Arrivée à Dijon à l’âge de 4 ans, la nouvelle maire connaît la ville sous tous ses angles. Comme dans la chanson, elle l’aime, elle l’adore… et entend bien travailler à son harmonie, dans un style qui lui est propre. DBM a demandé à Nathalie Koenders de se raconter à travers 6 lieux clés. Autant d’occasions d’en apprendre sur les événements qui ont forgé sa personnalité et de découvrir, entre autres, une fibre musicale…

Dans le vaste bureau de la maire de Dijon, au cœur du palais des ducs de Bourgogne, rien, ou presque, n’a changé depuis que François Rebsamen a cédé sa place à sa première adjointe, Nathalie Koenders, le 25 novembre dernier. Rien sinon un vaste portrait de Simone Veil, posé par terre, en attente d’un prochain accrochage. « Elle fait partie des femmes emblématiques qui se sont battues pour le droit fondamental de disposer de leur corps, un droit remis en cause dans certains pays », commente Nathalie Koenders.
À 47 ans, elle est devenue la première femme maire de Dijon. Un événement historique à l’échelle locale qu’elle ne met guère en avant, préférant insister sur la transition dans la continuité de son prédécesseur. « François m’a beaucoup délégué ces dernières années, je le représentais à de nombreux endroits, ça a rendu la transition naturelle. » Preuve, estime-t-elle, de la « fluidité » de la passation de pouvoirs, le sondage annuel de notoriété municipale montre que 55% des Dijonnais savent qu’elle est maire, et que 81% d’entre eux la connaissent, sans nécessairement connaître sa fonction. « Dans d’autres villes, des maires, élus parfois depuis cinq à dix ans, n’ont pas ces taux de notoriété », avance sans tambour ni trompette (expression de circonstance) l’intéressée, bien consciente du caractère précieux de ce socle.
Mais l’édile n’est pas du genre à se laisser glisser dans des eaux tranquilles. « Au quotidien, elle dit les choses et sait remuer chacun, son tempérament affirmé veut cela, mais elle a gardé une forme de tranquillité et un naturel qui passent bien », apprécie-t-on dans les couloirs municipaux. Dijon apprend donc à découvrir le style « NK ». Musique !
Lac Kir et Fontaine-d’Ouche
Vacances pour celle qui reste
La ville, la jeune élue la connaît comme sa poche. Arrivée de Rennes à 4 ans, elle vit dans plusieurs quartiers, au gré des aléas d’une famille qui bat un peu de l’aile et déménage tous les deux ans. Ses parents se séparent, divorcent, son père repart en Bretagne. Se retrouvant seule, sa mère n’a plus vraiment les moyens de partir en vacances. C’est donc à la faveur d’un été passé à Dijon qu’elle s’initie à la voile, puis au kayak, sur le lac Kir, à un jet de pagaye de la Fontaine-d’Ouche où elle vit. « Les copains et les copines, le kayak… J’ai passé un été formidable alors que j’étais restée à Dijon, à Lake Kir City comme je disais aux copains du collège », se souvient-elle.
La suite de l’histoire est connue : le sport de haut niveau marquera douze années de sa vie, et culminera avec plusieurs titres de championne de France de kayak et des finales internationales. « Le sport m’a structurée », résume celle qui regarde avec une tendresse particulière la nouvelle base nautique inaugurée en 2024.

Conservatoire Jean-Philippe Rameau
La montée en gamme
Reproduisant des stratégies de réussite scolaire de « vieux Dijonnais », signe d’une excellente « intégration » locale, sa mère l’inscrit en filière musique, allemand première langue, sésames dérogatoires pour le renommé collège Marcelle-Pardé. La famille aime la musique, et Nathalie s’entiche du saxophone, qu’elle pratique au conservatoire Jean-Philippe Rameau plusieurs années. Elle abandonne, à l’orée du lycée, cette pratique exigeante pour se consacrer au kayak, mais conserve une sensibilité de musicienne. « J’ai essayé d’initier mes deux fils à la musique, sans trop de succès. Mais j’ai récemment acquis un petit piano électrique dont je joue pour me détendre. Quant au saxo, je l’ai ressorti pour la photo, mais j’en tire encore des sons, ce n’est pas si mal… »

Lycée Charles-de-Gaulle
La classe internationale
Studieuse, l’adolescente poursuit sa scolarité en classe internationale au lycée Charles-de-Gaulle, où elle obtient un bac scientifique mention bien. Elle obtient une maîtrise en management et droit du sport à l’université de Bourgogne, puis une licence en droit public à Paris-II Assas…

