La viticulture orpheline de Pierre Masson

Pierre Masson a quitté sa chère terre bourguignonne, dimanche 22 juillet. Il était un expert en biodynamie parmi les plus reconnus en France. Ses travaux et son engagement du quotidien ont beaucoup influencé les vignerons d’ici et d’ailleurs. Trinquons à sa mémoire.

Par Jacky Rigaux

Pierre Masson fut un acteur décisif de ce que l’on peut appeler « le réveil des terroirs ». Très tôt, il eut la conviction que l’agronomie faisait fausse route en optant pour une assistance à la plante et à la destruction systématique de ce que l’on considérait comme faunes et flores nuisibles à son développement, d’où l’arrivée en masse des pesticides, herbicides et autres fongicides…
Son rapport à la biodynamie s’inscrivit d’emblée dans cette conviction que la nature fonctionnait avant que l’homme n’en comprenne les mécanismes et que toute intervention sur elle devait activer notre réflexion : est-ce que ce que l’on fait sur elle est bon pour elle ?

Grand praticien et penseur

Certes, il était un grand praticien de la biodynamie, mais il en était aussi et surtout un penseur. Pas de dogmatisme chez lui, pas d’endoctrinement, mais une confiance en tous les viticulteurs qu’il conseillait. À chacun d’oser son rapport au vivant, à chacun de s’impliquer dans le respect des rythmes de la nature, ceux impulsés par le soleil en priorité, de la lune aussi et de toutes les planètes. Les recherches actuelles en chronobiologie vont d’ailleurs dans ce sens aujourd’hui. Il a rappelé au vigneron qu’il est un acteur, et non un technicien qui applique les recettes agronomiques officielles.
Pierre Masson était un passeur. La transmission était son moteur. Son immense savoir, associé à sa modestie notoire, en faisait un homme généreux, attentif, chaleureux, accueillant. Ces trois dernières années, il animait des soirées où se rassemblaient de nombreux vignerons, en particulier un cycle sur la régénérescence de la vigne. On y trouvait Frédérick Lafarge, Jean-Louis Trapet, Bruno Clavelier, François Duviviers, Vincent Dauvissat, Pascal Mugneret et bien d’autres, tous acteurs d’une viticulture respectueuse de la vie dans les sols et des équilibres naturels, tous convaincus du nécessaire retour à la biodiversité la plus grande. Les différentes générations étaient représentées. Le sens du passage.

Rigueur et modestie

C’est avec rigueur et modestie qu’il a enseigné la biodynamie, invitant chaque vigneron à faire des essais afin de pouvoir comparer. Le cheminement de chacun est plus important que la somme des techniques à mettre en œuvre ! Il a su activer un véritable collectif de vignerons solidaires et désireux de transmettre comme lui, plus une démarche que des recettes. Dimanche 22 juillet, Pierre Masson est « parti sereinement, entouré de sa famille, a communiqué cette dernière. Ce jour de la Sainte Marie-Madeleine prend un sens particulier, car depuis plusieurs mois, ce thème était au cœur de ses recherches« . Puissent ces dernières continuer à éclairer les bonnes âmes qui travaillent notre terre.