Gorgée d’espoirs, sous la bienveillance de ses quatre présidents, la Vente des Hospices de Beaune 2018 est lancée. Ludivine Griveau, la régisseuse du domaine des Hospices de Beaune et ses équipes ont beaucoup donné pour enfanter ce millésime hors norme. Ils espèrent à présent recevoir autant. Qui dit mieux ?
Évacuons ce jeu de mot (bouchonné) d’entrée, la 158e Vente des vins des Hospices de Beaune a démarré sous les meilleures auspices. Baignée de soleil et d’excitation, la cité beaunoise a accueilli les présidents Nathalie Baye, Emmanuelle Béart, Erik Orsenna et Pascal Elbé (Alice Taglioni étant finalement absente) pour un dimanche sans doute historique.
Lors de la traditionnelle conférence de presse du BIVB, François Labet a d’abord qualifié 2018 d’année « particulière », d’un « millésime idéal » ayant bravé les intempéries du printemps et la sécheresse de l’été. Puis le président de l’intreprofession s’est lâché, quand même, devant le constat d’une récolte bourguignonne idyllique estimée à 1,8 million d’hectolitres et une climatologie proche de l’exceptionnelle année 1947 : « Fantastique ! »
Tout n’a pas été facile
Cette prudence liminaire se comprend. Tout n’a pas été facile en 2018, à écouter Ludivine Griveau. La régisseuse du domaine des Hospices a fait état, en toute transparence, d’une « climatologie difficile à dompter, qui a entrainé des choix stratégiques au domaine, parfois en passant de mauvaises nuits ». Ces actes forts ont débuté tôt, par une campagne de dédoublage (retirer les double bourgeons) lors de la floraison. « Les raisins sont très vite apparus, fin avril, mi mai, et nous avons tout de suite perçu une récolte généreuse. Récolte qu’il a fallu contenir via des opérations de régulation, en évitant la vendange en vert car elle constitue un recours ultime, le dernier pansement à mettre. Ce niveau de rendement, soit 50 hectolitres par hectare pour les rouges et autour de 40 pour les blancs, permet à notre sens d’enfanter de grands vins. »
Ainsi, dans l’esprit « haute couture » du domaine des Hospices, la mosaïque de 117 parcelles a été choyée par les 23 salariés viticoles sous la direction de Ludivine Griveau. « Surtout pas de systématisme, a insisté l’intéressée, car la première règle c’est de ne pas en avoir. » Ce leitmotiv a pu se vérifier à bien des égards : « Cela fait 18 ans que je fais du vin, c’est la première fois que je me torture autant l’esprit pour aboutir à une date de récolte », a avoué la régisseuse, consciente d’avoir entre ses mains « un puzzle avec toutes les pièces, sans arriver à vraiment le composer ». Mûr à Savigny-lès-Beaune, à peine 300 mètres plus loin, encore moins de l’autre côté… Il a donc fallu établir un planning de vendanges par climats et non par cuvées. Une petite révolution effectuée sur la base d’un bon sens bourguignon, à savoir « déguster les baies, croquer les pépins, mâchouiller les peaux… » Telle est la subtilité géologique de la Bourgogne, celle qui fait sa grandeur : les vignerons font de la haute voltige.
« Cela en valait la peine »
Au bout du compte, après 13 jours de vendanges (au lieu de 8 habituellement) débutées en août (la quatrième fois de suite) et des entonnages du 26 septembre au 13 octobre, 2018 est né. C’est un beau bébé. « Il nous a poussés dans nos retranchements, mais il en valait la peine. »
Avec 828 pièces produites, soit 41 de plus que l’an passé, il annonce quelque chose de grand. Chaque coup de marteau donné par François Curiel sera scruté. Le chef d’orchestre de ce dimanche, président de Christie’s Europe et Asie, a de la bouteille : 50 ans d’expérience dans la maison de vente britannique. Son grand retour n’est pas innocent. Avec maestria, il s’efforcera de faire grimper les prix, pour la bonne cause (Institut Pasteur, Asmae et BAB). Sous les meilleures auspices, cela va de soi.