Nicolas Rolin : dans les sous-sols d’Autun, l’enquête continue

La nouvelle a fait les titres de la presse, y compris de DijonBeaune.fr, en décembre dernier : la sépulture et le corps de Nicolas Rolin, le fondateur des Hospices de Beaune et chancelier de Philippe le Bon, ont été trouvés à Autun. En vérité ? Tout le monde a été un peu vite en besogne et l’enquête archéologique, passionnante, se poursuit. Explications.

Les fouilles d’archéologie préventive, dans le cadre de l’ambitieux projet du musée Grand Rolin à Autun, parlent et vont continuer de parler. Mais il ne faut pas leur faire dire ce qu’elles ne disent pas. En l’occurence, la découverte, qui a fait grand bruit en décembre dernier, de la tombe de Nicolas Rolin, le chancelier de Philippe le Bon et fondateur des Hospices de Beaune, doit être fortement nuancée. Car si l’on a très vraisemblablement mis au jour le caveau dans lequel l’homme a été inhumé après sa mort en 1462, rien n’est certain quant à la présence des restes du corps du notable. Rien de surprenant d’ailleurs : l’archéologie est une science de doute, d’hypothèses, rarement de certitudes.

On a retrouvé Notre-Dame

Les sources historiques renseignent un fait : l’homme a été enterré dans l’église Notre-Dame du Châtel. Las, l’édifice a totalement disparu à la Révolution française, où il a été soigneusement démonté, et ses matériaux de construction récupérés. La localisation exacte de l’église n’était jusqu’alors pas certaine. « C’est l’un des premiers enseignements de notre campagne de fouille : la localisation de l’église Notre-Dame du Châtel, qui était incertaine – on parle de plan flottant dans notre jargon – ne l’est plus. Nous avons mis au jour des murs et des maçonneries qui ont permis de caler avec précision le plan de l’église et son emplacement, qui était au niveau de la place Saint Louis », explique Yannick Labaune, responsable du service archéologique de la Ville d’Autun. L’emplacement exact de l’édifice religieux du XIe siècle est crucial pour localiser la tombe de Nicolas Rolin, située au niveau du chœur de l’édifice.

Radiocarbone

 Une tombe, à l’emplacement attendu, les archéologues en ont bien trouvé une. Un caveau même. Avec des restes humains à l’intérieur, un éperon entier et les restes d’un second éperon. Or, Rolin, d’après une source textuelle, portait des « éperons d’or » dans sa tombe. En additionnant A et B, le plan, les restes humains, les éperons, on a vite fait d’estimer avoir trouvé le corps du chancelier. Trop vite.

« Le caveau contient les ossements de plusieurs personnes. On a retrouvé 10 crânes, dans les angles du caveau, et de nombreux ossements. Le défunt le plus vieux, et certainement le mieux préservé, est contemporain de Nicolas Rolin. La datation radiocarbone des ossements fournit une date dans la première moitié du XVe siècle, comprise à 95,4 % entre 1399 et 1450 », détaille l’archéologue. Rolin, on le rappelle, est mort en 1462. Ça ne colle donc pas parfaitement, mais assez bien quand même. « Nous ne pouvons exclure l’hypothèse que la datation soit imprécise, peut-être du fait d’un traitement d’embaumement qu’aurait subi le corps », précise d’ailleurs Yannick Labaune. 

Et les éperons en or ? Ne constituent-ils pas un indice déterminant ? Là aussi, rien de définitif. D’abord, lesdits éperons ne sont pas en or, ce qui ne doit surprendre personne du fait de la ductilité de l’or, qui le rend difficile à utiliser pour éperonner un animal. Les éperons trouvés sont en laiton, selon toute vraisemblance, un métal qui a l’aspect de l’or, mais est bien plus dur. « Nous avons restauré l’éperon intact (ndlr, en photo ci-dessous) et l’avons soumis à des spécialistes de l’instrumentum, qui nous ont confirmé qu’il était compatible avec les dates de la vie de Rolin. Nous pouvons affirmer qu’un individu présent dans ce caveau portait des éperons, et que ceux-ci avaient l’apparence de l’or, mais nous ne pouvons affirmer qu’il s’agit de Nicolas Rolin », poursuit le chercheur.

Rien de définitif

Le tombeau a été utilisé durant une longue période, allant du XVe au XVIIe, et les corps qui y ont été déposés ont été l’objet d’une « gestion raisonnée » : certains ossements ont été enlevés et placés dans des ossuaires. Et, lors du démontage de l’église, les récupérateurs ont aussi contribué à mélanger tous les restes humains, rendant, pour l’instant, une identification certaine impossible. 

« Ce que l’on peut dire à ce stade, c’est que nous avons localisé le tombeau de Rolin, et vraisemblablement des éléments qu’il devait porter sur lui. Mais sur la présence du corps de Rolin, nous n’avons rien de définitif. Des études sont en cours pour préciser la datation radiocarbone du défunt à éperons. L’enquête se poursuit », conclut Yannick Labaune. D’Autun à Beaune, personne ne manquera de suivre avec attention ce cold case à la sauce bourguignonne.

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