Ludivine Griveau : « 2020 n’est que paradoxe » pour le domaine des Hospices de Beaune

La régisseuse des Hospices de Beaune revient sur une année complètement paradoxale sur le plan de la culture de la vigne, qui débouchera, assure-t-elle, sur des vins « incroyables ». Le millésime 2020 sera bien la star de la 160e Vente des vins prévue le 15 novembre.

Ludivine Griveau, régisseuse du domaine des Hospices de Beaune depuis 2015. © Michel Joly

« Ce millésime n’est que paradoxe » : Ludivine Griveau, la célèbre régisseuse des Hospices de Beaune, sait qu’on attend d’elle, comme chaque année, qu’elle décrive avec sa passion et sa précision habituelles le millésime 2020 qui sera mis en vente lors de la 160e vente aux enchères des Hospices. Mais sortie de sa « punchline », la jeune femme peine encore à y voir clair. « Ça fait des jours que j’essaie de synthétiser ce millésime, mais je n’y parviens pas. J’ai tant de choses à dire, je crains de ne pas arriver à être concise. » En tout cas, 2020 sera l’année du Covid-19 et des paradoxes. 

Les vignes des Hospices de Beaune ont tenu le coup

D’abord, tout commence bien, avec un automne, puis un hiver normalement arrosés. Mais, avec le printemps s’installe le déficit d’eau. Les rares pluies profitent à la végétation, mais ne rechargent pas les réserves en eau. Heureusement, l’été, quoique chaud, ne connaît pas les vagues de chaleur successives de l’année 2019, qui avaient pas mal brûlé les cultures. Les nuits restent relativement fraîches. « Les vignes ont tenu le coup. Elles en bavent, mais elles s’adaptent, c’est ce que j’espérais », rassure Ludivine. Malgré le manque d’eau, les feuilles restent vertes, et il faut attendre début août pour voir les premiers jaunissements, au pied des ceps. La floraison se fait facilement, « comme si la vigne avait l’intention d’assurer sa pérennité », les fruits sont beaux et gros, quoique moins nombreux qu’à l’ordinaire. Les vendanges sont très précoces dans le domaine des Hospices, et commencent dix jours plus tôt que l’an passé, dans la dernière quinzaine d’août. D’autres vignerons récolteront quelques jours plus tard, et profiteront d’une pluie bienvenue qui gonflera leur raisin. « Le cumul chaleur et manque d’eau a eu raison d’un peu de jus. Mais le raisin récolté est d’un état sanitaire parfait, je vous aurais mis au défi d’apporter une grume abîmée ou moisie pendant la vendange », assure la régisseuse. Le domaine de 60 hectares récolte cette année plus de 300 tonnes de raisin.

Acidités d’école

Le miracle se poursuit pendant la vinification, avec des rouges « tout feu tout flamme », et des blancs qui fermentent plus doucement. « En rouge, ça nous fait des vins incroyables, qui défient toute anticipation œnologique. On retrouve des vins de belle couleur, avec des tanins très soyeux, faciles à extraire. Nous venons de terminer le décuvage et débutons l’entonnage (ndlr, entretien réalisé le 18 septembre). Si vous saviez comme ça sent bon le fruit frais en cuverie. On ne retrouve pas le côté pruneau, avec ses arômes compotés habituels, on est vraiment sur le fruit », analyse l’experte.

Les blancs assurent leur lot de surprises également. Alors que l’été ensoleillé, sec et chaud faisait craindre une surcharge de sucre dans le raisin, donc d’alcool, et un manque d’acidité, il n’en est rien. « On a des acidités d’école, parfaites. Les blancs ont fermenté plus doucement que les rouges, ils prennent leur temps. Au final, ils ont pas mal de fond et de densité. On a l’acidité, la structure, et le gras, qu’espérer de plus », s’enthousiasme-t-elle.   

Une 160e vente unique
Année exceptionnelle, millésime exceptionnel, cru exceptionnel, contenant exceptionnel et opportunité exceptionnelle. N’en jetez plus : le 15 novembre 2020, la 160e Vente des vins des Hospices de Beaune sera unique, et restera dans les mémoires. « C’est la première fois que le Clos de la Roche Les Froichots est choisi pour la pièce des présidents, et la première fois que nous utilisons un grand cru de chêne issu du parc forestier du domaine de Chambord pour le fût », pointe Ludivine Griveau. La pièce de charité, en outre, sera vendue par Christie’s au profit des hospitaliers, en l’occurence la Fédération hospitalière de France (FHF) et le Comité de gestion des œuvres sociales des établissements hospitaliers publics (CGOS), un choix effectué par le directeur des Hospices avant la crise de la Covid-19. Celle-ci s’invite cependant à l’événement, dont la jauge habituelle – 680 personnes lors des enchères – sera divisée par deux voire trois. De quoi nourrir quelques inquiétudes quant à la tonicité des enchères, qui fonctionnent souvent par l’émulation. Pour motiver les participants, nouvelle opportunité exceptionnelle, l’acheteur pourra faire vinifier sa pièce de 228 litres par les Hospices de Beaune. « Les bouteilles pourront porter la mention “Mis en bouteille au domaine”, ce qui n’est arrivé qu’une fois dans l’histoire », fait remarquer la régisseuse.