Université de Bourgogne
Du Creps au Rebs
C’est au centre de ressources, d’expertise et de performance sportive (Creps) que Nathalie Koenders commence à enseigner, en 2001. Après l’arrêt de sa carrière de spotive de haut niveau quelques années plus tard, elle choisit de reprendre ses études.
« Licenciée en droit public, j’ai réussi le concours du cycle préparatoire au concours d’entrée de l’ENA en 2006 ; j’ai donc été détachée auprès de l’ENA pendant un an et je suis partie à l’Institut d’études politiques de Lille pour valider ce cycle préparatoire », détaille celle qui, par le biais de l’Office municipal des sports, fera la connaissance de François Rebsamen en 2008. Une rencontre qui va changer sa vie. Après avoir fait basculer la ville à gauche, le maire veut rajeunir son équipe et sollicite cette sportive à la tête bien faite.
« Je n’étais pas engagée politiquement, mais je trouvais que François Rebsamen avait fait bouger les choses durant son premier mandat. J’y ai vu une opportunité, non pas carriériste – je n’imaginais pas me retrouver dans ce siège dix-sept ans plus tard –, mais d’agir », précise-t-elle. Pas dupe, elle ajoute : « Et c’est vrai que je cochais plusieurs cases à l’heure des lois sur la parité. » Le maire lui propose une place de numéro 2 sur sa liste. « Il me tutoie facilement et me dit, “Ça ne te dérange pas si je fume ?” » Et je lui réponds. « Ben si, en fait, vous ne l’avez pas vu, mais je suis enceinte, je préférerais que vous fumiez à la fenêtre… J’étais un peu spontanée », sourit-elle.
Les réalités de la politique se chargent vite de la dessiller. « Après l’élection, François Rebsamen a réuni toutes les femmes de son équipe pour célébrer le 8 mars, journée internationale des droits des femmes. En tant que numéro 2, je devais me tenir à ses côtés pour la photo mais d’un coup, toutes mes consœurs sont arrivées et je me suis retrouvée reléguée au dernier rang. » Du Creps au Rebs, dans les bons moments comme dans les épreuves, l’apprentissage a des airs de chemin initiatique.

Rue Vauban
La famille en sécurité
L’attention particulière qu’elle porte à la tranquillité publique prend racine à un autre endroit dijonnais, le 10 rue Vauban, où Nathalie Koenders vit plusieurs années avec son compagnon et ses deux enfants. À quelques pas seulement de son bureau d’aujourd’hui. La voie et la place étant devenues piétonnes, « les enfants pouvaient jouer dehors en toute sécurité pendant qu’on mangeait une pizza au Arp Café », se souvient-elle. Cette anecdote n’est pourtant pas pour autant l’alpha et l’omega de sa politique familiale en tant que maire. Son histoire personnelle lui fait surtout placer parmi ses priorités l’accompagnement des familles monoparentales, « très majoritairement constituées de mères isolées. Nous devons les aider, c’est un sujet à traiter à l’échelle municipale. »

Flannery’s
Le jardin secret
L’arrivée de « NK » à la tête de l’exécutif municipal marque tout de même un changement de style, perceptible lors des derniers conseils municipaux, plus apaisés, avec une maîtresse de cérémonie moins cassante que son prédécesseur. « Il n’y a pas l’épaisseur d’une feuille de papier entre François Rebsamen et moi. Sur la forme je suis peut-être plus pédagogue, à expliquer, à faire des réunions publiques », reconnaît-elle. Sur le fond aussi, par touches délicates, la maire fait bouger les lignes, notamment en matière d’urbanisme et de végétalisation des rues. « La société a évolué. Il faut toujours construire, mais peut-être différemment de la manière dont on l’a fait jusqu’à présent. » L’abandon des projets Venise 2 et quai des Carrières blanches sont les premiers signes de cette inflexion.
Tranquillement, Nathalie Koenders se détache de son mentor. Certes, elle ne s’est pas déclarée candidate pour l’élection municipale de mars – « un secret de Polichinelle » – mais elle hésite à peine à revendiquer, pour le futur, la présidence de Dijon Métropole, conservée par François Rebsamen. « Si l’on met François Rebsamen à part, qui a été maire pendant 23 ans et a toute légitimité pour présider la métropole, je pense qu’il faut que ce soit le maire de la ville centre qui occupe cette fonction. D’ailleurs, les maires de la métropole actuelle n’accepteraient pas un autre choix », analyse-t-elle.
En attendant cette échéance, Nathalie Koenders occupe le terrain, lance de grands projets structurants comme la rénovation du Parc des Expositions ou la troisième ligne de tram. Et tente de conserver son jardin privé, malgré l’exposition de sa fonction. Avec ses amis, elle aime prendre un verre au pub Flannery’s, face à la cathédrale. « Parfois ils m’incitent à prendre un verre de plus et en général je leur réponds, “D’accord, mais alors on va chez moi”. Souvent, je me dis : “Fais attention, tu es la maire”, mais je continue, en tout cas, à être dans la vraie vie. »
