est déjà prévu avec le chapitre du Patrimoine lors des Journées européennes du patrimoine (19-20 septembre), celui des Quatre Saisons le 30 octobre ou encore le chapitre extraordinaire de Noël le 19 décembre », poursuit l’intendant général.

Au-delà des chapitres de la confrérie, le report des manifestations privées qui se tiennent au château du Clos de Vougeot posent également question : « Quand le confinement sera levé, il nous faudra rattraper le temps perdu, en accueillant des mariages non seulement le samedi, mais aussi le vendredi. En veillant à ne pas épuiser nos équipes non plus. Et en sachant que, compte tenu de notre capacité d’accueil (plus de 500 personnes), nous serons parmi les derniers à être déconfinés, comme les salles de concerts ou les stades. »

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© Serge Chapuis

L’essentiel est dans les vignes

Bref, l’équation n’est pas simple, mais l’essentiel est ailleurs : « Le plus important pour nous, c’est que la vigne s’épanouisse, que les travaux dans les parcelles se poursuivent coûte que coûte, que les prochaines vendanges se fassent dans les meilleures conditions possibles. Pour l’instant, la crainte vient plus du côté de la distribution : les stocks s’accumulent et le millésime 2018 est coincé en cave. Heureusement, il ne s’agit pas d’une denrée périssable ! »     

La confrérie du Tastevin s’en remettra, elle en a vu d’autres : en 1939, alors en plein envol, elle a dû se mettre en sommeil durant toute la Seconde Guerre mondiale (seule une petite équipe américaine maintiendra le flambeau de l’autre côté de l’Atlantique), pour mieux revenir le 16 novembre 1946 avec un chapitre de la Résurrection particulièrement mémorable. De nos jours, en attendant le premier chapitre de l’ère post-Covid et la réouverture du château du Clos de Vougeot à la visite, on pourra toujours aller découvrir les secrets de ce haut lieu du patrimoine bourguignon sur ses pages Facebook et Instagram : à chaque jour de confinement, un gros plan sur un détail d’architecture ou une anecdote historique. Ça fait passer le temps et c’est passionnant !